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Catastrophe naturelle - Page 38

  • Fukushima : "Une catastrophe illimitée dans le temps"

     fukushima enfants.jpg

    Deux ans après la catastrophe, commment vivent les enfants de Fukushima ? Photo ARTE DR

     Japon, vendredi 11 mars 2011, 5 h 46 mn 23 s UTC, soit 14 h 46 mn 23 s heure locale. Un séisme de magnitude 9  provoque un tsunami monstrueux : une vague de 15 à 30 mètres de haut submerge la région de Fukushima, au nord-est de Tokyo. Parcourant jusqu'à 10 km à l'intérieur des terres, elle ravage près de 600 km de côtes et détruit partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires : 18.000 personnes meurent ou disparaissent. Le tsunami provoque enfin l'accident de la centrale de Fukushima-Daïchi, classé comme la catastrophe de Tchernobyl en 1986, au niveau 7, le plus élevé d l'échelle internationale des "événements" nucléaires.

     "Le monde après Fukushima"

     À quoi ressemble la vie des gens deux ans après une catastrophe nucléaire ? Entre résistance et désespoir, le documentariste japonais Kenichi Wabanabe raconce dans un documentaire exceptionnel diffusé sur ARTE le 5 mars dernier, "  le triste quotidien des gens dans la région de Fukushima : la non-vie, la vie le coeur arraché, la vie au jour le jour.

     Victimes mais "debout"

     Watanabe donne la parole aux victimes de l'accident. Bouleversant. Le réalisateur va partout. A 50 km de la centrale, où l'on voit des mères accompagnées leurs enfants irradiés chez le médecin pour leur contrôle obligatoire, jusqu'à 250 km de là, à Tokyo, la mégalopole de 30 millions d'habitants que les autorités ont envisagé évacuer, en mars 2011. En passant par une zone de pêche à 160 km au nord de la centrale, où l'on pêche toujours des poissons fortement contaminés, sans oublier Hiroshima, à 850 km de Fukushima. Fukushima :  "l'île de la Fortune", en japonais...  Tous victimes, tous profondément malheureux. Mais tous "debout".

    Vivre, est-ce juste "exister" ?

    Paroles de mères, paroles d'instutrices, paroles d'agriculturices et d'agriculteurs parole de pêcheurs... Les larmes sont étouffées, les mots dignes, courageux, émouvants mais précis pour évoquer la douleur qui accompagne depuis deux ans, au nord-est du Japon chaque petite chose de la vie quotidienne.  Avec les priorités et les obsessions qui sont désormais les leurs : se protéger, protéger les enfants, se nourrir, comprendre... Tous posent à leur manière la question fondamentale : vivre après la catastrophe nucléaire, est-ce vivre ?

     emission,télévision,fukushima,documentaireNettoyer l"innettoyable"

     Est-ce vivre que de devoir rejeter à la mer, dès que pêchés tous les poissons, trop contaminés pour être vendus et consommés,  moyennant une indemnisation de Tepco, la compagnie électrique de la centrale de Fukushima ? Quel avenir pour la  pêche dans cette région du Japon ? Est-ce vivre que de devoir se balader partout avec son dosimètre, afin d'évaluer le taux de radioactivité de l'endroit où l'on se trouve ? Enfants, adultes, chacun le sien chez les Ota. La famille d'agriculteurs revenue dans la zone doit déjouer les pièges de la "peau de léopard", ces taches de radioactivité qui contaminent la nature pourtant si belle. En fonction des vents, de la  pluie, l'ennemi omniprésent mais invisible et inodore, s'est répandu inégalement sur le sol, la végétation, les maisons. Alors, à Fukushima, on s'efforce aussi d'enlever la radioactivité des terres, des arbres, des maisons, des rues, des trottoirs... Mais que faire des déchets, eux-aussi contaminés ? Est-ce vivre que d'être condamné, chaque jour, à nettoyer avec les moyens du bord l'"innettoyable" ? Comme des prisonniers, condamnés à arracher chaque jour l'herbe invisible de la cour pavée d'un camp de travail.

