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Sciences - Page 176

  • Fukushima : "Une catastrophe illimitée dans le temps". Deux ans après, ARTE revient sur l'accident nucléaire

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     Centrale de Fukushima, mars 2011 Photo archives AFP

    Japon, vendredi 11 mars 2011, 5 h 46 mn 23 s UTC, soit 14 h 46 mn 23 s heure locale. Un séisme de magnitude 9  provoque un tsunami monstrueux : une vague de 15 à 30 mètres de haut submerge la région de Fukushima, au nord-est de Tokyo. Parcourant jusqu'à 10 km à l'intérieur des terres, elle ravage près de 600 km de côtes et détruit partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires : 18.000 personnes meurent ou disparaissent. Le tsunami provoque enfin l'accident de la centrale de Fukushima-Daïchi, classé comme la catastrophe de Tchernobyl en 1986, au niveau 7, le plus élevé de l'échelle internationale des "événements" nucléaires.

    fukushima 2 ans après.jpgDeux ans après, ARTE revient sur cette catastrophe hors norme avec deux documentaires exceptionnels, pour mieux comprendre le déroulé des événements et ses conséquences : "Le monde après Fukushima" diffusé mardi 5 mars et "Fukushima, chronique d'un désastre", à découvrir le 7 mars.

    "Le monde après Fukushima"

    À quoi ressemble la vie des gens deux ans après une catastrophe nucléaire ? Entre résistance et désespoir, le documentariste japonais Kenichi Wabanabe raconte ce soir sur ARTE le triste quotidien des gens dans la région de Fukushima : la non-vie, la vie le coeur arraché, la vie au jour le jour.

    Victimes mais "debout"

    Watanabe donne la parole aux victimes de l'accident. Bouleversant. Le réalisateur va partout. A 50 km de la centrale, où l'on voit des mères accompagnées leurs enfants irradiés chez le médecin pour leur contrôle obligatoire, jusqu'à 250 km de là, à Tokyo, la mégalopole de 30 millions d'habitants que les autorités ont envisagé évacuer, en mars 2011. En passant par une zone de pêche à 160 km au nord de la centrale, où l'on pêche toujours des poissons fortement contaminés, sans oublier Hiroshima, à 850 km de Fukushima. Fukushima :  "l'île de la Fortune", en japonais...  Tous victimes, tous profondément malheureux. Mais tous "debout".

    Vivre, est-ce juste "exister" ?

    Paroles de mères, paroles d'instutrices, paroles d'agriculturices et d'agriculteurs parole de pêcheurs... Les larmes sont étouffées, les mots dignes, courageux, émouvants mais précis pour évoquer la douleur qui accompagne depuis deux ans, au nord-est du Japon chaque petite chose de la vie quotidienne.  Avec les priorités et les obsessions qui sont désormais les leurs : se protéger, protéger les enfants, se nourrir, comprendre... Tous posent à leur manière la question fondamentale : vivre après la catastrophe nucléaire, est-ce vivre ?

    emission,télévision,fukushima,documentaireNettoyer l"innettoyable"

    Est-ce vivre que de devoir rejeter à la mer, dès que pêchés tous les poissons, trop contaminés pour être vendus et consommés,  moyennant une indemnisation de Tepco, la compagnie électrique de la centrale de Fukushima ? Quel avenir pour la  pêche dans cette région du Japon ? Est-ce vivre que de devoir se balader partout avec son dosimètre, afin d'évaluer le taux de radioactivité de l'endroit où l'on se trouve ? Enfants, adultes, chacun le sien chez les Ota. La famille d'agriculteurs revenue dans la zone doit déjouer les pièges de la "peau de léopard", ces taches de radioactivité qui contaminent la nature pourtant si belle. En fonction des vents, de la  pluie, l'ennemi omniprésent mais invisible et inodore, s'est répandu inégalement sur le sol, la végétation, les maisons. Alors, à Fukushima, on s'efforce aussi d'enlever la radioactivité des terres, des arbres, des maisons, des rues, des trottoirs... Mais que faire des déchets, eux-aussi contaminés ? Est-ce vivre que d'être condamné, chaque jour, à nettoyer avec les moyens du bord l'"innettoyable" ? Comme des prisonniers, condamnés à arracher chaque jour l'herbe invisible de la cour pavée d'un camp de travail.

    sato.jpg"L'argent ne remplace pas ce qu'on a perdu dans le coeur"

    Est-ce vivre, quand on est agricultrice comme Mikiko Sato, que de revenir dans une propriété abandonnée, dont la terre en apparence inchangée est désormais incultivable ? Madame Sato, âgée d'une soixantaine d'années, pleure : "Le nucléaire, c'est un désastre inventé par l'homme. La sécurité absolue, c'est un mythe". Elle esssuie des larmes, discrètes mais brûlantes : "On peut remplacer les choses matérielles avec de l'argent, mais pas ce qu'il y a dans le coeur et qu'on a perdu...[...] On a beau savoir que c'est dangereux, on a tellement de chagrin qu'on n'arrive pas à s'arracher du pays". Et encore : "Tepco est coupable, mais c'est surtout le gouvernement qui est coupable. Avec la course au profit qu'il a mené avec le nucléaire, il a vendu nos vies. Nous soufffrons. Et pour longtemps."

