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Le déchargement d'un chalutier, dans le port du Guilvinec, en Bretagne. Photo archives / AFP
D’ici à la fin de l’année 2013, la pêche profonde au chalut, méthode la plus destructrice de toute l'histoire humaine pour la biodiversité marine et les stocks halieutiques, sera compètement interdite dans les eaux européennes. Ou pas.
Le contexte
En juillet 2012, la Commission européenne a proposé l'interdiction pour deux ans du chalutage en eau profonde, une technique de pêche critiquée pour son impact destructeur sur les océans. La France et l’Espagne s'étaient alors fermement opposées à la décision européenne. Cette proposition est soumise aujourd'hui au vote du Parlement et du Conseil européen.
L'enjeu : préserver des milliers d’espèces affectées par une minorité de navires
Les principaux poissons que les chalutiers de fond cherchent à pêcher sont les grenadiers, lingues bleues et sabres noirs. La pêche au chalut profond est une pratique minoritaire en Europe : dans le nord-est de l’Atlantique, seuls 2 % des navires font appel à ce type de méthode. En France, Claire Nouvian, directrice de l'association Bloom, qui œuvre pour la conservation marine, le rappelle, "98,5 % des captures d'espèces profondes sont réalisées par neuf navires, soit 0,1 % de la flotte française". Peu de bateaux concernés donc, mais qui provoquent des ravages inversement proportionnels dans les écosystèmes. En tête desquels, selon Bloom, ceux qui pêchent pour les grandes enseignes, Intermarchés et Leclerc en tête.
Mauvais pour l'écologie et anti-économique
A chaque prise, les chaluts raclent littéralement le fond des océans, opérant entre 400 et 1.500 m de fond et à chaque raclage, des écosystèmes qui ont parfois mis des milliers d’années à se former sont détruits. Comme les récifs coralliens et les éponges, dont la disparition entraîne le déclin des populations de poissons profonds. Désastreux pour la biodiversité, ce mode de pêche est aussi irrationnel sur le plan économique et industriel. Lorsqu’un filet racle le fond, il ne sélectionne pas les espèces qu’il attrape, mais produit un gaspillage considérable : on estime que 20 à 40 % des prises sont des espèces qui ne seront pas revendues ensuite, mais rejetées. Selon Bloom, les raies, requins et régalecs (photo ci-dessus) sont les espèces les plus directement menacées par la pêche profonde. Le chalut détruit leur habitat et attrape bon nombre d’individus dont le cycle de reproduction est très lent.
Déjà partiellement interdit
Le chalutage profond est déjà interdit dans certaines régions des eaux européennes, comme, par exemple, dans certaines zones profondes de l’Atlantique nord-est, afin de protéger les récifs coralliens. De même à Madère, aux Açores et aux Canaries ù l’interdiction a été votée en 2005. Cette année, toute la Méditerranée s’est également vue interdire la pêche à plus de 1.000 m de profondeur.
Le bras de fer
Le 1er février 2013, le Parlement européen votait à une écrasante majorité (502 voix contre 137), le projet de loi sur la réforme du règlement de base de la politique commune de la pêche (PCP), en faveur d'une pêche durable, contre la surpêche. Un vote qualifié alors d'"historique."
Aujourd'hui, avec la question de la pêche profonde au chalut, c'est de nouveau le bras de fer entre les lobbies de la pêche et de la grande distribution qui espèrent faire avorter la décision européenne, notamment par l'intermédiaire de la France, et les défenseurs de la ressource halieutique. L'arbitre est encore l'Europe, dont la Commission européenne est favorable à la protection des espèces menacées. Aura-t-elle le dernier mot, comme en février dernier ? On devrait très vite le savoir.
Les énergies renouvelables sont en chute libre en France. Pourtant, selon un sondage Ispos de janvier 2013, neuf Français sur dix sont favorables à leur développement. Photo DR
En 2016, selon un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIEA) publié en juin dernier, les énergies renouvelables produiront deux fois plus que le nucléaire au niveau mondial.
Alors que le nucléaire connaît de nombreux déboires, les énergies renouvelables poursuivent leur croissance inéluctable. Pour l'AIEA, d’ici à 2016, la quantité d’électricité produite par l’éolien, le solaire thermique et photovoltaïque, l’hydraulique et les autres sources renouvelables devrait dépasser celle produite par le gaz… et être deux fois plus élevée que celle produite par le nucléaire. Une évolution observée au niveau mondial et européen, à l'exception notoire de la France.
