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interview

  • Nicolas Hulot: "C'est bien beau de fustiger les écologistes..."

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    Ambassadeur de la France pour la protection de la planète, Nicolas Hulot sillonne la planète pour préparer la Conférence climat qui aura lieu à Paris, en 2015. Photo archives AFP

    Nicolas Hulot, candidat malheureux à la primaire écolo en 2011, n'a jamais jeté le gant pour l'écologie. Toujours combattif, il a appelé à une trêve politique, dans un entretien au "Parisien", le samedi 30 novembre. Tout en défendant l'écotaxe, dont il déplore que la politique politicienne l'ait durablement plombée. Du pur Hulot, à coeur ouvert.

    "Marre de cette guerre des mots permanente"

    "L'affaire de l'écotaxe est un exemple calamiteux de politique politicienne. Au lieu de faire de la pédagogie auprès des Français, on a assisté à un concours de petites phrases assassines et l'opposition a soufflé sur les braises", regrettNicolas Hulot, qui lance : "Je n'en peux plus de cette politique partisane. Marre de cette guerre des mots permanente. J'appelle à une trêve politique et à laisser les armes aux vestiaires."

    L'écotaxe sera appliquée, mais il faut que "l'impôt soit perçu comme équitable"

    Pour l'ancien animateur, président de la fondation écologiste qui porte son nom, il faudrait que les politiques soient capables d'acter les propositions qui viennent du camp adverse et de les supporter, quand elles sont bonnes : cela "réconcilierait beaucoup de gens avec la politique." C'est valable notamment pour l'écotaxe, décidée par le précédent gouvernement, sous Nicolas Sarkozy, que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault peine à mettre en application sous le feu nourri des critiques de l'opposition qui en a pourtant eu l'initiative... Concernant cet impôt vert, contre l'application duquel de nouvelles manifestations se déroulaient hier, si Nicolas Hulot dit pouvoir "comprendre les revendications de certaines entreprises," il "n'a pas le sentiment qu'elle sera abandonnée." "Mais il faut que la fiscalité soit revue de fond en comble et que l'impôt soit perçu comme équitable", prévient-il.

    "Les préoccupations environnementales ont reculé"

    Au sujet des Verts, en congrès ce week-end à Caen, celui qui avait échoué à être le champion écologiste à la présidentielle de 2012, battu en primaire par Eva Joly, n'est pas rancunier quand il souligne: "c'est bien beau de fustiger les écologistes mais sur ces enjeux majeures, quelles mesures proposent les grandes formations politiques?" Et Nicolas Hulot de déplorer que "dans l'opinion publique, les préoccupations environnementales ont reculé dans l'ordre des priorités."

    Est-il tenté par le poste de ministre de l'Ecologie ?

    Nicolas Hulot qui vient d'être nommé ambassadeur et envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète, répond sans détour au "Parisien" : "c'est un exercice voué à l'échec s'il n'y a pas une feuille de route commune sur ces questions. Ce n'est pas une question de personne." Il avoue aussi qu'il "aimerait que François Hollande en fasse beaucoup plus", en matière d'écologie. Et de conclure : "ma seule arme, ce sont mes mots et ma conviction."

    Cathy Lafon

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  • RIo + 20, le bilan. Ronan Dantec : "Non, Rio + 20, c'est pas mort !"

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    Manifestation à Rio pour la préservation et de la planète, juin 2012. Photo AFP

    "L'avenir que nous voulons"

    Vingt ans après le premier Sommet de la Terre, c'est aujourd'hui, vendredi 22 juin, que les 191 pays présents à Rio vont ratifier un projet de déclaration finale de 49 pages, intitulée "L'avenir que nous voulons", rédigée sous l'autorité du Brésil, pays hôte. En signant ce texte, une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement doivent s'engager en faveur de l'éradication de la pauvreté et de la préservation de la planète. Les grandes ONG l'ont déjà vertement critiqué pour son manque d'ambition et ne décolèrent pas.  Greenpeace a même parlé d'"échec épique" et WWFde "déception significative" : "Nous avons besoin que les leaders du monde viennent au secours des négociations, ou bien nous allons avoir plus de pauvreté, plus de conflits et plus de destruction de l'environnement", a déclaré à l'AFP son directeur général, Lasse Gustavsson.

