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La très délicate mission verte de François de Rugy, nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire

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Nicolas Hulot et François de Rugy lors de la passation de pouvoirs, au ministère de l’écologie à Paris. Photo AFP / PHILIPPE LOPEZ

Du nucléaire à la réintroduction d'ourses dans les Pyrénées, voici les dossiers les plus brûlants que le successeur de Nicolas Hulot, l'écologiste François de Rugy, passé par le parti Les Verts puis Europe Ecologie-Les Verts avant de rallier les macronistes de En Marche ! a trouvés sur son bureau ministériel ce mercredi 5 septembre. Revue de détail. 

1. Nucléaire

Le nucléaire sera au coeur de la feuille de route énergétique 2019-2023 et 2024-2028, attendue après l’été. Alors que Nicolas Hulot avait annoncé en novembre que la France ne pourrait pas tenir l’objectif de ramener la part de l’atome de 75% à 50% de la production d’électricité à l’horizon 2025, nombre de questions restent en suspens, comme le nombre de réacteurs à fermer.

Le ministre démissionnaire avait promis un « échéancier » précis sur la fermeture de centrales. En jetant l’éponge, il a laissé entendre qu’il avait eu des difficultés à imposer ses vues. Un rapport commandé par son ministère et celui de l’Economie recommande la construction de six nouveaux EPR à compter de 2025. Un poil contradictoire avec les objectifs de la transition énergétique. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a préconisé d’attendre que l’EPR de Flamanville (Manche) soit achevé avant de décider d’en bâtir d’autres.

2. Énergies renouvelables

L’objectif est de développer les énergies renouvelables, alors que les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en France en 2017. Après le solaire et l’éolien terrestre, l’avenir des énergies marines notamment est sur la table.

Le résultat de l’appel d’offres du parc éolien marin de Dunkerque doit être annoncé en 2018, tandis qu’un appel d’offres pour l’île d’Oléron annoncé lors du précédent quinquennat, est attendu. Dans l’éolien flottant, les acteurs attendent un premier appel d’offres commercial.

La France, mise en demeure par la Commission européenne en 2015 d’ouvrir à la concurrence ses concessions hydroélectriques, aurait proposé à Bruxelles la mise en concurrence de certaines concessions dès cette année qui limiterait la place d’EDF.

3. Transports

Alors que les transports sont la première source d’émissions de gaz à effet de serre en France, le projet de loi d’orientation sur les mobilités doit être présenté à l’automne.

En cours de finalisation, le texte comprend des volets sur la programmation des infrastructures, l’évolution des compétences des diverses autorités locales, les mobilités propres (qualité de l’air, circulation en ville…). La partie « recettes » risque de faire grincer des dents, si l’Etat choisit d’instaurer une vignette poids lourds ou des péages sur des routes gratuites.

Le ministère des Transports, qui dépend de celui de la Transition écologique, doit présenter en septembre un « plan vélo » visant à multiplier par trois la part du vélo d’ici 2024, avec la construction de pistes cyclables, des incitations… Les associations demandent 200 millions d’euros par an, ce que Nicolas Hulot avait qualifié de « faisable ».

4. Loi Alimentation

En septembre, fin de l’examen au Parlement de la loi Alimentation, pilotée par le ministère de l’Agriculture mais suivie de près par Nicolas Hulot. Certains voudront-ils reparler du taux de bio dans les cantines ? Ou du glyphosate, alors que les députés avaient rejeté un amendement, soutenu par Hulot, inscrivant la fin du pesticide d’ici trois ans ?

5. Santé

Nicolas Hulot avait promis le lancement début 2019 des Assises régionales et nationales de santé environnementale. Ce grand débat citoyen, nécessaire pour répondre à la crise sanitaire, composante de la crise écologique, se tiendra-t-il ? 

6. Constitution

Les députés ont donné en juillet leur feu vert à l’inscription de la « préservation de l’environnement » à l’article 1er de la Constitution. Mais l’examen de la révision constitutionnelle a été suspendue jusqu’à la rentrée.

7. Biodiversité

Après la présentation en juillet d’un plan biodiversité sans grandes mesures contraignantes, certains défenseurs de l’environnement craignent que cette question retombe dans l’oubli. Se pose la question de définir l’échéance de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols ou la mise en oeuvre de la réforme de la chasse.

