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Marée noire - Page 2

  • Procès de la marée noire du Prestige: l'Etat français dépose un recours

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    Le naufrage du pétrolier Prestige, en novembre 2002. Photo archives AFP

    L'Etat français a annoncé vendredi avoir introduit un recours en cassation devant la cour suprême espagnole contre la relaxe des trois accusés jugés au pénal à La Corogne, pour la marée noire consécutive au naufrage du pétrolier Le Prestige, en novembre 2002.

    La reconnaissance d'une infraction pénale d'atteinte à l'environnement

    La France se pourvoit en cassation contre ce jugement "afin de faire reconnaître par la Cour Suprême espagnole l'existence d'une infraction pénale d'atteinte à l'environnement en raison des actes commis par le capitaine et l'équipage", soulignent les ministres de la Justice et de l'Economie dans un communiqué. Le recours "permettra également de contester les conclusions du tribunal de la Corogne en termes de responsabilités civiles", poursuivent-ils, en soulignant que le gouvernement espagnol a lui aussi décidé de se pourvoir dans ce dossier : le parquet de la Corogne, ville espagnole située en Galice, a indiqué le 18 novembre, qu'il faisait appel devant la même instance contre ce jugement, afin d'obtenir "réparation" du préjudice provoqué.

    marée noire hossegor.jpgUn coût de 109,7 millions d'euros pour les victimes françaises de la pollution

    L'accident du pétrolier survenu fin 2002 au large des côtes de Galice (nord-ouest de l'Espagne), a souillé des milliers de kilomètres de côtes -surtout en Espagne mais aussi au Portugal et en France - et contraint à la fermeture de riches zones de pêches. Le coût de cette marée noire est estimé à 109,7 millions d'euros pour les victimes françaises, dont 67,5 supportés par l'Etat pour lutter contre la pollution, précisent les deux ministères.

    Il y a dix jours, le 13 novembre, les juges espagnols ont estimé qu'il était impossible d'établir la responsabilité pénale des trois accusés et jugé que le capitaine, le chef mécanicien et le directeur de la Marine marchande espagnole d'alors n'étaient pas coupables du délit d'atteinte à l'environnement.

    Cathy Lafon avec l'AFP

    PLUS D'INFO

    • Les articles de Ma Planète sur la marée noire du Prestige : cliquer ICI
  • Journée noire pour l'environnement : l'Espagne blanchit les accusés du naufrage du "Prestige"

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    La marée noire du Prestige à Hossegor (Landes), 3 février 2003. Photo archives Sud Ouest /Guillaume Bonnaud

    Onze ans jour pour jour après le SOS lancé par le" Prestige", la justice espagnole a acquitté, mercredi 13 novembre, les accusés pour le naufrage du pétrolier, à l'origine d'une des plus graves marées noires de l'histoire. Très amers, les victimes parties civiles et les écologistes dénoncent un verdict qu'ils jugent scandaleux.

    Blanchis

    Le Parquet avait requis entre cinq et douze ans de prison contre les trois accusés. Hier, le tribunal supérieur de Galice, à La Corogne, a acquitté le commandant grec, Apostolos Mangouras, le chef mécanicien, grec lui aussi, Nikolaos Argyropoulos, et le directeur de la Marine marchande espagnole de l'époque, José Luis Lopez-Sors, pour les délits "d'atteinte à l'environnement et à des espaces naturels protégés". Condamné à neuf mois de prison, le commandant échappera toutefois à la prison en raison de son âge, 78 ans.

    Les faits

    naufrage prestiger.jpgTout commence le 13 novembre 2002, lorsque le "Prestige", un pétrolier à coque simple battant pavillon des Bahamas, construit en 1976 et chargé de 77.000 tonnes de fuel, subit une voie d'eau au large de la Galice, en pleine tempête et lance un appel au secours. Pendant six jours, le navire, sa coque déchirée, dérive en mer, les pouvoirs espagnol publics ayant pris la décision controversée de l'éloigner des côtes au lieu de le faire rentrer dans un port pour y contenir la fuite. Le pétrolier finit par se briser en deux, et coule à 8 heures du matin le 19 novembre, à 250 kilomètres des côtes par 3.800 mètres de fond, libérant dans l’océan  63.000 tonnes d'un fuel épais et visqueux qui polluera près de 3.000 kilomètres de littoral, en Espagne, au Portugal et en France, notamment sur le littoral aquitain particulièrement touché.

    La lourde  facture du nettoyage des plages en France et en Aquitaine

    En Espagne, le coût de la marée noire du « Prestige » est estimé à 1 milliard d'euros. En France, le nettoyage des plages a aussi coûté très cher à l’Etat et aux communes. Fin septembre 2003, l’Etat avait dépensé près de 33 millions d’euros dont 9,55 millions pour la Gironde (hors élimination des déchets). Par le plan Polmar, la somme de 1,8 millions d’euros, dont 933.000 euros pour le seul département de la Gironde, a servi au remboursement des collectivités locales de cette zone, dont Lacanau (16 km de plages souillés), la Teste-de-Buch et Lège-Cap-Ferret (27 km de plages, côté océan et côté bassin) qui a dû débourser plus d’un million d’euros pour nettoyer ses plages. Toutes les communes ont préparé aussi un dossier pour obtenir des indemnisations du  FIPOL, pour leurs frais complémentaires. Mais, trois ans après la marée noire, aucune indemnisation du FIPOL n’avait  encore été versée à  aucune victime.  