Les atouts des renouvelables
Le rapport se base notamment sur les estimations de 2012, où la quantité d’électricité produite par les énergies renouvelables dans le monde aurait suffit à couvrir les besoins électriques de la Chine. Les renouvelables bénéficient de deux atouts. Même si les investissements progressent plus lentement dans les pays dits "développés", ils s’accélèrent dans les pays en voie de développement, où près de deux tiers de la croissance des renouvelables est censée se réaliser. Par ailleurs, la compétitivité des énergies renouvelables est de plus en plus reconnue : au Brésil, l’éolien fait désormais concurrence aux énergies fossiles. Enfin, le nucléaire recule dans bon nombre de pays du monde, comme l'Allemagne, qui a lancé sa transition énergétique ou encore les Etats-Unis.
Cascade de fermeture de centrales nucléaires aux USA
La firme Entergy, qui gère la centrale de Vermont Yankee (photo ci-contre), a annoncé en août dernier que cette dernière fermerait définitivement au dernier trimestre 2014. L’unique réacteur de cette vieille centrale implantée dans le Sud de l’État du Vermont était construit sur le même modèle que ceux de Fukushima. Démarrée en 1972, elle avait reçu en 2011 une autorisation pour poursuivre son fonctionnement jusqu’à 60 ans, mais Entergy a finalement décidé d’arrêter les frais : la poursuite de l’exploitation "n’était plus financièrement viable". Il s’agit déjà de la cinquième annonce de fermeture de réacteur aux États-Unis cette année. D’autres pourraient suivre, en raison de la mauvaise santé globale de l’industrie nucléaire outre-Atlantique. En juin, le gouvernement d’Obama a également renoncé à financer la fin des travaux d’une usine de Caroline du Sud destinée à produire du combustible nucléaire à base de plutonium. Autre nouvelle passée inaperçue : devant cette hécatombe, EDF a tout simplement décidé fin juillet de mettre fin à ses activités nucléaires aux USA pour se concentrer sur les énergies renouvelables.
L'énergie éolienne en pointe en Europe
En 2012, la puissance éolienne installée a augmenté de 19 % au niveau mondial, atteignant 282 000 MW (c’est-à-dire à peu près autant que 300 réacteurs nucléaires, sachant que 429 réacteurs sont en fonction au total). On connaît la situation allemande, où les énergies vertes explosent littéralement, mettant en péril le secteur des énergies conventionnelles. Au Danemark, le 9 mars 2013, à 13h34, 93,5 % de l’électricité consommée venait du vent... En Espagne, le 24 septembre 2012, à 3 heures du matin, l’éolien a couvert 64 % de la demande électrique. En janvier 2013, la force du vent a permis de produire 6 329 GWh dans la péninsule ibérique, soit l’équivalent de la consommation de la quasi-totalité des ménages espagnols. Sur cette seule période, l’éolien a représenté 27,3 % de l’électricité produite globalement. Cette production a augmenté de 73,5 % par rapport à la même période, en 2012. Selon les derniers chiffres fournis par Red Electrica de España (REE), l’éolien a constitué la première source d’électricité du pays pendant tout un trimestre - de novembre 2012 à janvier 2013 - une première ! Grâce à des investissements massifs réalisés depuis plus d’une décennie, l’Espagne est devenue la 4ème puissance éolienne au monde, après les États-Unis, la Chine et l’Allemagne.
La chute des renouvelables en France
Au pays du "débat national sur la transition énergétique", l'histoire s'écrit à l'envers. L'Hexagone se distingue : selon le dernier baromètre éolien-photovoltaïque, les raccordements au réseau éolien ont diminué de 26% au premier semestre 2013 par rapport au même semestre de 2012. Pour le photovoltaïque c'est pire : la chute libre des capacités raccordées atteint 73 % ! Et l'horizon n'est pas très clair : le récent rapport de la Cour des comptes relatif à la politique de développement des énergies renouvelables publié le 25 juillet 2013, préconise "l'abandon du soutien au solaire photovoltaïque intégré au bâti et la révision du niveau de soutien public à cette filière". Groupe Solaire de France, entreprise du photovoltaïque résidentiel, se dit pourtant prêt à créer 500 emplois en France dès les prochaines semaines, pour relancer la filière. Elle envisage de relocalise en France l'ensemble de son activité d'appels et de télémarketing, afin de "démontrer que le photovoltaïque français peut rester une filière d'avenir pour peu que les pouvoirs publics lui offrent un cadre législatif stable, propice à son développement".
