La deuxième Conférence de l'environnement s'ouvre aujourd'hui le 20 septembre 2013, pour préparer la France à un avenir durable. Ou pas. Photo DR
La deuxième Conférence environnementale du mandat de François Hollande s'ouvre aujourd'hui à Paris. Au menu : cinq thématiques. En scène : 14 ministres, des centaines de représentants des ONG, des syndicats, des industriels, du monde agricole et des collectivités locale, réunis pour deux jours. Dans quel contexte et avec quels enjeux ? Décryptage.
1.Confusion
A l'heure de l'ouverture des débats, la situation est plutôt confuse. L'ambiance chez les écolos est loin d'être au beau fixe : les reculades successives du gouvernement sur la fiscalité verte et le récent cafouillage sur la taxe diesel inquiètent et font douter. Quant au patronat, il est partagé entre les industriels qui dénoncent les risques de la décroissance et ceux qui voient l'opportunité de développer une économie verte.
2.Cinq thématiques et une taxe carbone
La Conférence environnementale, ce sont cinq tables rondes, qui vont plancher sur l'économie circulaire, les emplois de la transition écologique, la politique de l'eau, la biodiversité marine, mer et océans, et enfin l'éducation à l'environnement et au développement durable. Avec à la clé, de nombreuses questions structurantes pour l'avenir du pays à l'heure de la raréfaction des ressources naturelles et de la triple crise économique, sociale et écologique. Sur le papier, du lourd, du sérieux et du solide. Ce rendez-vous très attendu par les écologistes et les industriels, est aussi l'occasion pour François Hollande et Jean-Marc Ayrault d'annoncer la création d'une "contribution climat-énergie", destinée à taxer les énergies polluantes.
3.Les raisons de l'inquiétude
L'écologie en danger ?
L'annonce, le 11 septembre dernier, de l'abandon de la taxation diesel a mis le feu aux poudres. La reculade a fait dire aux écolos, que, dès qu'il en arrive au stade des décisions importantes, le gouvernement cède au poids des lobbies. Car ce dernier renoncement s'ajoutait à d'autres, qui risquent au final de nous coûter cher : nouveau report de l'éco-taxe poids lourds au 1er janvier 2014, report de la loi sur la transition énergétique qui implique la diminution du nucléaire, recul sur la lutte contre les nitrates...
Un bilan de la Conférence environnementale 2012 très mitigé
Pour l'heure, gavés de belles paroles, les écologistes ont surtout soif de décisions concrètes. Leur bilan de la première Conférence environnementale est plutôt mitigé: peu de satisfactions, beaucoup de regrets et toujours des attentes. Une situation bien résumée par Nicolas Hulot, le représentant de la Fondation éponyme. L'envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète, attend du président qu’il « décrète une mobilisation générale » sur la transition écologique. France Nature Environnement (FNE) appelle de son côté le président à « du concret » avec « des signaux clairs et mesurables ».
« Ce qui manque le plus pour l’instant, c’est une vision »
Il y a un an de cela, en septembre 2012, François Hollande avait promis de faire de la France la « nation de l’excellence environnementale ». On est loin du compte... « Ce qui manque le plus pour l’instant, c’est une vision » et « une cohérence entre les différents acteurs », ajoute Nicolas Hulot, qui estime que la 2e Conférence environnementale devrait être le lieu pour clarifier la fiscalité écologique et la transition énergétique. Selon lui, le gouvernement doit s’engager à revoir de fond en comble la fiscalité en France, et à « soulager la fiscalité qui pèse sur l’emploi pour la basculer progressivement sur la fiscalité écologique ».
Pour Pacal Durand d'Europe Ecologie-les Verts, le compte n'y est pas non plus. Le secrétaire national du partenaire politique du gouvernement s'inquiète: "Au delà des discours tenus par le Président de la République et le Premier ministre, quelles ambitions concrètes sont avancées pour lutter contre la crise écologique et sociale qui se fait chaque jour plus criante ?"
Questions de santé et transition énergétique
Parmi les chantiers délaissés ou non aboutis, les Verts pointent notamment les questions de santé en lien avec l’environnement (perturbateurs endocriniens notamment). Ils déplorent aussi le report de la loi sur la transition énergétique, votée au mieux fin 2014 et s'inquiètent du financement de la future agence nationale de la biodiversité, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2015. On retrouve aussi dans les points noirs, le débat national sur la transition énergétique, qui ne figure pas au menu de la Conférence environnementale. Si la quinzaine de recommandations qui en sont issues doivent être remises, elles ne serviront de base à une loi votée, au mieux, que fin 2014...
4.Satisfactions et attentes
Des satisfactions...
