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Politique - Page 250

  • Nucléaire : l'urgence du choix d'une nouvelle stratégie énergétique

     

    rapport,cour des comptes

    Centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne)

    Le rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire, publié le 31 janvier (www.ccomptes.fr), fait s'effondrer le mythe du nucléaire pas cher. Si les Sages de la rue Cambon ne relèvent pas de coûts cachés dans le nucléaire français, ils brisent un tabou. Modernisation et entretien des centrales, gestion des déchets radioactifs, futurs démantèlements : certaines estimations sont entâchées d'incertitudes, mais il est sûr que l'atome coûtera de plus en plus cher.

     49,50 € le mégawattheure nucléaire  (MWh) :  l'éolien est compétitif

    Ces derniers jours, tout a été dit ou presque, plutôt intelligemment d'ailleurs, sur les chiffres donnés dans les 400 pages du volumineux rapport présenté par Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes. En bons écologistes, prenons le temps de revenir sur l'essentiel pour essayer d'en tirer des conclusions "durables".

    • 228 milliards d'euros d'investissements et assimilés valeur 2010, c'est le montant de la note rondelette de la filière, si l'on prend en compte tous les coûts liés à l'atome (de la fabrication d'une centrale à son démantèlelement, en passant par le retraitement des déchets).
    • Les écologistes, qui affirmaient que le nucléaire coûtait plus cher que ce qui était affiché, peuvent crier victoire : la Cour leur donne en partie raison. Le coût courant économique du parc nucléaire, qui n'est pas celui retenu pour les tarifs, mais "permet de faire des comparaisons entre modes d'énergie", s'élève en effet à 49,50€ le MWh. Un chiffre plus élevé que ceux qui circulaient jusque là et, surtout, qui écorne sérieusement le mythe de la sacro-sainte compétitivité du nucléaire par rapport aux énergies renouvelables. Pour Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, la preuve est faite : si le prix du MWh est réévalué de 42 € à 50 € pour le parc existant, et qu'il double pour les EPR pour se situer entre 70 et 90 € : l'éolien est compétitif, contrairement aux arguments traditionnels des pro-nucléaires. D'autant qu'avec ce type d'énergie, le problème du stockage des déchets et du démantèlement des installations ne se pose pas, contrairement au nucléaire.

    Le coût réel du nucléaire sera encore plus élevé

    Démantèlement et gestion des déchets, coûts de renforcement de sécurité et de gestion de crise "post-Fukuhsima", facture de maintenance de réacteurs, Didier Migaud l'a souligné à plusieurs reprise en présentant le rapport, les factures vont s'envoler  : "Les devis en la matière ont généralement tendance à augmenter". D'autant que l'évolution des coûts est parfois mal anticipée par EDF, voire très floue. La Cour des comptes a d'ailleurs demandé des audits complémentaires sur l'impact du démantèlement des centrales et la gestion des déchets.

    • Pour la facture de maintenance des réacteurs, l'augmentation est une certitude : la Cour des Comptes estime que la facture annuelle liée à l'entretien des centrales passera de 1,5 milliards d'euros (2010) à 3,7 milliards d'euros en moyenne d'ici treize ans. Avec les travaux de sécurisation des réacteurs imposés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la suite de la catastrophe de Fukushima, le coût de production de l'électricité augmentera de 10 à 15%, selon Didier Migaud.  On est tenté de dire "au moins", car Michèle Rivasi et l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) pointent l'insuffisance de l'estimation de 10 milliards d'euros faite par EDF pour les installations de sécurisation : elle leur semble sous-évaluée. Le vieillissement du parc électro-nucléaire, si EDF choisit de prolonger leur durée de vie au delà de 40 ans, comme cela semble probable, ne fera qu'alourdir d'avantage la facture.
    • Pour le coût du démantèlement des réacteurs, c'est le grand flou. Pour les 58 réacteurs français, il est estimé par EDF à 18,4 milliards d'euros. Mais la Cour des comptes a refusé de valider ce montant, car elle l'estime peu fiable, faute de retour d'expérience réel en France, et au regard des chantiers de ce type déjà effectué dans le monde. En Grande-Bretagne, le coût du démantèlement des sites nucléaires est ainsi quinze fois plus élevé que l'estimation d'EDF (300 millions d'euros par réacteur)
    • Le stockage des déchets : autre zone d'incertitude. Le coût estimé du projet de centre de stockage en grande profondeur des déchets à vie longue est déjà passé en quelques années de 16 à 36 milliards d'euros...

