Epandage de pesticides dans les vignes DR
Ca va faire causer en Gironde. L'enquête APAChe : Analyse de Pesticides Agricoles dans les CHEveux, de l'association Générations futures, sur "l'exposition aux pesticides chez les salariés viticoles et les riverains vivant au coeur des vignes du Bordelais " a été rendue publique mardi 19 février. Accessible sur le site internet de l'association, elle concerne le le terroir des châteaux Fourcas-Dupré, Clarke et Moulin d'Ulysse que recouvre Listrac-Médoc, appellation d'origine contrôlée, riche en crus bourgeois. Et elle révèle que l'exposition des travailleurs de la vigne à des pesticides dangereux y est très importante. Coïncidence, une autre étude, rendue publique le 14 février et relayée par La Vigne, constate la présence de résidus de pesticides dans 90% des vins...
L'enquête APAChe, menée en collaboration avec Marie-Lys Bibeyran, la soeur d'un salarié viticole, décédé d'un cancer en 2009
Marie-Lys Bibeyran se bat pour la reconnaissance comme maladie professionnelle du cancer de son frère, salarié viticole, décédé en 2009 d'un cancer foudroyant Photo archives Céline Dupeux Sud Ouest
Générations futures, spécialiste des effets des produits phytosanitaires sur la santé et l'environnement, s'est appuyée sur les données du laboratoire d'analyses Kudzu Science obtenues entre mi-octobre et mi-novembre 2012, sur une population test de 25 personnes : quinze salariés viticoles de Listrac-Médoc, cinq riverains des vignes, et cinq témoins vivant loin des vignes. L'association a travaillé également avec Marie-Lys Bibeyran, dont le frère, Denis, ouvrier agricole en Médoc, est décédé à 47 ans d'un cancer foudroyant des voies biliaires en 2009. Avant de mourir, il avait évoqué ses soupçons sur l'impact des pesticides qu'il utilisait sur sa santé.
La bataille de la reconnaissance de ce cancer comme maladie professionnelle
« Denis était à la fois salarié dans un château sur Listrac et exploitait deux hectares pour son compte", détaillait en 2011 Marie-Lys dans "Sud Ouest". "Sur le domaine du château, il était chauffeur de tracteur et effectuait tous les traitements phytosanitaires depuis vingt-cinq ans. Dans ses vignes, il faisait toutes les tâches et employait les mêmes produits qu'au château. Il avait une très bonne hygiène de vie et aucune raison de déclencher un cancer. Il se croyait tout à fait préservé en vivant à la campagne. » Pourtant, en période de traitement des vignes, témoignait un collègue, Denis subissait d'étranges saignements de nez à répétition… Depuis 2011, Marie-Lys, elle-même saisonnière, s'est lancée dans la bataille pour obtenir la reconnaissance de ce cancer comme maladie professionnelle. Il s'agit de la première demande de reconnaissance de maladie professionnelle impliquant les pesticides introduite post-mortem en Gironde.
Une enquête locale mais pas nationale
L'enquête de Générations Futures, précisent ses auteurs, prend en compte un nombre limité de "cobayes", et ne reflète donc pas l'état moyen de la contamination dans l'ensemble des vignes françaises. Elle ne concerne qu'un territoire, celui de Listrac-Médoc en Gironde, où elle établit de façon manifeste la présence accrue de résidus d'herbicides, d'insecticides et de fongicides chez les quinze salariés qui se sont prêtés à l'étude, en comparaison du groupe témoin de dix personnes n'exerçant pas ce métier.
L'exposition à des pesticides dangereux est très importante
« L'exposition des travailleurs agricoles à des pesticides dangereux est très importante », souligne l'association Générations Futures. L'analyse des cheveux des 25 personnes objets de l'étude, montre également que les pesticides « ne contaminent pas que les professionnels ». « Le simple fait de vivre à proximité des zones cultivées, à moins de 250 mètres, ce qui est sans doute le lot de millions de familles françaises, augmente votre exposition », met en garde François Veillerette, le porte-parole de l'association (photo ci-contre).
45% des molécules retrouvées sur les salariés sont "cancérigènes possibles"
Sur les cheveux testés, 35 molécules ont été recherchées (34 matières activespesticides, un métabolite) dont 27 actuellement autorisées sur la vigne. Selon les analyses, on retrouve 11 fois plus de résidus de pesticides en moyenne chez les salariés viticoles que chez les non professionnels habitant loin des vignes (6,6 pesticides en moyenne contre 0,6) et 4 des 15 salariés présentent 10 pesticides différents. On observe 5 fois plus de résidus de pesticides en moyenne chez les non-professionnels de la vigne habitant près des vignes que ceux habitant loin des vignes. Plus de 45 % des molécules retrouvées sont classées cancérigènes possibles en Europe ou aux Etats-Unis et plus de 36 % sont suspectées d'être des perturbateurs endocriniens.
Réduire l'usage des pesticides et renforcer la protection des travailleurs
Les résultats de cette enquête visent à engager les pouvoirs publics à « prendre des mesures fortes en s'attaquant à l'usage intensif des pesticides ». A quelques jours de l'ouverture du Salon de l'Agricutlure, le 23 février, le message est fort. « La réduction de l'usage des pesticides, pourtant inscrite dans le marbre du plan Ecophyto 2018, n'est toujours pas en route en France », déplore François Veillerette de Générations Futures, qui demande également la révision de l'homologation des produits. Outre le renforcement des équipements de protection des travailleurs agricoles, l'association milite pour le respect de distances de pulvérisation minimales par rapport aux habitations et pour la mise en place d'études d'exposition.
90% des vins contiennent des résidus toxiques
Une autre étude, rendue publique le 14 février et relayée par La Vigne, constate la présence de résidus de pesticides dans 90% des vins. Selon Pascal Chatonnet (photo ci-contre), directeur du laboratoire bordelais Excell: « Seulement 10% [des vins analysés] ne contiennent aucun pesticide. Dans les 90% restants, Excell a trouvé la présence d’au moins une matière active, le plus souvent de la famille des fongicides. Et le laboratoire a pu détecter jusqu’à neuf pesticides simultanément dans un vin. » Un verre, ça va, deux verres, bonjour les dégâts... Sauf si le vin est bio ou produit en biodynamie, cela va de soi.
En octobre 2012, une mission sénatoriale avait estimé que les dangers et les risques sanitaires des pesticides demeuraient sous-évalués et mal pris en compte. Marie-Lys Bibeyran ne dit pas autre chose : "Le danger est sous-estimé. Mon frère n'était pas le seul à avoir des saignements de nez".
Cathy Lafon
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►REPERES
- La France reste le premier utilisateur de pesticides en Europe avec 62.700 tonnes de substances actives vendues en 2011. Malgré le lancement du plan Ecophyto en 2008, et l’objectif affiché de réduction de 50% des pesticides en 10 ans ainsi que l’exclusion des substances les plus dangereuses, la consommation de pesticides a augmenté entre la période de 2009-2010 et la période 2010-2011 de 2,7%.
- 780.000 hectares de vignobles français représentent 3,7 % de la surface agricole utile du pays, mais consomment environ 20 % des pesticides.
Elaboré en 2008, le plan Ecophyto 2018 prévoit :
- la réduction de moitié, à l’horizon de 10 ans, si possible, de l’emploi de pesticides de synthèse (plan ECOPHYTO 2018).
- le passage en agriculture biologique à 6 % de la surface agricole utile en 2010, en visant 20 % en 2020.
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