Interventions humaines sur le site de la centrale de Fukushima, photo AFP
Le 11 mars 2011, un tsunami ravageait la centrale de Fukushima-DaIichi, au nord-ouest du Japon, provoquant la deuxième plus importante catastrophe nucléaire de l'histoire de l'humanité, après la catastrophe ukrainienne de Tchernobyl, le 26 avril 1986. L'accident a provoqué un émoi immédiat partout dans le monde et notamment en France, pays du "tout-nucléaire", où elle a laissé des traces dans une opinion désormais divisée sur l'hégémonie énergétique nucléaire, sur la sûreté de ce mode de production d'électricité et sur son coût réel.
Une opinion publique divisée
En mars 2012, un an après la catastrophe, deux tiers des Français estimaient qu'un accident comparable à celui de Fukushima pourrait se produire en France et 80 % des personnes interrogées pensaient que la France est trop dépendante de l'énergie nucléaire, selon un sondage CSA publié par Greenpeace. Mais le week-dernier, un sondage Ifop pour Dimanche Ouest France donnait les Français majoritairement confiants dans l'atome, 58% des personnes interrogées disant ne pas être inquiètes des centrales nucléaires françaises, contre 42% disant l'être. Samedi, les associations antinucléaires ont revendiqué à Paris 20.000 manifestants qui formaient une chaîne humaine entre la Défense et Bercy, passant par les lieux de décision symboliques de l'industrie nucléaire, pour exiger l'arrêt de l'exploitation de cette énergie en France. Les antinucléaires ont aussi manifesté dans plusieurs autres villes, dont Bordeaux, où ils ont formé une chaine humain sur le pont de pierre. Pour ou contre le nucléaire, ce qui n'est plus remis en question c'est l'importance de son coût, tant pour la sécurité qu'en cas d'accident.
10 milliards d'euros de travaux : le coût de la mise aux normes du parc nucléaire
En 2012, l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé aux exploitants de réaliser des travaux importants pour améliorer la sûreté des centrales sur la base notamment des enseignements tirés de Fukushima. EDF a estimé que ces travaux allaient coûter au total 10 milliards d'euros, dont la moitié étaient déjà prévus dans une enveloppe de 50 milliards d'euros d'investissements sur le parc nucléaire dans les dix prochaines années. A moyen terme, l'électricien français est tenu de sécuriser le noyau dur de ses centrales et de mettre en place d'ici à la fin 2014 une force d'action rapide nucléaire (FARN), ce dispositif devant permettre de fournir des moyens d'intervention d'urgence en moins de 24 heures.
Pour Areva, la catastrophe a provoqué une baisse des activités avec le Japon, qui passe de 8% du chiffre d'affaires du groupe à 5%, et a entraîné environ 940 millions d'euros d'annulations de commandes. A l'échelle européenne, les investissements résultant des stress-tests sont estimés entre 10 et 25 milliards d'euros, selon un projet de rapport de la Commission européenne.
Fukushima-sur-Garonne, sur-Loire, sur-Seine, sur-Rhône... : de 760 à 5.800 milliards d'euros
Pour la première fois en France, une évaluation économique d'une catastrophe similaire à Fukushima a récemment été effectuée par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Dans une étude rendue publique il y a un mois, l'IRSN a évalué le coût d'un accident nucléaire similaire à celui survenu en mars 2011 à Fukushima à environ 430 milliards d'euros. Ce qui n'est pas une paille. Mais selon un rapport confidentiel de l'institution, cité par le Journal du Dimanche du 10 mars, le coût d'un accident majeur nucléaire en France pourrait coûter au minimum 760 milliards d'euros et monter jusqu'à 5.800 milliards d'euros.
430 milliards d'euros : le coût d'un "cas médian"
L'économiste Patrick Momal, qui a travaillé sur les deux rapports, a expliqué au JDD que le chiffre de 430 milliards correspondait à un "cas médian" de rejets radioactifs comme ce fut le cas à Fukushima. L'estimation de 760 milliards correspondrait en revanche plus au modèle de la catastrophe de Tchernobyl, où les rejets avaient été plus nombreux, a-t-il indiqué au JDD. En incluant l'impact sur les exportations et le tourisme, le chiffre pourrait même selon lui, atteindre 1.000 milliards d'euros, voire 5.800 milliards d'euros, dans le pire scénario.
Le cas de Dampierre, dans le Loiret : jusqu'à 5 millions de personnes évacuées
Le rapport confidentiel de l'IRSN a été réalisé en 2007. Il est en cours de réévaluation et pourrait être rendu public dans le courant de cette année, selon le JDD, qui précise qu'il est basé sur l'évaluation de plusieurs scénarios catastrophes sur la centrale de Dampierre, dans le Loiret, au sud de Paris (photo ci-contre). "Les conclusions très fortes de l'époque sont restées les mêmes, voire renforcées" a indiqué Patrick Momal au JDD. Dans une simulation extrême d'accident depuis la centrale de Dampierre, et selon les aléas de la météo, les zones d'évacuation pourraient aller jusqu'à 87.000 km2, ce qui équivaut au territoire de l'Aquitaine et de Midi-Pyrénées et représente 5 millions de personnes. Les zones contaminées couvriraient 850.000 km2, soit la surface de la France et de l'Allemagne et concerneraient 90 millions de personnes.
Le groupe parlementaire Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a demandé dimanche qu'un audit "indépendant et pluraliste" soit réalisé après la publication d'extraits de ce rapport dans le Journal du dimanche.
Cathy Lafon
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