    Un procès fleuve

    1.500 plaignants au total s'étaient rassemblés en 55 parties civiles, dans le procès du « Prestige » ouvert en octobre 2012.  Parmi elles, pour la France, seules dix-sept communes landaises et deux communes basques (Saint-Jean-de-Luz et Bidart), aucune ville de Gironde ne s’étant finalement portée partie civile. La majorité des communes du littoral aquitain ont en effet jeté l'éponge dans ce long et trop onéreux marathon judiciaire contre l’Espagne. Les communes landaises avaient formulé, pour leur part, des demandes d'indemnités chiffrées à environ 2,8 millions d'euros, par l'intermédiaire de leur avocat, M° Renaud Lahitète.

    montus.jpg"La marée noire, tout le monde s'en fout"

    Les victimes espagnoles, ulcérées, envisagent de faire appel.  L’indignation  des communes landaises  est toute aussi vive : "La marée noir,  tout le monde s’en fout" a déclaré hier sur France Info, Jean-Yves Montus (photo ci-contre), maire de Soustons et président de l'association des Maires des Landes. Désabusé, il évoque aussi "un combat sans fin" des Landaises et des Landais contre les pollueurs de la mer. Toujours sur France Info, l’avocat palois de Saint-Jean-de-Luz et de Bidart (Pyrénées-Atlantiques), Me Pierre Santi, a fustigé "un jour funeste pour l'environnement", estimant que l’Etat français avait une grande responsabilité dans ce verdict, pour s’être défaussé et débarrassé de cette affaire au profit de la justice espagnole, au mépris des victimes du littoral aquitain et au bénéfice du lobby pétrolier. Un procès en France n'aurait, selon lui, pas eu la même issue, comme l'a montré le verdict de l'Erika. Comme toutes les parties civiles, les victimes aquitaines attendent de savoir si elles pourront faire appel du jugement qui vient d'être rendu.

    "Impunité" face aux atteintes à l'environnement

    Côté écolo, on s'en doute, l’heure n’est pas à la fête. Les écologistes qui estiment depuis longtemps que les leçons de la marée noire n'ont jamais été tirées, n'ont cessé de déplorer l'absence sur le banc des accusés des responsables politiques de l'époque, dont l'actuel chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, qui avait tenu des propos minimisant l'impact de la catastrophe.

    Dès l’énoncé du verdict, Greenpeace a dénoncé mercredi, dans un communiqué,  "l'impunité" face aux atteintes à l'environnement, accordée selon elle à l'Espagne par la justice. Le tribunal supérieur de justice de Galice "accorde à l'Espagne l'impunité face aux atteintes à l'environnement. Il donne carte blanche à l'industrie pétrolière pour mettre en danger l'environnement et les citoyens", a réagi l’organisation écologiste.

    grèze pas souriante.jpgTrès remontée, l’eurodéputée verte du grand Sud-Ouest, Catherine Grèze, parle d'un véritable "scandale"  : "Avec ce verdict, on s’entête dans la voie de l’irresponsabilité généralisée !Les leçons des catastrophes environnementales ne pourront jamais être tirées tant que les véritables responsables ne seront pas punis.", a-t-elle déclaré hier.

    Et le préjudice écologique ?

    Le verdict espagnol du 13 novembre 2013 est à l'opposé des intentions du projet de loi reconnaissant le "préjudice écologique", adopté par le Sénat français, le 16 mai dernier, encore en cours d'élaboration. Le 17 septembre, le groupe de travail sur le préjudice écologique instauré par Christiane Taubira, a remis à la ministre de la justice dix propositions qui, si elles étaient adoptées, auraient pour conséquence que le code civil ne protégerait plus uniquement les personnes et le patrimoine, mais sanctionnerait aussi les atteintes à l'environnement. Une grande première internationale. 

    La marée noire du " Prestige" soulève une fois de plus la question de l'absence d'un droit environnemental international, sans lequel les pollueurs ne seront jamais réellement les payeurs. La route est longue...

    Cathy Lafon

    ►LIRE AUSSI

  • Une loi pour reconnaître le "préjudice écologique" : une avancée historique

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    Une jeune femme décolle des plaques de mazout à l'aide d'un râteau, le 26 décembre 1999, sur une plage du Pouliguen (Loire-Atlantique). Ces plaques de pétroles proviennent de l'Erika qui s'est échoué la vielle au large des côtes françaises. Photo AFP

    Bonne noprojet,loi  préjudice écologique,code civiluvelle pour l'écologie : le Sénat a adopté sans difficulté, le jeudi 16 mai, la proposition de loi de Bruno Retailleau reconnaissant le "préjudice écologique". Le sénateur vendéen qui bataille depuis des années pour donner un fondement juridique à l'obligation de réparer toutes les atteintes infligées à l'environnement, obtient ainsi gain de cause.