    dosimètres.png"Ne pas avoir d'enfants"

    Est-ce vivre, pour une mère, que de devoir demander à ses filles, âgées de 17 et 24 ans "de ne pas avoir d'enfants, et peut-être de ne pas se marier. Parce que certainement leur santé sera affecté plus tard..." ? Les dosimètres aux carrefours ou accrochés au cou des enfants renvoient sans cesse les habitants au"monstre invisible", comme ils disent, et aux particules tueuses qu'ils tentent de retenir en disposant de dérisoires bouteilles d’eau aux fenêtres, autour des parcs de jeux et des piscines... Est-ce vivre que de se demander tous les jours, quand on est institutrice :  " Il fait plus de 35 °C, peut-on laisser les enfants jouer dehors et se rafraîchir dans la pataugeoire ?" "On fait des contrôles réguliers, on apprend à vivre en décryptant les infomations des médecins et les analyses médicales", confie une jeune mère de famille, en chuchotant, au bord des larmes : "Jusqu'à quand ? On est épuisé, tellement fatigué..."

     "Toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées"

     Watanabe ponctue les témoignages de paroles de spécialistes et d'experts, afin, dit-il, "d'analyser la réalité scientifique et médicale sur la contamination". Le sociologue Ulrich Beck, auteur de "La société" du risque" (1986), livre en contrepoint son éclairage. Deux ans après, les débris des dégâts du tsunami ont été plus ou moins déblayés. La contamination due à la radioactivité échappée de la centrale, elle, est encore là, pour des centaines d'années... Alors, pour Ulrich Beck, il faut  parler de "catastrophe nucléaire", à propos de Fukushima, car "c'est le genre d'événements [...] qui ont une "fin ouverte", ce sont des catastrophes illimités dans le temps. [...] Nous avons du mal à appréhender le nombre de morts et de victimes que cela entraîne. [...] Plus de 25 ans après Tchernoby, toutes les victimes de cet accident ne sont même pas encore nées.", analyse-t-il. La particularité d'une catastrophe nucléaire, c'est qu'elle est en cours. On ne vit pas dans l'après, mais avec et pour des centaines d'années.

    manif tokyo.jpg"Après tout, ce n'est que de l'électricité !"

    A 250 km de Fukushima, à Tokyo, Watanabe filme les Japonais qui manifestent  régulièment en nombre contre le nucléaire depuis la catastrophe, et dénoncent le gouvernement qui, selon eux, "a abandonné les gens qui vivent dans les zones irradiées". Paroles de manifestants qui ne croient plus dans le nucléaire et critiquent la "nucléocratie" : de vieilles dames anonymes, comme cette grand-mère qui se dit "prête à mourir" pour que le monde sorte définitivement du nucléaire, des parents avec leurs enfants, des écrivains, comme Kenzaburo Oê, prix Nobel de littérature. Ou encore ce musicien, qui s'écrie: "Garder le silence après Fukushima est une autre forme de barbarie !". Et qui s'étonne de l'absurdité qui consiste à accepter que l'on puisse sacrifier de la sorte des vies humaines :" Après tout, ce n'est que de l'électricité ! Il y a d'autres moyens de produire de l'énergie. L'atome est une aberration." 

    ministre 70.jpg"L'unique sécurité est de ne pas avoir de centrale nucléaire du tout"

    D'autres paroles s'ajoutent encore. D'autres visages, filmés par Watanabe, ceux de "décideurs", comme Yoshihiko Noda, premier ministre japonais en exercice à l'époque de la catastrophe, dont les propos clôturent le film.  "A propos du nucléaire, j'ai changé d'avis à 180°. Je suis un grand-père, j'ai des petits-enfants. [...]. La sécurité absolue l'existe pas. L'unique sécurité, c'est de ne pas avoir de centrale nucléaire." avoue-t-il, en brandissant la photo de son petit-fils.

    "La demi-vie"

    Alors, oui, depuis Fukushima, une partie des Japonais vit, enfermée dans l'absurdité d'une situation incontrôlable qu'elle subit sans l'avoir choisie. Comme le dit Michaël Ferrier, l'écrivain français qui vit à Tokyo, dans "Fukushima, récit d'un désastre" : " On peut très bien vivre dans des zones contaminés : c'est ce que nous assurent les partisans du nucléaire. Pas tout-à-fait comme avant, certes. Mais quand même. La demi-vie. Une certaine fraction des élites dirigeantes est en train d'imposer  une entreprise de domestication comme on en a rarement vu depuis l'avènement de l'humanité".