8. Ours 

Nicolas Hulot avait annoncé au printemps la réintroduction à l’automne de deux nouvelles ourses dans les Pyrénées. Le plan ours publié en mai évoque des lâchers, sans autre précision. Les éleveurs de brebis espèrent que le futur ministre renoncera à cette opération destinée à pérenniser l'existence de l'ours en France. Les défenseurs du plantigrade attendent de lui qu'il tienne cet engagement.

9. Eau

La deuxième phase des Assises de l’eau se penchera sur la préservation de la ressource en eau. Un risque de querelle entre défenseurs de l’environnement et agriculteurs, en particulier sur l’irrigation.

10. Gaz

En juillet 2017, le Conseil d’Etat a jugé les tarifs réglementés contraires au droit européen, imposant à l’Etat de les supprimer. Le gouvernement envisage une fin à l’horizon 2023 pour tous les particuliers, mais doit préciser comment la mettre en oeuvre.

Utopie contre pragmatisme  

On le voit, en quatorze mois, Hulot et son équipe n'ont pas chômé : la pile des dossiers du nouveau ministre est véritablement impressionnante, et les sujets épineux comme les engagements à tenir ne manquent pas... François de Rugy saura-t-il tenir le cap donné par son prédécesseur, afin  de répondre à l'urgence des crises écologique et climatique ? Comme attendu, le petit mundillo tricolore de l'écologie, toujours prompt à critiquer et à souligner les insuffisances plutôt que les progrès, est loin d'en être totalement convaincu. Il est vrai que Hulot lui-même, élevé aujourd'hui quasiment au rang de divinité verte, notamment parce qu'il a eu "le courage de démissionner", n'y était pas vraiment parvenu... Une solitude politique qui a d'ailleurs constitué l'une des causes de sa démission, avait-t-il expliqué au micro de France Inter.

La LPO a souhaité avec bienveillance la bienvenue au nouveau Ministre en charge de la Transition écologique et solidaire et a fait savoir qu'elle "fera tout son possible pour l’accompagner afin d’impulser le changement de paradigme tant attendu sur le double enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique et contre la disparition dramatique des espèces. Le Syndicat des énergies renouvelables s'est également "félicité de la nomination de François de Rugy", en "rappelant les enjeux de l’avenir énergétique de notre pays auxquels le nouveau ministre va devoir répondre dès les prochaines semaines pour réussir la transition écologique". Mais l'ex-président de l'Assemblée nationale est attendu au tournant par d'autres ONG, bien plus méfiantes, comme Greenpeace ou encore l'ASPAS (l'Association pour la protection des animaux sauvages) et le Réseau Action Climat. Et surtout, par les caciques de son ex-parti Vert.

De Rugy doit relever un énorme défi.  S'il sait qu'il n'égalera jamais en popularité son prédécesseur qui a su faire entrer l'écologie dans le coeur des Français, il dispose d'un certain nombre d'armes. Cet écologiste de longue date, qui veut "agir" et "faire de l'écologie positive" est un pragmatique doublé d'un fin politique qui connaît par coeur les dossiers et leur urgence et sait dialoguer avec les associations et les différentes parties. Comme l'écrit l'association Pays de l'Ours-Adet, qui souhaite au nouveau ministre "d’avoir l’ambition et le courage nécessaires pour initier enfin la transition écologique et solidaire indispensable et maintenant urgente", son premier test sera le lâcher de deux ourses dans les Pyrénées, en octobre prochain. 

Le ministère des possibles

En attendant d'en savoir plus sur sa capacité à concrétiser la nécessaire transition écologique et à tenir bon face aux lobbys, reste qu'il est bien difficile d'échanger brutalement le souffle de l'utopisme d'un Hulot qui sait faire rêver d'écologie, contre le seul pragmatisme d'un de Rugy... Souhaitons-lui (et souhaitons-nous) de réussir à faire du ministère de l'Ecologie le ministère des possibles, comme il s'y est engagé ce mardi lors de la passation de pouvoir à l'Hôtel de Roquelaure.  

Cathy Lafon

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