     sato.jpg"L'argent ne remplace pas ce qu'on a perdu dans le coeur"

     Est-ce vivre, quand on est agricultrice comme Mikiko Sato, que de revenir dans une propriété abandonnée, dont la terre en apparence inchangée est désormais incultivable ? Madame Sato, âgée d'une soixantaine d'années, pleure : "Le nucléaire, c'est un désastre inventé par l'homme. La sécurité absolue, c'est un mythe". Elle esssuie des larmes, discrètes mais brûlantes : "On peut remplacer les choses matérielles avec de l'argent, mais pas ce qu'il y a dans le coeur et qu'on a perdu...[...] On a beau savoir que c'est dangereux, on a tellement de chagrin qu'on n'arrive pas à s'arracher du pays". Et encore : "Tepco est coupable, mais c'est surtout le gouvernement qui est coupable. Avec la course au profit qu'il a mené avec le nucléaire, il a vendu nos vies. Nous soufffrons. Et pour longtemps."

     dosimètres.png"Ne pas avoir d'enfants"

     Est-ce vivre, pour une mère, que de devoir demander à ses filles, âgées de 17 et 24 ans "de ne pas avoir d'enfants, et peut-être de ne pas se marier. Parce que certainement leur santé sera affecté plus tard..." ? Les dosimètres aux carrefours ou accrochés au cou des enfants renvoient sans cesse les habitants au"monstre invisible", comme ils disent, et aux particules tueuses qu'ils tentent de retenir en disposant de dérisoires bouteilles d’eau aux fenêtres, autour des parcs de jeux et des piscines... Est-ce vivre que de se demander tous les jours, quand on est institutrice :  " Il fait plus de 35 °C, peut-on laisser les enfants jouer dehors et se rafraîchir dans la pataugeoire ?" "On fait des contrôles réguliers, on apprend à vivre en décryptant les infomations des médecins et les analyses médicales", confie une jeune mère de famille, en chuchotant, au bord des larmes : "Jusqu'à quand ? On est épuisé, tellement fatigué..."

      "Toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées"

     Watanabe ponctue les témoignages de paroles de spécialistes et d'experts, afin, dit-il, "d'analyser la réalité scientifique et médicale sur la contamination". Le sociologue Ulrich Beck, auteur de "La société" du risque" (1986), livre en contrepoint son éclairage. Deux ans après, les débris des dégâts du tsunami ont été plus ou moins déblayés. La contamination due à la radioactivité échappée de la centrale, elle, est encore là, pour des centaines d'années... Alors, pour Ulrich Beck, il faut  parler de "catastrophe nucléaire", à propos de Fukushima, car "c'est le genre d'événements [...] qui ont une "fin ouverte", ce sont des catastrophes illimités dans le temps. [...] Nous avons du mal à appréhender le nombre de morts et de victimes que cela entraîne. [...] Plus de 25 ans après Tchernoby, toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées.", analyse-t-il. La particularité d'une catastrophe nucléaire, c'est qu'elle est en cours. On ne vit pas dans l'après, mais avec et pour des centaines d'années.

     manif tokyo.jpg"Après tout, ce n'est que de l'électricité !"

     A 250 km de Fukushima, à Tokyo, Watanabe filme les Japonais qui manifestent  régulièment en nombre contre le nucléaire depuis la catastrophe, et dénoncent le gouvernement qui, selon eux, "a abandonné les gens qui vivent dans les zones irradiées". Paroles de manifestants qui ne croient plus dans le nucléaire et critiquent la "nucléocratie" : de vieilles dames anonymes, comme cette grand-mère qui se dit "prête à mourir" pour que le monde sorte définitivement du nucléaire, des parents avec leurs enfants, des écrivains, comme Kenzaburo Oê, prix Nobel de littérature. Ou encore ce musicien, qui s'écrie: "Garder le silence après Fukushima est une autre forme de barbarie !". Et qui s'étonne de l'absurdité qui consiste à accepter que l'on puisse sacrifier de la sorte des vies humaines :" Après tout, ce n'est que de l'électricité ! Il y a d'autres moyens de produire de l'énergie. L'atome est une aberration." 