    En cas d'accident majeur, les centrales ne sont pas bien assurées

    Paradoxalement, on en parle peu, comme si l'enjeu des vies humaines ne comptait pas. Or, c'est peut-être finalement aussi le coeur du problème économique : comment financer les indemnisations en cas d'accident ? On a tendance à l'oublier, mais les centrales nucléaires sont implantées dans des territoires peuplés d'êtres humains... En cas d'accident majeur, des vies humaines seront touchées en grand nombre. Il y aura des victimes à court, moyen et long terme, des activités économiques, agricoles et industrielles seront condamnées, des gens seront déplacés et devront être relogés. C'est ce que le Japon expérimente dans la douleur depuis Fukushima : avec un coût de la catastrophe estimé aujourd'hui à plus de 95 milliards d'euros, sans compter l'indemnisation des victimes, qui fait parler de 600 milliards d'euros. Or EDF avance 80 millions par accident, ce qui est dérisoire et conduirait l'Etat à financer l'essentiel des indemnisations. Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement  le constate "Si les centrales étaient correctement assurées, les montants seraient tels qu'on arrêterait immédiatement d'en construire". On a  là une véritable bombe financière à retardement : croisons les doigts pour qu'elle n'explose jamais en France. Mais qui peut en jurer ? Même l'ASN, nous le savons, ne s'y risque pas.

    Les comptes du nucléaire ne sont pas bons

    Faisons nos comptes. Nous avons donc une énergie nucléaire pas si bon marché que cela, pas beaucoup plus compétitive finalement qu'une énergie renouvelable comme l'éolien. A la différence de celle-ci, elle est potentiellement dangereuse pour la santé humaine et l'environnement, on ne la stoppe pas du jour au lendemain, elle produit des déchets également dangeureux qu'il faut savoir stocker et traiter : elle a et aura des coûts de plus en plus importants. Si l'on reste dans le modèle énergétique français actuel, à production et consommation électrique constante, "Il faudrait construire onze EPR d'ici la fin 2022", souligne Didier Migaud. Soit d'ici dix ans. On connaît les déboires du seul EPR en cours de construction en France  (Flamanville), dont le chantier s'enlise. Un tel effort est jugé "très peu probable voire impossible, notamment pour des considérations industrielles" par le premier président de la Cour des comptes.  Rajoutons aussi considératons financières. Et géographiques. Le territoire est déjà truffé de centrales nucléaires : où loger onze futurs EPR ?

    Faire durer les centrales au-delà de quarante ans, et après ?

    "Cela signifie qu'il est fait l'hypothèse soit d'une durée au-delà de quarante ans (...) soit d'une évolution de mix énergétique vers d'autres sources d'énergie, sans que ces orientations stratégiques aient fait l'objet d'une décision explicite", précise le rapport. "Compte tenu des délais en matière de politique énergétique", conclut-il "ne pas prendre de décision revient à faire le choix de faire durer le parc au-delà de quarante ans".  Car investir dans les énergies vertes et les économies d'énergie prend  aussi du temps. Sophia Majnoni de Greenpeace le regrette aussi : "Par leur inaction, les gouvernements successifs rendent quasi irréversible la prolongation de la durée de vie de nos centrales au-delà de quarante ans".

