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Mardi 5 juin, la Journée mondiale de l'environnement a été fêtée un peu partout dans le monde. Comme en Espagne, où des militants de Greenpeace ont survolé hier en parapente la centrale nucléaire de Garoña (photo ci-contre), la plus ancienne du pays, pour dénoncer le "manque de sécurité" de cette installation dont le gouvernement a décidé de prolonger l'exploitation pour cinq ans.
Selon l'AFP, les deux militants écologistes, dont les parapentes portaient l'inscription "Garoña fermeture, maintenant", ont déposé des engins fumigènes sur le toit du bâtiment abritant le réacteur de la centrale, proche de Burgos dans le nord de l'Espagne. L'organisation, à l'occasion de la Journée mondiale de l'Environnement, voulait mettre en évidence "le manque de sécurité de la centrale". "Il n'existe aucune raison, économique ou énergétique, qui justifie la prolongation de l'exploitation de Garoña ", a ajouté Greenpeace, en dénonçant dans son communiqué à l'AFP "des risques pour les citoyens".
Six centrales et huit réacteurs
Le parc nucléaire espagnol compte au total six centrales et huit réacteurs. La centrale de Garoña, mise en service en 1971, est la plus vieille en activité dans le pays. Elle est contrôlée à parts égales par les groupes Iberdrola et Endesa, à travers la société Nuclenor. Les organisations écologistes espagnols réclament la fermeture de cette centrale, "soeur jumelle" de celle de Fukushima au Japon, frappée en mars 2011 par un accident nucléaire après un séisme et un tsunami.
Des centrales nucléaires à la durée de vie illimitée ?
Garoña devait normalement cesser son activité le 1er avril 2013 après une décision controversée prise par l'ancien gouvernement socialiste en juillet 2009 de prolonger de quatre ans son activité. Or, l'Espagne a ouvert la porte, en février 2011, à l'exploitation prolongée de son parc nucléaire avec l'adoption par le Parlement d'un texte de loi éliminant la référence à la limite de 40 ans pour la durée de vie des centrales. Une décision pré-Fukushima inacceptable pour les écologistes.
On se souvient que le 2 mai, des militants de Greenpeace avaient mené uneopération similaire en France, avec le survol et l'atterrissage spectaculaire d'un parapente à moteur sur le site de la centrale nucléaire du Bugey.
Nicole Bricq, ministre de l'Ecologie, mai 2012 Photo AFP
C'est un premier dossier lourd et attendu pourNicole Bricq, la nouvelle ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie : la facture énergétique française vient de battre un record, en s'établissant à 63 milliards d'euros sur douze mois à fin février. Soit une hausse de 27 % par rapport à la période des douze mois précédents.
Déficit commercial historique
Selon le journal les Echos du 21 mai, les chiffres publiés par les services de Nicole Bricq révèlent une nouvelle et nette aggravation du déficit commercial français en matière d'énergie. En février, dernier mois dont les données sont connues, la facture énergétique française a atteint un nouveau record de 5,8 milliards d'euros, comparable à celui d'octobre 2011. Et, sur l'ensemble des douze derniers mois, l'écart entre les exportations et les importations culmine à 63 milliards d'euros. Du jamais vu.
Cher pétrole
Pour l'essentiel, cette aggravation est liée aux importations de pétrole, avec la hausse bien connue des prix de l'or noir qui alourdissent la facture. Et ce, même si la France consomme et en achète moins de produits pétroliers, depuis plusieurs mois. Le pétrole représente à lui seul près de 51 milliards d'euros, soit 81 % de la facture énergétique totale, le reste étant dû surtout aux achats de gaz naturel.
L'électricité nucléaire inopérante pour réduire la facture
L'électricité, avec le nucléaire, réduit la facture énergétique française. C'est un des arguments traditionnels avancé par les défenseurs de la filière électronucléaire, avec celui de l'indépendance énergétique du pays dans ce secteur : la France exporte généralement ses surplus d'électricité grâce au nucléaire. Or, en février dernier, exportations et importations de courant ont été équilibrées « en raison des conditions climatiques exceptionnelles », indique le ministère. Si bien que le solde commercial de la filière électrique est tombé à 2,4 milliards d'euros en cumul sur douze mois. Ce qui est largement insuffisant pour compenser l'énorme déficit en matière d'hydrocarbures.