    Deuxième volet de "Fukushima deux ans après" : rendez-vous le 7 mars, sur Ma Planète et sur ARTE pour "Fukushima, chronique d'un désastre".

    Cathy Lafon

    "Fukushima deux ans après" sur ARTE :

    A LIRE

  • Planète vidéo. "Hors champs" : bienvenue chez les électro-hypersensibles

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    Philippe, personnage du film "Hors champs", est électro-hypersensible. Il a créé l'association « Une terre pour les EHS », et travaille activement à la création de zones blanches sur le territoire français. DR

    Il est des personnes pour qui les "zones blanches", c'est le bonheur. Tel est le cas de Anne, Elisabeth et Philippe qui sont électro-hypersensibles. Comme des milliers d'autres personnes dans leur cas, ils souffrent des ondes émises par les téléphones portables, le wifi, et parfois même le réseau électrique.

    Tranches de vies "Hors champs"

    C'est leur histoire que la documentariste Marianne Estèbe raconte dans « Hors champs », un documentaire présenté aujourd'hui en avant-première à Paris, au cinéma Le Grand action (75006). L'histoire de vies qui se résument trop souvent à la recherche perpétuelle de lieux vierges de ces ondes qui leur sont nocives et d’endroits, toujours de plus en plus reculés, où ils pourront vivre.

    Mais aussi à une lutte pour la reconnaissance de leur maladie et de leur droit à la vie.

    Tout récemment, une proposition de loi déposée par la députée écologiste Laurence Abeille sur les ondes électromagnétiques, visant à reconnaître leur maladie et à leur réserver sur le territoire des zones hors ondes, devait être examinée par l'Assemblée nationale le jeudi 31 janvier. Finalement, elle n'a pas même fait l'objet d'un débat et a été renvoyée en commission des affaires économiques. Dans une société qui ne reconnaît pas actuellement leur maladie, véritable handicap, et face à une médecine qui en ignore les mécanismes, les électro-hypersensibles (EHs) ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour sauver leur peau.

    ehs,électr-hypersensibilité,ondes,antennes relais,documentairePlusieurs scientifiques, comme le professeur Dominique Belpomme, et quelques politiques, dont l'eurodéputée écologiste Michèle Rivasi, les soutiennent dans leur combat, pour alerter les autorités sanitaires de ce problème de santé publique et  informer la population des risques liés à la pollution électromagnétique.

    Cathy Lafon

    PLUS D'INFO

    • Marianne Estèbe, auteure-documentariste, est née en 1982. C'est en 2011 que, suite à sa rencontre avec des personnes électro-hypersensibles, Marianne Estèbe a commencé à s'intéresser à la question de la pollution électromagnétique, et à ses effets sur la santé humaine. Elle commence alors un travail de recherche sur le sujet, et consacre beaucoup de temps à l'écriture et à la préparation du projet de film « Hors champs ». Pour consulter son site internet et celui du documentaire :  cliquer ICI
    • Le site du collectif des personnes électro-hypersensibles: cliquer ICI

    LIRE AUSSI

  • Carnet vert. Le climatologue Jean Jouzel, "Nobel des sciences de la Terre et de l'univers"

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    Jean Jouzel Photo archives Sud Ouest

    Le 21 février, le paléoclimatologue français Jean Jouzel a reçu à New York le prix Vetlesen 2012, équivalent d'un Nobel des sciences de la Terre et de l'Univers (Université Columbia). Membre du Giec, Jean Jouzel alerte depuis longtemps sur la réalité et  les conséquences du changement climatique. Chouchou de "Ma Planète" (forcément), et régulièrement consulté par "Sud Ouest" pour son expertise sur les questions cilmatiques,  il est le premier Français à recevoir ce prix prestigieux, décerné tous les quatre ans depuis 1959.

    Et si on fêtait ça en visionnant la vidéo d'un documentaire qui  montre l'importance du réchauffement climatique, en condensant en 75 minutes la fonte des glaciers et ses conséquences, depuis 1902 ? Un document exceptionnel et très pédagogique, signalé par Michel, un Bordelais fan de Ma Planète.  Il n'y a plus qu'à cliquer !

    Cathy Lafon

    BIO EXPRESS

    • Jean Jouzel. Médaille d’or du CNRS 2002, honoré à titre collectif avec le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) du prix Nobel de la Paix en 2007, Jean Jouzel se voit une nouvelle fois récompensé pour ses travaux en sciences du climat, qui ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues internationales reconnues, telles que Science ou Nature. Ses travaux ont permis de reconstituer l’histoire du climat sur une durée inédite, et ont ainsi contribué à la compréhension du phénomène récent de changement climatique d’origine anthropique. Jean Jouzel a effectué l’ensemble de sa carrière de recherche au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) et il dirige aussi le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement et l’Institut Pierre- Simon Laplace. Il est aussi membre du "Comité des sages" du débat national sur la transition énergétique voulu par le gouvernement.