L'avenir énergétique semble bien appartenir aux énergies renouvelables qui, toujours selon l’AIE, représenteront en 2018 un quart de la production d’électricité mondiale… bien loin devant le nucléaire. Pour l'heure, la France s'exclut du développement économique et industriel et des créations d'emploi qui accompagne cette évolution.
Portique installé pour contrôler le passage des camion dans le cadre de l'écotaxe, La Rochelle, 11 décembre 2012. Photo archives Sud Ouest Xavier Leoty
Le dispositif de collecte de la taxe poids lourds, l'écotaxe, qui devait démarrer initialement le 1er octobre 2013, n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2014 : un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros par an pour l'Etat. Pas vraiment une paille, crise ou pas crise.
Destinée à alimenterl'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) et les collectivités locales, la somme non perçue en raison de ce retard représente 100 millions de plus par mois que l'Etat devra décaisser... Ce n'est pas comme si les infrastructures ferroviaires ou les différents réseaux de transports en commun couraient après des financements introuvables de l'Etat.
Reports en cascade, de 2007 à 2014
Dans le beau royaume de France (parfois, notre République a des côtés très "Ancien régime"), dès qu'il s'agit de décider de mesures à fort impact écologique qui impactent nécessairement les secteurs économiques traditionnels (ici le transport routier), on prend vraiment son temps. Plutôt plus qu'ailleurs en Europe. L'écotaxe est la déclinaison de ladirective européenne "Eurovignettes" de 1999, destinée à externaliser et réduire les impacts environnementaux du transport routier et favoriser le développement du fret ferroviaire. Il y a donc 14 ans de cela.... Le temps de la réflexion, huit ans après, en 2007, le gouvernement Fillon la reprend dans l'un des 237 engagements du Grenelle de l'Environnement. Censée s'appliquer dès 2011, puis à l'été 2012 avant d'être encore repoussée au 1er juillet 2013 d'abord, puis au 1er octobre, l'écotaxe poids lourds devra une nouvelle fois attendre pour être déployée, si tout va bien, au 1er janvier 2014. C'est ce que vient d'annoncer le jeudi 5 septembre l'actuel gouvernement, dans un communiqué commun de Bernard Cazeneuve, ministre délégué au Budget, et deFrédéric Cuvillier(photo ci-dessus), ministre délégué aux Transports.
La faute à Ecomouv ?
Selon le communiqué gouvernemental, l'enregistrement des véhicules assujettis, soit quelque 800.000 poids lourds de plus de 3,5 tonnes français et étrangers, qui a été ouvert depuis le 19 juillet dernier, a révélé « des dysfonctionnements persistants qui doivent impérativement être corrigés avant la mise en service du dispositif ». En gros, le ministère rejette la faute de ce nouveau report sur Ecomouv, la société filiale du groupe italien Autostrade qui a obtenu le contrat d'exploitation du système en octobre 2011. Elle n'aurait reçu que 30.000 dossiers seulement. A peine 20.000 poids lourds sont dûment enregistrés, dont 50 % d'étrangers, a précisé Frédéric Cuvillier qui n'a pas manqué de tacler le gouvernement de Nicolas Sarkozy, en soulignant notamment « le manque de préparation du dispositif et d’anticipation des difficultés sous le précédent gouvernement ». De son côté, Ecomouv se défend et son vice-président, Michel Cornil (photo ci-desss), assure qu'il n'existe "aucun élément qui remette en cause la date du 1er octobre sur un plan technique.
La satisfaction du secteur routier...
Dans ce très classique vaudeville économico-écolo à la française, les professions du secteur routier n'ont jamais caché leur hostilité à une taxe qui vise à entretenir les routes nationales et départementales mais aussi à financer le ferroutage et le transport fluvial, afin de développer les alternatives au transport tout routier, responsable en partie de l'accroissement de nos émissions de gaz à effet de serre, acteurs essentiels du réchauffement climatique. Pour Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), ce report est " une bonne nouvelle", mais "s’il y a des problèmes techniques, les quatre mois ne seront pas suffisants". L’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), qui avait appelé à un boycott des enregistrements, "va demander au ministre la remise à plat du dossier taxe poids lourds en envisageant la dénonciation du contrat liant l’État à Écomouv’." Même son de cloche pour la Confédération Française du Commerce interentreprises, qui conteste le principe même de l’écotaxe, car elle « va créer une situation conflictuelle entre le transporteur et son client ». Quant au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), il évoque pour sa part « un report raisonnable mais des questions toujours en suspens ».