Pas d'état de grâce pour la nouvelle ministre de l'Ecologie
Le gel pour trois mois du prix de vente des carburants, promis par François Hollande durant la campagne électorale de l'élection présidentielle, ne simplifiera pas la donne de la ministre de l'Energie, qui, également en charge de l'Ecologie, devrait avoir aussi pour objectif la réussite de la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une tâche ardue attend donc Nicole Bricq, surtout connue pour avoir battu Jean-François Copé à Meaux, aux législatives de 1997, et spécialiste des finances publiques plus que des questions écologiques et environnementales. Même si l'écologie n'est pas vraiment pour elle "terra incognita".
Nicole Bricq, une pro de la fiscalité environnementale
Charentaise (elle est née le 10 juin 1947 à La Rochefoucauld), la nouvelle ministre de l'Ecologie a fait ses études supérieures à Bordeaux, où elle a obtenu une maîtrise en droit privé en 1970. Conseillère technique de 1992 à 1993 au cabinet de la ministre de l'environnement d'alors, Ségolène Royal, elle a produit par la suite, en 1998, un rapport d'information sur la fiscalité environnemnentale, en suggérant notamment une réforme de la fiscalité au service de l'environnement et un renforcement de l'application du principe pollueur-payeur. Entrée au Sénat en 2011, inscrite au pôle écologique lors du dernier congrès socialiste, l'élue socialiste s'est révélée une farouche opposante des compagnies pétrolières souhaitant extraire du gaz de schiste dans son département, la Seine-et-Marne. Nicole Bricq a même déposé une loi, qui n'a pas été adoptée, demandant l'abrogation des permis et interdisant l'exploitation du gaz de schiste sur le territoire.
Son profil de "fiscaliste verte", qui a également planché pour François Hollande sur des pistes de réforme fiscale pour le quinquennat à venir, lui attire finalement la bienveillance des organisations écologistes. Ces dernières attendaient plutôt Cécile Duflot à l'Ecologie, mais elles ont accueilli assez favorablement la nomination de Nicole Bricq, en lui reconnaissant une "culture écolo" et en soulignant que, pour réussir la transformation écologique de la société, une des premières nécessités aujourd'hui reste de trouver les financements nécessaires, dans un contexte budgétaire rendu ultra-tendu par la crise.
Beaucoup de pain sur la planche, donc, pour la nouvelle ministre de l'Ecologie... Reste à savoir si le pain sera bon et bio et si la planche ne sera pas savonnée.
"Le ciel de l'écologie, plutôt nuageux jusquà présent, va-t-il enfin s'éclaircir et virer au bleu ?" Après l'élection de François Hollande à la présidence de la République, pour les écolos, c'est bien sûr "la" question" du moment.
C'est une évidence : l’écologie, au sens strict du terme, n'est pas la tasse de thé de François Hollande. Dans ses 60 engagements pour la France en effet, la priorité n’a pas été donnée à ces questions. Pas plus d'ailleurs que dans les programmes des autres candidats, à l'exception notoire mais pas vraiment surprenante de celui d'Europe-Ecologie les Verts, dont la candidate, Eva Joly, a récolté en outre un score particulièrement faible au soir du premier tour de l'élection présidentielle. De là à en déduire que, pour les Français, l'écologie ne serait plus une préoccupation importante, il y a un grand pas qu'il convient de ne surtout pas franchir, comme en témoignent les enquêtes d'opinion les plus récentes... dont le sondage BVA, publié par "Sud Ouest" le 11 mai, qui montre que 53 % des Français souhaitent la présence de ministres écolos au gouvernement.
"L'écologie et l'environnement sont des leviers pour sortir de la crise."
Concernant François Hollande, il est tout aussi évident qu'il partage avec les écologistes (ou que les écologistes partagent avec lui) un certain nombre de valeurs républicaines et démocratiques (sur la justice, la lutte contre la corruption, le "vivre ensemble"...). Et qu'il soutient également fermement l’idée d’unetransition écologique et énergétique, nécessaire, pour les écologistes comme pour lui, à la revitalisation de l'industrie française et à la création (ou re-création) d'emplois. « L’écologie et l’environnement sont des leviers pour sortir de la crise. (…) C’est de notre responsabilité de permettre de passer d’une économie à une autre », déclarait-il lors du congrès de France Nature environnement et a-t-il réaffirmé lors de son premier discours de président fraichement élu, au soir du 6 mai.
Une transition qui devrait être financée par une taxe sur les transactions financières, par la nouvelle Banque publique d’investissement que le candidat espère voir créer et par l’épargne des Français (à travers le doublement du plafond du livret développement durable) notamment.
Cette victoire est-elle « une chance pour l’écologie » ?
Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe-Ecologie les Verts Photo AFP
Pour Cécile Duflot, la réponse est : "Oui". La patronne d'Europe-Ecologie les Verts, ministrable dans le futur gouvernement de François Hollande, pense, elle, que l'élection de Hollande « contribuera à relancer la mobilisation pour la transition écologique, la lutte contre le changement climatique, la réduction de la part du nucléaire, la préservation de la biodiversité et de nos espaces naturels, l’action contre les pollutions de l’air, du sol et des eaux, une agriculture paysanne et une alimentation de qualité. »
Le nouveau Président a en effet promis qu’il tiendrait de grandes assises sur l’énergie devant déboucher sur « une loi de programmation énergétique », qu'il amorcerait la sortie du nucléaire en fermant la centrale de Fessenheim et qu’il favoriserait l’agriculture biologique - mais sans fixer d’objectifs - , les circuits courts et la protection de la biodiversité.
Mais tous les écologistes ne se reconnaissent pas dans Europe-Ecologie les Verts.
Certains émettent de sérieuses réserves devant la volonté du parti écolo de participer au premier gouvernement du nouveau président de la République. C'est le cas de l'association environnementale Robin des bois, qui reproche aux Verts de se comporter en "capitalistes de l'écologie" et assimile leur empressement à entrer dans un gouvernement de gauche à leur propension à avaler des couleuvres. L'association souhaite avant tout que "Le Ministère d’Etat en charge de l’Ecologie, quels que soient son nom et son périmètre, soit attentif à la diversité des revendications, des réflexions et des solutions susceptibles de préserver la biodiversité, le bien-être des populations et les fonctions vitales de la Planète."
Quid des divergences majeures "écolos-PS" ?
Socialistes et écologistes resteront-ils prisonniers de leurs oppositions "écologiques" ou sauront-ils les dépasser en recourant au dénominateur commun de leurs convergences? Les optimistes interprètent les évolutions récentes du conflit de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes comme l'expression d'un désir commun d'avancer vers une société plus écologique.
Nantes, le 3 mai 2012. Manifestation à Nantes contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Photo AFP
Il existe en effet plusieurs points de discorde environnementaux entre socialistes et écologistes, dont un certain nombre de contentieux locaux, souvent liés à des projets d'infrastructures, comme la LGV Atlantique, ou encore le conflit autour de la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes (Loire-Atlantique). Projet soutenu par le maire socialiste de Nantes, Jean-Marc Ayrault, dont le nom figure en bonne place sur les listes officieuses des futurs premiers ministrables de Hollande, l'aéroport du gand-ouest (AGO) est un combat emblématique pour les écologistes, qui s'y opposent fermement depuis des décennies. Signe d'une volonté mutuelle d'apaisement des tensions "écologiques" dans le contexte politique actuel, les paysans qui s'opposent aux expropriations et aux expulsions ont signé le 8 mai un accord avec une délégation du PS de Loire-Atlantique. Ils interrompaient ainsi la grève de la faim par laquelle ils avaient choisi de relancer leur action, en limitant leurs revendications pour demander non plus l'abandon du projet, mais l'arrêt des expulsions, le temps de "laisser parler le droit". C'est-à-dire d'avoir épuisé tous les recours judiciaires en cours. Stratégie gagnant-gagnant : les écolos ont obtenu ainsi un véritable moratoire et François Hollande en retire un certain mérite. Refusant en effet de laisser pourrir un dossier en passe de devenir un nouveau Larzac, le nouveau président a, selon Géraud Guibert, un de ses conseillers, "fait comprendre à Jean-Marc Ayrault qu'un compromis était nécessaire".
François Hollande explique sa position sur le nucléaire, lors du débat télévisé face à Nicolas Sarkozy, le 2 mai 2012
Le spectre du Grenelle de l'environnement
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy, avec les perspectives du Grenelle de l'environnement, avait suscité après son élection bien des espoirs dans les rangs des écolos, conscients que les enjeux de l'écologie dépassent les clivages traditionnels "gauche-droite". Avant de les faire sombrer dans le désespoir avec les reculs qui ont suivi, symbolisés par sa phrase assassine au Salon de l'agriculture de Paris, en 2010 : "L'écologie, ça commence à bien faire !".
Bridget Kyoto analyse le Grenelle de l'environnement
En sera-t-il de même avec Hollande ? Ou au contraire, l'écologie, avec la protection de l'humain, de la santé, de l'environnement et des ressources de la planète, la lutte contre le réchauffement climatique et la gestion de l'après-pétrole et de la transition énergétique, auront-elles enfin leur chance en France dans les cinq ans qui viennent ?
Et vous, qu’en pensez-vous ? Estimez-vous que François Hollande fera avancer les questions d’environnement ? Ou pas ? Donnez votre avis dans vos commentaires, ou en cliquant ICI.