    D'un gigantesque forum écolo à un appel à la "révolution industrielle verte", en passant par un contre-sommet des peuples : Rio, c'est ça aussi !

    Ce serait cependant une erreur que de résumer Rio à un seul texte, qui aussi bon fût-il, n'engagerait jamais ses signataires que par le contenu réel qu'ils lui donneraient. Et même si, en matière de développement durable, intérêts et conceptions divergent, on ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé à Rio. Pendant deux semaines, le monde entier a discuté, innové et bataillé ferme, avec quelque 50.000 personnes - élus locaux, hommes d'affaires, scientifiques, militants d'ONG - présents à la conférence, un forum bouillonnant de quelque 500 événements sur dix jours, avec un contre sommet, le Sommet des peuples qui a réuni 18.000 personnes par jour depuis le 15 juin,  et avec 1.200 chefs d'entreprise - certains à la tête de géants comme Coca Cola, Shell, Bayer et Microsoft - qui ont pris plus de 150 engagements, comme utiliser du coton biologique ou économiser l'énergie, et ont lancé un appel à la "révolution industrielle verte".

    Alors, Rio + 20, c'est l'échec total ?

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    Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, porte-parole climat du réseau mondial de collectivités locales CGLU. Photo DR

    Vu de notre petit coin de France, la fumée qui s'échappe de Copacabana semble quand même plus noire que verte et ne sent pas la rose. La presse dans son ensemble pointe l'échec de Rio +20, le renoncement des Etats et le flou du contenu du texte d'accord. Mais tout Rio + 20 n'est peut-être pas à jeter...

    Décryptage en direct de Rio + 20, avec Ronan Dantec. Le sénateur EELV de Loire-Atlantique, porte-parole climat du réseau mondial de collectivités locales CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis) participe également aux négociations onusiennes de Rio en tant que membre de la délégation du Sénat français. Il nous donne sans détour sa perception de représentant mondial des villes et de la société civile, au premier Sommet de la Terre du siècle. 

    Alors ce Sommet de Rio, franchement Ronan, c'est mort, non ?

    Ronan Dantec. Mais non, Rio + 20, c'est pas mort ! D'ailleurs, une négociation internationale, ce n'est jamais mort. Le premier point positif, c'est justement qu'elle existe. C'est vrai, je pensais qu'on pouvait espérer aller plus loin dans la négociation et qu'on s'entendrait pour soumettre aux représentants des Etats un texte plus exigeant et plus avancé. Mais dans la nuit précédant l'arrivée des chefs d'Etat, le pays hôte, le Brésil, a tiré vers le bas la négociation, par crainte de reproduire l'échec du sommet de Copenhague. Et à la différence de Copenhague, il y a en effet aujourd'hui un vrai texte d'engagement commun, qui n'est pas si flou qu'on le dit et que tout le monde peut signer. 

    Ce n'est pas un peu trop optimiste, comme vision des choses ?

    dantec hauteur.jpgR.D. Passer pour l'optimiste de service ne me fait pas peur !  Mais je ne suis pas non plus un optimiste béat.  Même  si, comme on le savait à l'avance, la déclaration finale du Sommet n'est pas à la hauteur des enjeux de la dégradation accélérée de la planète, Rio + 20 nous dote d'un cadre et d'un calendrier cohérent sur les trois ans qui viennent, associant pays émergents comme industrialisés, pour nous permettre d'arriver à un accord sur des objectifs précis en 2015. Avec notamment, entre temps, une conférence sur le climat associant les pays émergents et, pour la gouvernance mondiale, la création en 2013 d'un forum politique de haut niveau. Enfin, dernier point positif de Rio, c'est qu'il en ressort la nécessité de  mieux associer dans l'avenir la société civile, dont le rôle me semble désormais reconnu, au travail d'élaboration d'un dévelopement planétaire durable. Pour moi, les conditions sont réunies pour que nous réussissions ensemble à trouver au milieu de la décennie, le grand deal mondial qui permettra de sauver la planète et de préserver l'humanité.

    Et le rôle de l'Europe dans tout ça?