     ministre 70.jpg"L'unique sécurité est de ne pas avoir de centrale nucléaire du tout"

     D'autres paroles s'ajoutent encore. D'autres visages, filmés par Watanabe, ceux de "décideurs", comme Yoshihiko Noda, premier ministre japonais en exercice à l'époque de la catastrophe, dont les propos clôturent le film.  "A propos du nucléaire, j'ai changé d'avis à 180°. Je suis un grand-père, j'ai des petits-enfants. [...]. La sécurité absolue l'existe pas. L'unique sécurité, c'est de ne pas avoir de centrale nucléaire." avoue-t-il, en brandissant la photo de son petit-fils.

     "La demi-vie"

     Alors, oui, depuis Fukushima, une partie des Japonais vit, enfermée dans l'absurdité d'une situation incontrôlable qu'elle subit sans l'avoir choisie. Comme le dit Michaël Ferrier, l'écrivain français qui vit à Tokyo, dans "Fukushima, récit d'un désastre" : " On peut très bien vivre dans des zones contaminés : c'est ce que nous assurent les partisans du nucléaire. Pas tout-à-fait comme avant, certes. Mais quand même. La demi-vie. Une certaine fraction des élites dirigeantes est en train d'imposer  une entreprise de domestication comme on en a rarement vu depuis l'avènement de l'humanité".

    Cathy Lafon

    FUKUSHIMA EN CHIFFRES

    • 7 : c'est le niveau de gravité auquel est classé l'accident nucléaire de Fukushima, comme celui de Tchernobyl (Ukraine, 1986).  C'est le plus élevé sur l'échelle Ines (International Nuclear Event Scale).
    • 6.500 petabecquerels (PBq) : ce sont les rejets de gaz rares que la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi a relachés dans l'atmosphère, soit autant qu'à Tchernobyl.
    • 408 PBq : les émissions d'iodes radioactifs.58 PBQ : les émissions de césiums radioactifs.
    • 1.500 km2 : les sols fortement contaminés au Japon par la catastrophe, c'est à dire contenanant un dépôt de césiupm 137 supérieur à 300.000 Bq/m2.
    • 80% : la part des déchets radioactifs tombés dans l'océan. Il s'agit à la fois des eaux qui ont servi à refroidir les réacteurs et des retombées indirectes de poussières. 
    • 160.000 : le nombre de personnes évacuées qui n'ont pu réintégrer leur domicile. 220.000 habitants ont été déplacés au moment de l'accident.

    "Fukushima deux ans après" sur ARTE : 

    LIRE AUSSI

  • Fukushima : "Une catastrophe illimitée dans le temps". Deux ans après, ARTE revient sur l'accident nucléaire

    emission,télévision,fukushima,documentaire

     Centrale de Fukushima, mars 2011 Photo archives AFP

    Japon, vendredi 11 mars 2011, 5 h 46 mn 23 s UTC, soit 14 h 46 mn 23 s heure locale. Un séisme de magnitude 9  provoque un tsunami monstrueux : une vague de 15 à 30 mètres de haut submerge la région de Fukushima, au nord-est de Tokyo. Parcourant jusqu'à 10 km à l'intérieur des terres, elle ravage près de 600 km de côtes et détruit partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires : 18.000 personnes meurent ou disparaissent. Le tsunami provoque enfin l'accident de la centrale de Fukushima-Daïchi, classé comme la catastrophe de Tchernobyl en 1986, au niveau 7, le plus élevé de l'échelle internationale des "événements" nucléaires.

    fukushima 2 ans après.jpgDeux ans après, ARTE revient sur cette catastrophe hors norme avec deux documentaires exceptionnels, pour mieux comprendre le déroulé des événements et ses conséquences : "Le monde après Fukushima" diffusé mardi 5 mars et "Fukushima, chronique d'un désastre", à découvrir le 7 mars.