    Le choix de la raison : décider ensemble d'une nouvelle stratégie énergétique "durable" pour sortir de l'impasse

    Comment ne pas convenir que sortir de l'inaction en la matière est l'urgence absolue d'aujourd'hui pour préparer demain ? Dans cinquante ans, que se passera-t-il, si l'évolution vers d'autres sources d'énergie n'a pas été décidée et préparée aujourd'hui ?  Si nous ne changeons pas nos modes de vie et nos process industriels pour économiser l'énergie ? Pourquoi le modèle allemand, si séduisant pour nos représentants politiques dans tous les domaines économiques et financiers, devient-il farfelu quand il s'agit d'une sortie plannifiée du nucléaire ? Le Japon, lui, est entré dans l'ère post-nucléaire à marche forcée: depuis Fukushima, en moins d'un an, les Japonais ont réduit leur consommation d'électricité de 20 % et arrêtent peu à peu leurs réacteurs nucléaires. Une telle contrainte, c'est quand même pas terrible...

    "Durable". Le mot n'aura jamais autant de sens qu'appliqué à la stratégie énergétique sur laquelle  notre société doit débattre et s'entendre aujourd'hui, pour que nous ayons un avenir demain.

    Cathy Lafon

    EN SAVOIR PLUS

    Consulter le rapport de la Cour des comptes : Cliquer ICI

    "Des centrales appelées à vivre vieilles", Sud Ouest 1er février : Cliquer ICI

  • News fil vert

    le_soleil_2261.jpgL'énergie à la Une de l'actualité

    Chaud devant pour l'énergie en France, demain mardi 31 janvier, dans le solaire et le nucléaire.

    Solaire. Clôture demain, de l'appel à projets portant sur 100 millions d'euros de nouveaux prêts en soutien à l'industrie française dans la filière énergie solaire, pour son développement à l’international.

    Nucléaire. Publication demain également du rapport très attendu de la Cour des comptes sur "les coûts liés au démantèlement des installations nucléaires, au recyclage des combustibles usés, au stockage des déchets, et au contrôle de la sûreté nucléaire".

  • Risques naturels : de nouveaux quartiers à Bordeaux un jour sur pilotis ?

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    Bordeaux, quartier des Bassins à flot. Photo SO/ Stéphane Lartigue

    Le réchauffement climatique en cours multiplie les phénomènes métérologiques extrêmes :  tempêtes, pluies violentes et torrentielles, sécheresses... Et contribue également à la montée du niveau des océans, tout en aggravant l'érosion des côtes. Le premier impact est humain, avec toutes les souffrances qui découlent de ces événements naturels dramatiques : vies supprimées ou radicalement bouleversées. Mais l'accroissement des risques naturels a aussi des conséquences économiques et financières importantes, pour le secteur des assurances, comme pour les collectivités locales et l'Etat : cette problématique est devenue la préoccupation majeure de nombreux élus français.

    Dans ce contexte, comment concilier le développement des territoires et la prévention des risques ? Pour les villes, l'équation n'est pas insoluble: construire autrement sera une réponse appropriée.

    Le risque inondation

    La question était abordée à Bordeaux, les 19 et 20 janvier dernier, dans le cadre des premières assises nationales des risques naturels, en présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie. Élus, État, collectivités, associations et scientifiques ont planché pour réfléchir aux moyens de mieux protéger les populations face aux événements climatiques. En France et dans le grand Sud Ouest, les dernières catastrophes naturelles en date le montrent, le risque inondation et de submersion marine, lié notamment aux tempêtes, est un risque naturel majeur : après les tempêtes Martin (1999) et Klaus (2009), nous avons tous en mémoire Xynthia, qui a ravagé le nord de notre région en 2010 et, par chance, frappé moins durement la Gironde et nos autres départements, sans toutefois les épargner totalement.