    R.D. L'Europe, première puissance économique mondiale, a un rôle de leadership important à jouer dans l'histoire du développement durable mondial. L'Europe n'a pas démérité à Rio. Avec la France, notamment gâce à la convergence franco-allemande, avec le Danemark et la Commission européenne, elle a vraiment cherché à tirer le texte de l'accord vers le haut.  Les Européens refusaient un document qui leur semblait dépourvu d'ambition et demandaient en particulier qu'une place plus grande soit faite au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Mais il faut reconnaître qu'elle s'est retrouvée isolée vers la fin d'une négociation que le Brésil a précipitée. Elle n'a pas su maintenir un rapport de force politique suffisant. Un autre grand regret : l'axe Europe-Afrique, dont j'attendais beaucoup car il avait bien fonctionné à Durban, a échoué à Rio, où la proposition commune Europe-Afrique de créer une Organisation mondiale de l'environnement a été rejetée. Mais l'Europe-Afrique n'a pas disparu pour autant des écrans radars du développement durable et doit rester un atout majeur pour l'avenir de la planète.

    Quid de l'"économie verte", un des deux enjeux majeurs du Sommet ?

    R.D. Comme on pouvait s'y attendre, il n'y a pas eu d'accord à Rio sur la définition de "l'économie verte". Il manque vraiment un travail préalable d'appropriation d'un concept que tout le monde ne voit pas de la même façon et dont certains se méfient. Mais l'important est que pour la première fois, même si c'était prématuré, la question de l'économie verte comme vecteur du développement durable, a été été posée avec celle de sa définition sur la table de travail onusienne des chefs d'Etat. Pour moi, l'économie verte doit naître en réalité de la convergence des grandes économies des pays développés et de celles des pays émergents, vers un développement soutenable partagé.

    Et Hollande, entre nous, il a assuré à Rio ? Ou pas ?

    R.D. Oui. Sa présence à Rio a été très positive. J'assistais à sa première conférence de presse à Copacabana, le jour même de l'ouverture du sommet le 20 juin, avant qu'il ne prononce son discours devant les chefs d'Etat et l'ONU. Il m'a donné le sentiment d'avoir compris que le texte de Rio + 20, même s'il ne pouvait pas être à la hauteur des enjeux et ne pourrait donc produire qu'un résultat a minima, constituait une étape, ou mieux, un vrai point de départ dans la décennie qui s'ouvre, pour sauver la planète. Il s'est réjoui des avancées réelles, tout en soulignant les insuffisances notoires du projet de déclaration finale et en réclamant de ses partenaires un sursaut pour faire avancer la cause de l'environnement et du développement durable. Il a en outre donné l'assurance que la France jouerait pleinement le rôle politique, économique et financier qu'on attend d'elle pour la construction d'un développement durable planétaire. En déclarant qu'elle serait au rendez-vous pour les financements innovants, tout en soutenant l'instauration en Europe d'une taxe sur les transactions financières, dont les recettes seront affectées au développement et à la défense de l'environnement. Enfin, en matière de gouvernance, il a regretté le refus de la majorité des pays présents de créer une agence de l'ONU spécialisée de l'environnement et a assuré vouloir mener le combat de son émergence. Et puis, c'est mon dada, mais sa volonté d'associer pleinement la société civile et les collectivités locales est bien réelle : pour le réseau mondial des  collectivités locales dont je suis le porte-parole climat, c'est d'une grande importance...

    Mais si en 2015, on dit à nouveau : "Sauver la planète, ok, oui mais dans trois ans ! " ?

    R.D. Bien sûr, c'est le risque. Mais tous les combats qu'on mènera durant les trois ans qui viennent me permettent de garder confiance. Et puis, même s'il y a urgence, il n'est pas trop tard, on peut encore sauver la planète ! Tant qu'on se bat, il n'est jamais trop tard. Alors on peut me trouver trop optimiste, mais moi, je me juge raisonnablement optimiste, car je suis avant tout un optimiste de combat.

    Cathy Lafon

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  • News fil vert. "Gorbi" veut un tribunal international pour juger les crimes écologiques

    forum mondial de l'eau,marseille

    Mikhaïl Gorbatchev au Forum mondial de l'eau, Marseille, 12 mars 2012. Photo AFP

    Juger les crimes écologiques

    L'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, très impliqué depuis 20 ans dans la défense de l'environnement, a pris la parole, lundi 12 mars, pour l'ouverture du Forum mondial de l'eau à Marseille, en sa qualité de fondateur et président de Green Cross International.  Dans un entretien au "Monde", publié mardi 13 mars, il plaide en faveur de la création d'un tribunal international chargé de juger les crimes écologiques.