    "Le monde après Fukushima"

    À quoi ressemble la vie des gens deux ans après une catastrophe nucléaire ? Entre résistance et désespoir, le documentariste japonais Kenichi Wabanabe raconte ce soir sur ARTE le triste quotidien des gens dans la région de Fukushima : la non-vie, la vie le coeur arraché, la vie au jour le jour.

    Victimes mais "debout"

    Watanabe donne la parole aux victimes de l'accident. Bouleversant. Le réalisateur va partout. A 50 km de la centrale, où l'on voit des mères accompagnées leurs enfants irradiés chez le médecin pour leur contrôle obligatoire, jusqu'à 250 km de là, à Tokyo, la mégalopole de 30 millions d'habitants que les autorités ont envisagé évacuer, en mars 2011. En passant par une zone de pêche à 160 km au nord de la centrale, où l'on pêche toujours des poissons fortement contaminés, sans oublier Hiroshima, à 850 km de Fukushima. Fukushima :  "l'île de la Fortune", en japonais...  Tous victimes, tous profondément malheureux. Mais tous "debout".

    Vivre, est-ce juste "exister" ?

    Paroles de mères, paroles d'instutrices, paroles d'agriculturices et d'agriculteurs parole de pêcheurs... Les larmes sont étouffées, les mots dignes, courageux, émouvants mais précis pour évoquer la douleur qui accompagne depuis deux ans, au nord-est du Japon chaque petite chose de la vie quotidienne.  Avec les priorités et les obsessions qui sont désormais les leurs : se protéger, protéger les enfants, se nourrir, comprendre... Tous posent à leur manière la question fondamentale : vivre après la catastrophe nucléaire, est-ce vivre ?

    emission,télévision,fukushima,documentaireNettoyer l"innettoyable"

    Est-ce vivre que de devoir rejeter à la mer, dès que pêchés tous les poissons, trop contaminés pour être vendus et consommés,  moyennant une indemnisation de Tepco, la compagnie électrique de la centrale de Fukushima ? Quel avenir pour la  pêche dans cette région du Japon ? Est-ce vivre que de devoir se balader partout avec son dosimètre, afin d'évaluer le taux de radioactivité de l'endroit où l'on se trouve ? Enfants, adultes, chacun le sien chez les Ota. La famille d'agriculteurs revenue dans la zone doit déjouer les pièges de la "peau de léopard", ces taches de radioactivité qui contaminent la nature pourtant si belle. En fonction des vents, de la  pluie, l'ennemi omniprésent mais invisible et inodore, s'est répandu inégalement sur le sol, la végétation, les maisons. Alors, à Fukushima, on s'efforce aussi d'enlever la radioactivité des terres, des arbres, des maisons, des rues, des trottoirs... Mais que faire des déchets, eux-aussi contaminés ? Est-ce vivre que d'être condamné, chaque jour, à nettoyer avec les moyens du bord l'"innettoyable" ? Comme des prisonniers, condamnés à arracher chaque jour l'herbe invisible de la cour pavée d'un camp de travail.

    sato.jpg"L'argent ne remplace pas ce qu'on a perdu dans le coeur"

    Est-ce vivre, quand on est agricultrice comme Mikiko Sato, que de revenir dans une propriété abandonnée, dont la terre en apparence inchangée est désormais incultivable ? Madame Sato, âgée d'une soixantaine d'années, pleure : "Le nucléaire, c'est un désastre inventé par l'homme. La sécurité absolue, c'est un mythe". Elle esssuie des larmes, discrètes mais brûlantes : "On peut remplacer les choses matérielles avec de l'argent, mais pas ce qu'il y a dans le coeur et qu'on a perdu...[...] On a beau savoir que c'est dangereux, on a tellement de chagrin qu'on n'arrive pas à s'arracher du pays". Et encore : "Tepco est coupable, mais c'est surtout le gouvernement qui est coupable. Avec la course au profit qu'il a mené avec le nucléaire, il a vendu nos vies. Nous soufffrons. Et pour longtemps."

    dosimètres.png"Ne pas avoir d'enfants"