    La nature, personne "justiciable"

    Dame Nature, qui a plutôt l'habitude d'encaisser les coups durs, peut se réjouir et sourire. Par cette loi, la France reconnaît ainsi une "valeur "  de "personne" à l'environnement en l'élevant au rang de justiciable  auquel seront dues des réparations quand il sera victime d'une atteinte et d'une pollution, comme pour toute personne morale ou physique victime d'un dommage physique avéré. Ca paraît "naturel" et normal. Mais c'est plus facile à dire, qu'à écrire juridiquement et à obtenir de la loi. Inscrire le "préjudice écologique" dans le Code civil n'est pas une mince affaire, car cela revient à identifier un risque juridique d'un nouveau genre auquel les entreprises seront désormais exposées. Total  en a déjà eu un avant-goût en septembre dernier, lorsque le groupe pétrolier a été condamné à 200 millions d'euros de dommages et intérêts par la Cour de cassation, à la suite du naufrage de l'« Erika » qui treize ans plus tôt avait souillé les côtes bretonnes et fait disparaître des milliers d'oiseaux.

    projet,loi  préjudice écologique,code civilLe combat de toute une vie : " Plus jamais ça !"

    C'est son combat, sa bataille. Bruno Retailleau a eu le bonheur de présenter son texte au Sénat, pour consolider et généraliser cette jurisprudence Total. Sa proposition de loi impose de réparer toute atteinte portée à l'environnement et de le faire « prioritairement en nature »Car « il faut pouvoir être sûr qu'il y aura une remise en état », explique ce parlementaire. En cas d'impossibilité, le fautif se verrait infliger « une compensation financière » versée à l'Etat ou à un fonds désigné par lui. C'est en gros ce système qui prévaut aux Etats-Unis. "Plus jamais ça !", s'est exclamé le sénateur de Vendée, en évoquant les trop nombreuses marées noires deuis le "Torrey Canyon" en 1967, l'"Amoco Cadiz" en 1978, l'"Erika" en 1999 et enfin "Le Prestige" en 2000, dont le procès est toujours en cours à La Corogne, en Espagne.

    projet,loi  préjudice écologique,code civilUne première juridique mondiale

    L'originalité de la loi est d'inscrire le préjudice environnemental dans le Code civil qui "est une spécificité française ", comme le rappelle Alain Anziani, sénateur socialiste de Gironde, département touché par la pollution du "Prestige", et rapporteur du texte (photo ci-dessus). Le dispositif juridique voté jeudi n'a donc pas d'équivalent ailleurs dans le monde. Certaines de ses dispositions ont même été durcies en commission : au lieu de cinq ans, le délai de prescription pour délit d'atteinte à l'environnement, a été porté à trente ans. La responsabilité sans faute pourra être retenue pour justifier des poursuites, ce qui n'est pas fait pour plaire aux entreprises.

    Quand la défense de la nature fait consensus

    Quand la nature parvient à réunir les politiques par delà leurs divergences, la planète et ses habitants ne s'en portent que mieux. C'est assez rare pour être souligné : le projet de loi de Retailleau fait consensus politique. Sous un gouvernement de gauche, dans un Parlement à majorité socialiste, les groupes écologiste et UMP soutiennent la proposition de Bruno Retailleau, UMP, dont le rapporteur est un socialiste, Alain Anziani. Les deux sénateurs se connaissent bien, car ils travaillent aussi ensemble depuis plusieurs mois à tirer les conséquences d'une autre catastrophe, la tempête Xynthia, qui a causé la mort de 47 personnes et a fait 500.000 sinistrés en février 2010.

    Une « avancée historique » pour la protection de l'environnement

    proces,accident plate-forme pétrolière,pétroleQui parle pour la planète, la faune et la flore et la flore ? Personne. Michel Serres, le philosophe agenais, en faisait le constat lors du sommet de Copenhague sur le climat, en 2009 : " Mais personne ne représente la terre; il n’y a pas de représentant des océans, de la banquise, des espèces menacées. Et nos gouvernants n’ont pas la culture nécessaire pour parler au nom de la planète." Avec la loi Retailleau, le Sénat français donne un début de "parole" à un coin de la planète.

    Certes, la loi n'est pas encore définitivement adoptée. Un groupe de travail constitué le 24 avril dernier par  Christiane  Taubira, la garde des Sceaux, pour envisager tous les scénarios de mise en oeuvre du « préjudice écologique », doit rendre ses conclusions mi-septembre. Avant que le texte ne parvienne ensuite à l'Assemblée nationale pour être définitivement voté. Par ailleurs, la question du "préjudice écologique" au regard du droit international reste posée. Le vote du 16 mai constitue cependant dores et déjà un événément majeur qui fera date dans l'histoire de la défense et de la protection de l'environnement.

    Les "préjudices écologiques" sont loin de se résumer aux seules marées noires... La loi devrait aussi contribuer à mieux prévenir les futures atteintes à l'environnement et inciter à mieux respecter les directives européennes en la matière (eau, faune, flore...).

    Cathy Lafon

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