Tout n'est pas si noir au pays du vert. Il y a des satisfactions, au rayon desquelles les ONG citent le débat sur la transition énergétique achevé en juillet, le maintien de l’opposition aux gaz de schiste et à la culture d’OGM, ainsi que les travaux préparatoires à la loi sur la biodiversité et l’interdiction du bisphénol A dans les biberons.
Un plan de rénovation énergétique
Fort opportunément, le gouvernement a allumé un contrefeu à la grogne écolo, hier, en lançant un vaste plan de rénovation thermique destiné à relancer les économies d'énergie dans l'habitat. Et en dévoilant de nouvelles aides et un objectif très ambitieux : 500.000 rénovations écologiques de logements par an d'ici 2017 (contre 150.000 en 2012). La principale mesure annoncée par Jean-Marc Ayrault, concerne une prime accordée aux ménages, pour laquelle "les deux tiers" des Français sont éligibles, selon le gouvernement. Une subvention de 1.350 euros à 3.000 euros sera proposée aux ménages, conditionnée aux ressources. Un bon plan pour la planète et pour le pouvoir d'achat, et un premier pas vers la fameuse transition énergétique, qui repose aussi sur des économies d'électricité et de chauffage...
Et des attentes...
Parmi les cinq thèmes principaux retenus pour la Conférence environnementale, les ONG attendent notamment des annonces de mesures précises sur l’économie circulaire ou la politique de l’eau (protection des captages, lutte contre les pesticides). Les écologistes attendent aussi des précisions sur la taxe carbone version 2013, dont l'annonce a filtré aujourd'hui dans le journal "Le Monde", mais dont les mesures de compensation restent à préciser.
Le véritable enjeu
Que ressortira-t-il de ce grnd brainstorming vert national voulu par François Hollande ? Au moins une chose, espérons le : que le gouvernement et ses partenaires sociaux réalisent enfin que les enjeux de l'écologie sont d'un autre niveau qu'un simple marchandage politique. Les mesures à prendre sont urgentes, pas pour faire plaisir à un partenaire politique, quel qu'il soit, mais parce qu'elles sont nécessaires. Pour notre avenir, celui de nos enfants et celui de la planète. C'est peut-être là que réside le véritable enjeu de ces deux jours de débat.
Cathy Lafon
►PLUS D'INFO
- Les aides prévues par le plan de rénovation de l'habitat. Une subvention de 1.350 euros pour les ménages dont les revenus ne dépassent pas 25.000 euros pour une personne seule, 35.000 euros pour un couple et 50.000 euros pour une famille avec deux enfants. Cette prime est portée à 3.000 euros pour les ménages plus modestes (moins de 26.000 euros pour un couple, 35.000 euros s'il réside en Ile-de-France). Ces derniers sont aussi éligibles aux subventions de l'Anah (Agence nationale de l'habitat), qui peuvent couvrir jusqu'à 50% des travaux.
- Les questions abordées à la Conférence de l'environnement. Comment orienter la consommation et la production vers une économie plus économe et efficace dans l'utilisation des ressources ? Comment anticiper les besoins de formations, accompagner les reconversions de bassins d'emploi et de salariés, améliorer la qualité de l'eau, définir les responsabilités dans la gestion de l'eau, préserver les écosystèmes marins et littoraux et créer les conditions d'une exploitation durable des fonds marins ? Enfin, comment développer, de l'école à l'enseignement supérieur, l'éducation à l'environnement ?
- La taxe diesel. Elle était préconisée par Le Comité pour la fiscalité écologique (CFE), présidé par l'économiste Christian de Perthuis, dans le cadre de la taxe carbone. Classé cancérigène par l'OMS depuis 2012, le diesel est responsable de la mort de 15.000 personnes par an en France. L'évolution de la fiscalité sur ce carburant, avec symétriquement, la baisse des taxes sur l'essence et une réduction de l'écart fiscal entre le diesel et l'essence de 1 centime par an, devait permettre le renouvellement du parc automobile avec des véhicules propre, pour améliorer la qualité de l'air et répondre aux exigences des normes européennes, en échappant aux lourdes amendes qui nous menacent.
- La taxe carbone 2013. Selon "Le Monde", cette taxe serait de 7 euros la tonne de CO2 émise en 2014 (environ 400 millions d'euros), puis passerait à 14,5 euros en 2015 (2,5 milliards) et à 22 euros en 2016 (4 milliards). Elle s'intégrerait aux taxes déjà existantes sur l'énergie (carburants, fioul, gaz, charbon), ainsi qu'à la TGAP payée par les entreprises sur les activités polluantes et à la taxe sur les véhicules de société.