    Est-ce vivre, pour une mère, que de devoir demander à ses filles, âgées de 17 et 24 ans "de ne pas avoir d'enfants, et peut-être de ne pas se marier. Parce que certainement leur santé sera affecté plus tard..." ? Les dosimètres aux carrefours ou accrochés au cou des enfants renvoient sans cesse les habitants au"monstre invisible", comme ils disent, et aux particules tueuses qu'ils tentent de retenir en disposant de dérisoires bouteilles d’eau aux fenêtres, autour des parcs de jeux et des piscines... Est-ce vivre que de se demander tous les jours, quand on est institutrice :  " Il fait plus de 35 °C, peut-on laisser les enfants jouer dehors et se rafraîchir dans la pataugeoire ?" "On fait des contrôles réguliers, on apprend à vivre en décryptant les infomations des médecins et les analyses médicales", confie une jeune mère de famille, en chuchotant, au bord des larmes : "Jusqu'à quand ? On est épuisé, tellement fatigué..."

     "Toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées"

     Watanabe ponctue les témoignages de paroles de spécialistes et d'experts, afin, dit-il, "d'analyser la réalité scientifique et médicale sur la contamination". Le sociologue Ulrich Beck, auteur de "La société" du risque" (1986), livre en contrepoint son éclairage. Deux ans après, les débris des dégâts du tsunami ont été plus ou moins déblayés. La contamination due à la radioactivité échappée de la centrale, elle, est encore là, pour des centaines d'années... Alors, pour Ulrich Beck, il faut  parler de "catastrophe nucléaire", à propos de Fukushima, car "c'est le genre d'événements [...] qui ont une "fin ouverte", ce sont des catastrophes illimités dans le temps. [...] Nous avons du mal à appréhender le nombre de morts et de victimes que cela entraîne. [...] Plus de 25 ans après Tchernoby, toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées.", analyse-t-il. La particularité d'une catastrophe nucléaire, c'est qu'elle est en cours. On ne vit pas dans l'après, mais avec et pour des centaines d'années.

    manif tokyo.jpg"Après tout, ce n'est que de l'électricité !"

    A 250 km de Fukushima, à Tokyo, Watanabe filme les Japonais qui manifestent  régulièment en nombre contre le nucléaire depuis la catastrophe, et dénoncent le gouvernement qui, selon eux, "a abandonné les gens qui vivent dans les zones irradiées". Paroles de manifestants qui ne croient plus dans le nucléaire et critiquent la "nucléocratie" : de vieilles dames anonymes, comme cette grand-mère qui se dit "prête à mourir" pour que le monde sorte définitivement du nucléaire, des parents avec leurs enfants, des écrivains, comme Kenzaburo Oê, prix Nobel de littérature. Ou encore ce musicien, qui s'écrie: "Garder le silence après Fukushima est une autre forme de barbarie !". Et qui s'étonne de l'absurdité qui consiste à accepter que l'on puisse sacrifier de la sorte des vies humaines :" Après tout, ce n'est que de l'électricité ! Il y a d'autres moyens de produire de l'énergie. L'atome est une aberration." 

    ministre 70.jpg"L'unique sécurité est de ne pas avoir de centrale nucléaire du tout"

    D'autres paroles s'ajoutent encore. D'autres visages, filmés par Watanabe, ceux de "décideurs", comme Yoshihiko Noda, premier ministre japonais en exercice à l'époque de la catastrophe, dont les propos clôturent le film.  "A propos du nucléaire, j'ai changé d'avis à 180°. Je suis un grand-père, j'ai des petits-enfants. [...]. La sécurité absolue l'existe pas. L'unique sécurité, c'est de ne pas avoir de centrale nucléaire." avoue-t-il, en brandissant la photo de son petit-fils.

    "La demi-vie"

    Alors, oui, depuis Fukushima, une partie des Japonais vit, enfermée dans l'absurdité d'une situation incontrôlable qu'elle subit sans l'avoir choisie. Comme le dit Michaël Ferrier, l'écrivain français qui vit à Tokyo, dans "Fukushima, récit d'un désastre" : " On peut très bien vivre dans des zones contaminés : c'est ce que nous assurent les partisans du nucléaire. Pas tout-à-fait comme avant, certes. Mais quand même. La demi-vie. Une certaine fraction des élites dirigeantes est en train d'imposer  une entreprise de domestication comme on en a rarement vu depuis l'avènement de l'humanité".

