Ségolène Royal succède à Philippe Martin au ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie. Photo AFP
C'est un grand retour aux sources pour Ségolène Royal. Ministre de l'Environnement de 1992 à 1993, la présidente de la Région Poitou-Charentes décroche un super ministère de l'Écologie auprès de Manuel Valls, nouveau premier ministre de François Hollande, et revient par la même occasion sur le devant de la scène politique. Une nomination accueillie favorablement par les associations écologistes. Explications.
Numéro trois du gouvernement
Les Verts ont dit non. C'est donc Ségolène Royal qui décroche la timbale : la voilà désormais numéro trois du gouvernement Valls, en charge du
ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie. Un grand ministère taillé sur mesure pour le dossier n° 1 qui l'attend :
la transition énergétique, avec l'avenir du
nucléaire et des
renouvelables, l'épineuse
écotaxe, les
gaz de schiste... Sans oublier
les pesticides, les OGM, la qualité de l'air et de l'eau qui alimentent de lourds contentieux environnementaux avec Bruxelles.... Sur le papier,
un poste clé qui ressemble fort à celui occupé par
Jean-Louis Borloo sous Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2010, à la verte époque du
Grenelle de l'environnement. Avant que l"'écologie, ça [ne] commence à bien faire".
La valse hollandaise des ministres de l'Ecologie
L'écologie, sous François Hollande, il faut suivre. C'est une valse ultra rapide à quatre temps, aux accents du grand Sud-Ouest, réservée presque exclusivement aux dames. Sa toute première ministre de l'Ecologie,
Nicole Bricq, était charentaise. Elle ne fit qu'un tour de piste et fut amèrement regrettée par les aficionados de l'environnement qui avaient trouvé en elle la personne idéale et compétente. "Trop verte pour les lobbys industriels", fut le bruit qui courut alors. Remplacée un mois plus tard par
Delphine Batho. Inconnue au bataillon écolo, la proche de Ségolène Royal finissait par faire ses preuves quand soudain, même motif, même punition que pour Nicole Bricq,
elle fut débarquée pour être remplacée en juillet dernier par un homme du Gers,
Philippe Martin (photo ci-dessus). Ecolo, oui, mais pas trop, Philippe Martin ? Difficile de se faire une idée, mais son bilan est loin d'être nul : avec son collègue Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, il a notamment contribué à la réduction des pesticides et a tenu bon sur les OGM... A l'heure du grand ménage de printemps au sein du gouvernement, Hollande et son Premier ministre remettent le cap sur le nord de la région, en choisissant
la patronne de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal.
Royal l'écolo
Un choix cohérent, car l'écologie est loin d'être pour elle une terre inconnue. Du 3 avril 1992 au 29 mars 1993, toute jeunette, elle a été
ministre de l'Environnement du gouvernement Bérégovoy, sous François Mitterrand. L'écologie n'était pas encore à la mode et se cantonnait surtout aux questions du traitement des déchets, des nuisances visuelles et sonores. Ségolène Royal peut s'enorgueillir d'avoir introduit la notion de
développement durable en France et fait voter alors
une loi sur l'eau. L'écologie figurait en bonne place dans son
programme à la présidentielle de 2007 : e
lle avait également signé le pacte écologique de Nicolas Hulot qui lui avait ensuite apporté son soutien. Le développement durable aussi l'une de ses préoccupations constantes à la région Poitou-Charentes qu'elle préside, où elle a développé les énergies renouvelables. Si sa position sur
la fiscalité écologique (taxe carbone et diesel) ou encore les
zones urbaines de circulation réduite (ZAPA) a fait controverse,
ses positions sur les OGM et les hydrocarbures de schiste sont considérées comme "vertes". Enfin, on se souvient aussi qu'elle s'est battue bec et ongles pour défendre
la Mia électrique de l'entreprise Heuliez, menacée de fermeture, et qu'elle s'est déclarée favorable à un
moratoire sur le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Pacte écologique Ségolène Royal
"Une bonne nouvelle pour l'écologie"
Une fois n'est pas coutume,
c'est la quasi unanimité chez les défenseurs de l'environnement qui se réjouissent et saluent son expérience et son influence, même si des doutes subsistent sur la réelle volonté écologique du gouvernement Valls. Les pessimistes notent que le pro-gaz de schiste,
Arnaud Montebourg, est promu, les optimistes qu'il n'a pas l'énergie en responsabilité, puisque, justement, c'est Ségolène Royal qui l'a et que, en outre, il n'y a pas l'ombre d'une Anne Lauvergeon (cauchemar des anti-nucléaires) à l'horizon.
L'association Robin des Bois, réputée pour sa dent plutôt dure, a été la première à réagir hier en saluant "la remontée spectaculaire du Ministère de l'Ecologie dans le rang protocolaire du gouvernement et l'arrivée à ce poste de
Mme Royal, bonne connaisseuse des enjeux dans ce domaine.". "C'est
une bonne nouvelle pour l'écologie, car elle est imprégnée des questions environnementales depuis plus de vingt ans", estime
Allain Bougrain-Dubourg, président de la
Ligue de protection des oiseaux (LPO). "Et on a rehaussé son ministère au numéro trois du gouvernement, c'est un signe fort, et elle a une expérience de terrain incontestable en Poitou-Charentes", ajoute-t-il.
Greenpeace rappelle qu'elle a été
"la mieux notée" des candidats lors de la primaire socialiste pour la présidentielle, en 2011. Elle "a par le passé adopté et défendu des positions plutôt claires et ambitieuses sur les questions environnementales et énergétiques", estime l'ONG.
"Ecolo-compatible"
"Ségolène Royal est "écolo-compatible" pour l'essentiel" résume
Arnaud Gossement, l'avocat spécialiste du droit de l'environnement, qui rappelle qu'elle a une
"conception décentralisée de la politique écologique et énergétique grâce à son expérience de présidente de la Région Poitou-Charentes" et que "son
programme à la présidentielle de 2007 proposait une approche de la réduction de la part du nucléaire proche du scénario développé par
Negawatt". On se souvient que Bruno Rebelle, l'ex-directeur de Greenpeace, était alors son conseillé.
Alors, Royal, bonne pioche pour l'écologie ? Ou pas ?
Cette nomination est-elle un vrai cadeau à l'écologie ou à l'ex-candidate socialiste à la présidentielle de 2007, ministre à plusieurs reprises, ancienne compagne de François Hollande et actuelle présidente de la Région Poitou-Charentes ? On le saura très vite, car la ministre n'aura pas le temps de lambiner. Au menu:
le projet de loi sur la biodiversité, récemment présenté en conseil des ministres par Philippe Martin, et le
projet de loi portant réforme du code minier qui doit être présenté en juin. Et surtout, le
projet de loi sur la transition énergétique, attendu pour être soumis pour avis au Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans la deuxième quinzaine du mois d'avril. Enfin, la dame du Poitou mettra certainement son grain de sel dans la préparation du
sommet mondial sur le climat prévu en 2015, à Paris.
Ségolène Royal dispose en tout cas un atout politique majeur : elle aura du poids pour imposer ses positions au cours des inévitables arbitrages interministériels, car elle est un "poids lourd" de la majorité présidentielle et dispose des réseaux nécessaires. Il demeure que sous François Hollande, le poste de ministère de l'Ecologie est, à ce jour, le moins durable de tous. D'où la question subsidiaire, pleine de bon sens : combien de temps Ségolène Royal restera-t-elle à la tête de son ministère ?
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