... et l'inquiétude des écolos
Les deux élus écologistes, le sénateur Ronan Dantec (photo ci-contre, vice-président de la commission du développement durable du Sénat, et rapporteur du budget du transport routier dans le cadre de la loi de finances) et le député François-Michel Lambert (vice-président de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale), déplorent de leur côté le nouveau report de l’écotaxe poids lourds. Ils soulignent que "cette taxe doit créer de l’emploi et de l’activité économique en finançant la modernisation ou la création de nouvelles infrastructures de transport". Selon eux, il est plus que jamais urgent de "dégager de nouvelles capacités d’investissement", comme l'illustre "malheureusement le récent accident qui s’est produit à Brétigny sur Orge", dont l’origine, selon eux, "est probablement liée à la vétusté d’une partie du réseau ferroviaire français". Outre l’enjeu de lutte contre le changement climatique qui avait justifié la création de l’écotaxe lors du Grenelle en 2007, dans une optique de transfert modal de la route vers le rail, pour les écologistes, c’est plus largement la question de la modernisation économique de la France qui se pose.
Obligation européenne
Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a pris soin de réaffirmer que "le principe de l'écotaxe n'est pas remis en cause". Il est vrai qu'il peut d'autant moins le remettre en question qu'il s'agit d'une obligation européenne. Une dizaine de pays en Europe tirent satisfaction d'avoir déjà mis en place un système équivalent, comme l'Allemagne, la Slovénie, l'Autriche, la République Tchèque ou la Suisse. Comme dans bien d'autres domaines qui touchent à l'environnement (la qualité de l'air et de l'eau, l'usage des nitrates et des pesticides), la France ne peut que surseoir et reporter l'échéance. Au risque de perdre des millions d'euros : pour l'Etat français, le report de l'entrée en vigueur de l'écotaxe se traduit d'ores et déjà par un manque à gagner de 200 millions d'euros pour son budget 2013. Sur les 300 millions d'euros bruts qui auraient dû être collectés au cours des trois derniers mois de l'année, une partie devait en effet revenir à la société concessionnaire et une autre aux collectivités locales. Pour mémoire, en Allemagne, où le dispositifToll Collect s'est imposé il y a huit ans, en 2005, l'Etat allemand a touché 30 milliards d'euros depuis son lancement.
Lutter contre la concurrence déloyale
Pour ne pas pénaliser les transporteurs, le gouvernement a pourtant prévu dans sa loi du 29 mai 2013, d’imposer des taux de majoration, qui obligent les professionnels du transport à augmenter leur prix. Le ministre fait valoir aussi que l'écotaxe réduit la concurrence déloyale dont souffrent les transporteurs français en y assujettissant les transporteurs étrangers. Comme pour les mesures de réduction de l'éclairage public dans les villes, entrées en vigueur pour économiser l'énergie le 1er juillet dernier, l'écotaxe n'a pas encore démarré que les dérogations affluent. Les camions-citernes transportant le lait en seront dispensés en raison des « difficultés » rencontrées dans ce secteur, quant aux industriels de la nutrition animal, ils demandent le même traitement de faveur...
Faut-il voir dans ce nouveau report de l'écotaxe un mauvais présage pour les autres annonces attendues sur la fiscalité carbone ? Ou l'ajustement d'un projet mal ficelé ? On devrait vite le savoir.
Initiée par la précédente majorité lors du Grenelle de l’environnement, l’écotaxe, dite « taxe poids lourds », doit s’appliquer à tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes (les camions) transporteurs de marchandises, circulant sur le réseau national non payant, selon des barèmes kilométriques. 15.000 kilomètres de routes sont concernées, et les transporteurs devraient débourser au total 1,2 milliard d’euros par an. Le coût moyen de la taxe serait de l'ordre de 12 centimes d'euros par km. Tout sur l'écotaxe : cliquer ICI.
►COMMENT CA MARCHE ?
1. Tous les poids lourds français et étrangers de plus de 3.5 tonnes accédant au réseau taxé seront obligatoirement équipés d'un boîtier électronique appelé "équipement embarqué" (EE). Des points de tarification, ou portiques de détection, sont disposés tous les 4 ou 5 km.
2.Les données de positionnement sont envoyées par satellites. Un signal régulier de l'historique des positions par GSM via le EE permet de calculer la distance parcourue.
3. Les données transmises par les relais GSM et centralisées permettent de calculer le montant à payer. Ce niveau varie selon le niveau d'émissions polluantes du véhicule.