    Deuxième volet de "Fukushima deux ans après" : rendez-vous le 7 mars, sur Ma Planète et sur ARTE pour "Fukushima, chronique d'un désastre".

    Cathy Lafon

    "Fukushima deux ans après" sur ARTE :

    A LIRE

  • Coup de coeur. "Construire un monde équitable pour demain", avec Henry Augier

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    Demain, un monde durable ? Photo AFP

    "Construire un monde équitable pour demain" est le dernier livre de Henry Augier, publié en 2012 aux Editions Sang de la Terre : un ouvrage indispensable à la bibliothèque de tout écolo qui se respecte.

    Henry-Augier_5862.jpegAprès "Le développement peut-il être durable ?" (été 2012) et le "Manuel pratique pour sauver la Terre", sortis chez le même éditeur, le professeur  Henry Augier, engagé dans de nombreuses actions de sauvegarde de l'environnement, conclut une trilogie consacrée à la sauvegarde de l'environnement, par un ouvrage "encyclopédique", l'espoir d'un monde plus écologique et durablement habitable par tous, met à bas le catastrophisme ambiant.

    Que de rudes constats !

    Les constats, on les connaît par coeur : une planète en folie, la pénurie d'eau et la pollution galopante des eaux, des terres, de l'air. Et aussi : la faim dans le monde, les dangers de la surpopulation, l'appauvrissement des richesses et des ressources énergétiques naturelles, avec la menace des déchets radioactifs, la diminution des ressources halieutiques, la surpêche, les mers et les océans en péril, envahis par la pollution des activités humaines, et la masse des déchets plastiques, en passe de créer de "nouveaux continents" flottants, issus des résidus de nos ordures...

    Chiffres et croquis

    185540_la-centrale-nucleaire-de-tricastin-le-16-septembre-2011-a-bollene-dans-le-sud-de-la-france.jpgEn réalité, on croit les connaître par coeur. Henry Augier les revisite tous, les uns après les autres, ces voyants rouges de la planète qui sonnent l'alarme. Chiffres et croquis à l'appui. L'énergie, par exemple, sujet bien d'actualité, avec le débat national sur la transition énergétique en  France, et le traumatisme de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Combien de temps encore pour les stocks de pétrole ? De 20 à 50 ans. Combien de temps, les gaz de schiste, si on les exploite : 200 ans ? Et le charbon ? 130 à 250 ans. Et l'uranium ? 30 à 134 ans. Et oui, même les réserves naturelles qui servent à produire l'énergie nucléaire sont limitées... Les fourchettes sont larges, certes, mais on voit bien que par quelque bout qu'on le prenne, si l'humanité continue à vivre à ce rythme sur la planète bleue, dans deux siècles, que restera-t-il de notre monde ? 

    Et l'eau ? Six millions d'enfants meurent chaque année, d'avoir bu de l'eau porteuse de germes pathogènes, à cause de l'absence d'un système d'épuration collectif. Six millions...

    continent.jpgEt la pollution des mers ? On évalue à 1,4 millions de débris et 1,2 millions de plastiques le nombre de déchets  flottant à l'hectare, rien que dans le Golfe de Gascogne. Imagine-t-on quand, on fait trempette l'été, au Cap-Ferret, à Lacanau ou à Seignosse, que plus loin, au large, ce sont environ 2,6 millions de résidus issus de nos ordures qui encombrent chaque hectare de l'océan, délicieux et nourricier ?