    Cette proposition devrait bien plaire à Michel Serres, le philosophe français, originaire du Lot-et-Garonne, qui déplore dans son livre "Le temps des crises", que ni la Terre, ni la faune, ni la flore ne puissent parler pour se défendre... Et qui faisait l'amer constat suivant, lors du Sommet mondial du climat de Cophenhague en 2009 :  " Mais personne ne représente la terre; il n’y a pas de représentant des océans, de la banquise, des espèces menacées. Et nos gouvernants n’ont pas la culture nécessaire pour parler au nom de la planète." Un tribunal international pour défendre les intérêts de la nature, quand elle est victime de "crimes écologiques" ... L'idée est plus que séduisante.

    A propos de la proposition française de création d'une organisation mondiale de l'environnement, Gorbatchev s'avoue en revanche "sceptique" : selon lui, le risque serait de mettre en place une "nouvelle organisation bureaucratique", qui pourrait "freiner l'énergie de la société civile".

    Le développement durable : c'est tous ensemble

    Le dernier président de l'URSS, qui a eu à gérer la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, se prononce aussi, avec son organisation environnementale, pour "une sortie progressive du nucléaire militaire et civil". Pour lui, il y a eu "un avant et un après Tchernobyl" et la transition énergétique est nécessaire. Cependant, il reconnaît qu'il est compréhensible que  "pour certains pays comme la France qui ont peu d'autres ressource, la transition énergétique prenne plus de temps". "On aurait pu penser que, 35 ans après (Tchernobyl), le Japon, nation évoluée, confrontée au désastre de Fukushima s'en serait mieux sorti. Or les Japonais se débattent toujours aujourd'hui dans les difficultés", ajoute-t-il. Enfin, à propos du développement durable et de la nécessaire remise en question du modèle basé sur la course à la croissance, également pour des pays émergents comme la Russie ou la Chine, Gorbatchev ne botte pas en touche : ils sont concernés et doivent aussi entendre ce discours. Mais il estime que "c'est aux pays développés de montrer l'exemple au reste du monde".

    Une réforme environnementale du Code civil français ?

    Plus modestement, on s'interroge aussi en France à la veille de l'élection présidentielelle, sur les moyens de rendre plus efficace le droit de l'environnement. Le Club des juristes vient de rendre public, le 14 mars, un rapport critique sur la responsabilité environnementale. Pour ce think tank, la réforme du Code civil s’impose, afin d’inscrire en toutes lettres l’obligation de réparer un dommage causé à l’environnement. Adossée à la constitution française, la "Charte de l’environnement" rappelle quant à elle le principe de la responsabilité environnementale (art. 4), via la réparation des dommages causés. Mais elle ne règle pas le problème puisqu’elle renvoie à la loi le soin de définir les conditions de son application.  «Au final, tous les juristes s’accordent aujourd’hui pour dire qu’une nouvelle loi doit venir compléter le Code civil», résume Yann Aguila, ancien conseiller d'Etat, président de la Commission Environnement du Club des Juristes

    Cathy Lafon

    REPERES

    Mikhaïl Gorbatchev :  81 ans, président de l'URSS de 1985 à 1991. Prix Nobel de la Paix en 1990 pour sa contribution à la fin de la guerre froide. Fondateur en 1993 de la "Green Cross international", asociation de défense de l'environnement.

    6e Forum mondial de l'eau (Marseille) : 140 pays représentés par 20.000 personnes, y participent jusqu'au 17 mars,  avec pour objectif de faire avancer l'accès universel à l'eau potable.

    Green Cross International : association internationale de défense de l''environnement, doté d'un budget de 18 millions d'euros, financée par des donations privées et des subventions allouées par 34 Etats.

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    "Il faut un tribunal international pour juger les crimes écologiques", "Le Monde", 14 mars 2012 : cliquer ICI

    "Comment rendre efficace le droit de l'environnement", Journal de l'environnement  : cliquer ICI.