Les livres verts du dimanche : et si on mangeait (vraiment) moins de viande pour sauver la planète ?
Pour essayer d'atteindre l'objectif de Paris (ne pas dépasser les 2° de réchauffement d'ici la fin du XXIe siècle), il faut impérativement manger moins de viande. Et donc plus de légumes. Mais jusqu'à quel point ? Photo AFP
A l'heure du réchauffement climatique, la consommation de viande est devenue une question écologique cruciale, de plus en plus envahissante. Les chiffres et les faits sont bien connus : l'élevage est la deuxième cause, après les combustibles fossiles, d'émissions de gaz à effets de serre et la première en production de méthane. Il est la cause principale de la déforestation. Pourtant, nous continuons à manger de la viande, en contribuant à la perpétuation de l'élevage massif, voire, comme en France, nous en surconsommons, à raison de 80 à 100 kg par an et par personne, alors que 20 kg nous suffirait pour les nutritionnistes. Pour autant, faut-il opter pour un véganisme radical qui interdirait toute consommation d'animal, au risque de soutenir les géants de l'industrie agroalimentaire et de la finance ? Deux livres passionnants, sortis récemment, nourrissent le débat, chacun à leur manière, sur la question "viande".
Ne plus consommer aucun produit d'origine animale avant le dîner
Dix ans après l'immense succès de "Faut-il manger les animaux ?", avec "L'avenir de la planète commence dans notre assiette", le romancier américain Jonathan Safran Foer analyse le rôle de l'élevage intensif dans le réchauffement climatique. Refusant l'inaction comme le catastrophisme, il tire la sonnette d'alarme et se livre à un plaidoyer pour nous engager collectivement à changer nos habitudes (car si nous avons pris conscience du problème climatique, nous peinons à changer notre mode de vie) et à manger différemment. Et en particulier, à ne plus consommer aucun produit d'origine animale avant le dîner.
L'auteur n'est pas un radical, loin de là. Il avoue même qu'il lui est arrivé de manger des burgers, pendant la tournée de promotion de son livre "Faut-il manger les animaux ?", car cela le réconfortait, en faisant appel à des souvenirs heureux liés à son enfance. Mais voilà, l'urgence climatique est devenue notre réalité. La relation entre la nourriture et le climat a été établie par les scientifiques : pour essayer d'atteindre l'objectif de Paris (ne pas dépasser les 2° de réchauffement d'ici la fin du XXIe siècle), il faut impérativement manger moins de viande. Pas d'arrêter totalement de manger du boeuf, ce qui serait irréaliste et n'arrivera jamais, mais seulement de diminuer la viande de 50 % et de manger moins produits animaliers. Avec empathie et humour, l'auteur analyse les défis auxquels nous devons faire faire. Parce qu'il n'est pas trop tard pour inverser la tendance. Et que l'avenir de la planète (le nôtre, en fait), commence maintenant dans notre assiette.
Refuser l'intégrisme végane
Dans "La cause végane : un nouvel intégrisme ?", Frédéric Denhez, spécialiste des questions environnementales, auteur de plusieurs ouvrages sur le climat, la biodiversité, l'agriculture et l'alimentation, enfourche un de ses chevaux de bataille favoris. Quoique très minoritaires, le véganisme et le spécisme, constate-t-il, opposés à la consommation d'animaux, bénéficient de la sympathie du public, devenu sensible à la cause animale et aux impacts écologiques de l'élevage intensif.
Le problème étant que, poussés à l'extrême, ces mouvement anti-viande qui refuse toute exploitation des animaux en soutenant un monde uniquement végétal, ne peuvent résoudre au final les problèmes du climat, alors qu'ils constituent, en revanche, un vrai danger pour l'agriculture, la qualité des sols, et la nutrition. Pire, ils cautionnent et encouragent le développement d'une industrie agroalimentaire chimique, destinée à remplacer la viande émettrice de gaz à effet de serre, par des produits mauvais pour la santé, au seul bénéfice des grands groupes et de la finance mondiale.
Si, à l'inverse de Jonathan Safran Foer, l'auteur (en bon Français amateur de bonne chère ?) défend l'inaliénable valeur "gastronomique" de la viande, il reconnaît pour sa part ne manger lui-même que peu de viande rouge, du poulet et du porc en faible quantité et du poisson un dimanche sur deux, et donc n'ingurgiter une faible quantité de protéines animales. Il fait aussi chorus avec les nutritionnistes qui prônent le régime alimentaire méditerranéen, et insistent pour que l'on réduise les viandes et les poissons, au profit des fruits et des légumes, et que l'on passe des produits transformés aux produits laitiers, et des produits ultra-transformés aux pommes de terre, légumes secs et céréales. "Si l'on boit aussi moins de boissons sucrées et d'alcool, on diminue également le bilan carbone de son assiette de 20%. Et pour pas beaucoup plus cher".
Finalement, ce que Frédéric Denhez réfute, au terme d'une enquête approfondie, c'est "le puritanisme escathologique" porté par le véganisme et le spécisme qui, écrit-il, "veulent imposer leur façon de manger à toute l'espèce humaine", avec "un moralisme sans rapport avec les réalités sociales et écologiques." En toutes choses, le mieux est l'ennemi du bien. Même dans notre assiette.
►A LIRE
- "L'avenir de la planète commence dans notre assiette". Jonathan Safran Foer, Editions de l'Olivier, 22 euros.
- "La cause végane : un nouvel intégrisme ?". Frédéric Denhez, Buchet Chastel, 18 euros.
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