    Bordeaux: 16 communes de la CUB concernées par le risque inondation

    Les chiffres sont éloquents: une commune sur trois est en zone inondable en France, soit 17 millions d'habitants, selon le Centre européen de prévention des risques d'inondation (Cepri).  En Gironde, la Communauté urbaine de Bordeaux est particulèrement concernée par le risque inondation : sur les 27 communes de la CUB, 16 sont soumises à ce risque. Dont Bordeaux.

    Après Xynthia, une circulaire du 5 juillet 2011 a durci les autorisations de construire dans les communes soumises au risque inondation : des propriétaires qui avaient des terrains en zone constructible sont aujourd'hui en zone orange et n'ont plus le droit de faire des extensions. Comment éviter que le principe de précaution, qui ne saurait être remis en question, ne gèle certains territoires, dévaluant les biens immobiliers et empêchant l'augmentation de la population ? Comment éviter que les contraintes réglementaires ne dissuadent également les entreprises de s'installer, en freinant le développement économique des territoires ?  Ces questions inquiètent à juste titre les élus locaux, et notamment ceux de la Communauté urbaine de Bordeaux. 

    Repenser l'urbanisme : une responsabilité politique

    Compte tenu de l'évolution du climat, le risque ne va pas diminuer et les réglementations iront en se durcissant. Contester le principe de précaution en le considérant comme abusif, ou espérer des mesures dérogatoires administratives pour continuer à construire comme si de rien n'était, serait une pure perte de temps, en outre moralement et écologiquement condamnable. La solution sera de pévenir et de s'adapter au risque, en repensant les modèles d'urbanisme.  En Allemagne, comme à Hambourg, des quartiers entiers et même des tours de bureaux sont construits sur pilotis. De même aux Pays-Bas, où le système des Waterschappen, et de nouveaux modèles de construction de maisons sur pilotis, amphibies, ou flottantes, préviennent et s'adaptent au risque.

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     Maison sur pilotis, création du studio d'architecte hollandais +31 Architects,  sur l'Amstel à Amsterdam

    La  France doit progresser dans la "culture du risque" et apprendre à construire et à densifier son habitat, en construisant des bâtiments avec des matériaux permettant rapidement un retour à la normale, après des inondations. Ce pourrait être l'avenir des prochains projets urbains de Bordeaux, aux Bassins à flots (rive gauche) notamment, ou dans le secteur autour des débouchés du futur pont Bacalan Bastide (rive droite). Cela suppose aussi de mettre hors d'eau les réseaux électriques, d'assainissement, de télécommunication et d'impliquer EDF, La Lyonnaise des eaux...

    Des habitats "résilients"

    Avec un peu de retard (c'était prévu pour la fin 2011), le ministère de l'Ecologie doit fournir, dans quelques mois, un référentiel technique aux constructeurs pour élaborer des habitats « résilients ». Soit, en langage de tous les jours, des habitats et des équipements capables de retrouver un fonctionnement et un développement normal, après avoir subi une perturbation écologique importante. Quant aux élus locaux, une de leurs responsabilités politiques en matière de développement durable, est bien d'intégrer aujourd'hui les risques dans tous les projets et documents d'urbanisme, dans le cadre des PPRI (plan de prévention des risques inondations) et des PAPI (Programmes d’Actions de Prévention des Inondations). Pour les urbanistes et architectes, ces outils sont indispensables pour l'élaboration de projets immobiliers durables.

    Cathy Lafon

    EN SAVOIR PLUS

    La circulaire du ministère de l'Ecologie  du 5 juillet 2011 relative à la mise en oeuvre de la politique de gestion des risques d'inondation : cliquer ICI

    Le concept écologique de "résilience" : cliquer ICI

     Xynthia, sur Sudouest.fr : cliquer ICI

    Les risques d'inondations pour l'agglomération bordelaise (document CUB,  août 2011) : cliquer ICI

    Précautions aux Bassins à flots de Bordeaux : cliquer ICI

    Le projet Hafencity de Hambourg (Allemagne) : cliquer ICI