    ... mais aussi des solutions

    sandy.jpgLa liste des maux de la Terre est longue et nous y sommes pour beaucoup, au risque de mettre en danger notre propre biotope. Mais Henry Augier, une fois le clou enfoncé, ne se résout pas à poser la plume. Pas le genre de la maison. Alors, tout ça, pour quoi ? Pas pour crier à la catastrophe, à la fin du monde. Le rude constat posé, il s'agit de regarder la réalité en face. De prendre conscience de ce que chaque être humain est désormais concerné par les conséquences des excès communs de l'humanité, qu'il vive dans une zone riche du globe, pauvre ou en développement. En Europe, en Afrique, en Asie ou à New York. L'inflation des désordres climatiques produits par la hausse moyenne des températures sur le globe, en témoigne presque quotidiennement. Mais rien n'est inéluctable. Il y a des solutions, on peut inverser la vapeur et renverser les tendances.

    Développement durable, technologie, décroissance et sobriété

    pesticide epandage agricole.jpgAu chapitre desquelles, une véritable redéfinition d'un développement durable replacé au coeur de l'économie universelle, qui ne doit pas rester la nouvelle façon correctement verte de "continuer d'exploiter durablement la planète en la détruisant et en l'épuisant, tout en assurant la croissance et le profit des multinationales." La solution technologique, qui va permettre le développement des énergies renouvelable ou l'abandon des produits toxiques en agriculture, ou la réduction des pollutions à la source. La "décroissance ", enfin, "solution possible", mais qui a "peu d'audience". Le concept fait fuir, même certains écolos purs et durs, il faut bien le reconnaître. Et pourtant... L'auteur revisite posément les huit objectifs d'une décroissance harmonieuse, sereine et conviviale, basée non pas sur le retour à la préhistoire, mais juste sur la "sobriété".

    enfant planète.jpgUne autre gouvernance et l'assainissement des finances mondiales

    Mais pour sauver la Terre, nos modes de vie et notre environnement, on doit monter un cran au-dessus et attaquer le coeur des mécanismes du système économique mondial. Selon Henry Augier, il faut aussi impérativement assainir les finances mondiale, donner au monde une autre gouvernance, solidaire et soucieuse du bien être durable de l'humanité tout en veillant à mettre en oeuvre les modalités d'une décroissance démographie soutenable.

    Simple et limpide, sur le papier. Mais, conclut Henry Augier : "Aurons-nous la capacité, le devoir et la sagesse de léguer aux générations futures un monde tolérable ?"

    Telle est bien la question. Oui, mais quelle sera la réponse ?

    Cathy Lafon

    critique,livre,henry augier,éditions sang de la terreREPERES

    • Le livre. "Constuire un monde équitable pour demain", Henry Augier, éditions Sang de la Terre, 23 €, en librairie ou à acheter sur internet : cliquer ICI
    • L'auteur. Docteur d'Etat, Maître de conférences honoraire à la faculté des sciences de Marseille-Luminy, professeur honoraire à l'École Nationale des Travaux Publics de l'Etat, Henry Augier a dirigé un laboratoire spécialisé dans l'étude des nuisances. Il a également été responsable de l'enseignement de la molysmologie (science des pollutions) à l'Université de la Méditerranée et expert consultant international sur les problèmes de pollution et protection de la nature.  Il est engagé dans de nombreuses actions de sauvegarde de notre environnement. Au cours de certains conflits, il fut même surnommé «l'Ayatollah de l'environnement» par des personnalités politiques régionales qu'il gênait. Ce qualificatif outrancier traduit bien sa détermination à dénoncer les pollueurs de tout poil et à oeuvrer pour une meilleure qualité de vie.
    • La maison d'édition. Les éditions Sang de la Terre, spécialisées depuis leur création en 1986 dans l'écologie et le développement durable, ont un catalogue riche, pointu et exigeant : une centaine de titres sur la nature, les bienfaits au naturel, l'environnement, le vin, la gastronomie et des enquêtes de société, qui s'enrichissent chaque mois de deux ou quatre nouvelles publications.
      Parmi les plus récentes, on relèvera le dernier livre du Bordelais Simon Charbonneau, spécialiste en droit de l'environnement : "L'impossible nostalgie - L'effondrement de l'idéologie du progrès", présenté publiquement en Gironde, à Bègles, le lundi 14 janvier.
    • Sang de la Terre passe au numérique et lance des collections pour Tablettes tactiles et Smartphones : cliquer ICI