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Nouvelle-Aquitaine: à Chizé, un demi-siècle de « vigie » scientifique de la biodiversité

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Dans la Réserve biologique intégrale de Chizé (Deux-Sèvres). Photo archives Sud Ouest /Laurent Theillet

chizé,cnrs,deux-sèvres,nouvelle-aquitaine,histoireCréer une forêt « sous cloche » pour voir ce que serait la nature sans l’homme, étudier le stress et l’embonpoint des moineaux des villes ou l’hécatombe des tétards décimés par le glyphosate ? Autant de projets et d'études scientifiques conduits par le centre du CNRS de Chizé, dans les Deux-Sèvres, qui tient depuis 50 ans le rôle de « vigie » de la biodiversité.

Véritable lanceur d'alerte pour l'environnement et l'état du vivant sur la planète, le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC) est à notamment à l'origine de l’étude qui a alerté en mars dernier sur l’effondrement « vertigineux » des populations d’oiseaux dans les campagnes, ou encore des travaux sur la désorientation des abeilles qui ont alimenté le débat parlementaire sur les fameux pesticides néonicotinoïdes tueurs d'abeilles.  A leur actif aussi, le « déclin massif » (et encore mystérieux) de la plus grande colonie de manchots royaux au monde, sur les îles Crozet, dans l'Antarctique, diagnostiqué en juillet 2018 et les premières balises Argos miniaturisées posées sur des albatros dans les années 80, à présent perfectionnées au point de traquer les bateaux de pêche illégale dans l’Océan austral.

Au coeur des enjeux environnementaux actuels

chizé,cnrs,deux-sèvres,nouvelle-aquitaine,histoire« Le CEBC est au coeur des enjeux environnementaux actuels, peut-être plus qu’à aucun moment de son histoire », analyse son directeur Christophe Guinet. « Le suivi à long terme, ce justement sur quoi on était critiqués, est devenu un véritable atout. Détecter, alerter sur des changements et décrypter les causes de ces variations. Par exemple, on nous disait "A quoi ça sert d’étudier les serpents, leur population, leur évolution, sinon à se faire plaisir ?" Aujourd’hui, on comprend à quoi ça sert… », explique-t-il. Et ce qui faillit causer sa fermeture dans les années 80 –l’absence perçue « d’originalité », de percées scientifiques spectaculaires– fait aujourd’hui sa force: « des séries démographiques et physiologiques précises sur le long terme », qui permettent de suivre l’évolution des espèces, « à présent qu’on a pris conscience de l’impact des changements globaux ».

Sur les terres de l'OTAN

C’est à la sortie de la France de l’OTAN, en 1966, que le CEBC doit son existence. Dans les années 50, son site était une base de l’Alliance atlantique: 200 hangars à munitions disséminés dans le massif forestier de Chizé, dont les arbres fournissaient un écran en cas de bombardement. En partant, 450 GIs laissèrent derrière eux une forêt enclose de 2.600 hectares, « sanctuaire » de faune sauvage –dont le chevreuil, le sanglier « pur » non hybridé– qui fournit aux scientifiques leur premier terrain de jeu d’écologie appliquée.

Une Réserve biologique intégrale

chizé,cnrs,deux-sèvres,nouvelle-aquitaine,histoireCette forêt est le joyau « à retardement » du CEBC: elle est depuis 2006 une RBI, une Réserve biologique intégrale, l’une des trois grandes en France. Une forêt livrée à elle-même, où l’homme ne va plus, ne touche plus rien (sauf prélever des sangliers, surabondants), où sa trace s’efface, peu à peu. Pour observer l’écosystème à l’état « de nature ». Naturel, vraiment ? « Ce n’est pas une forêt "naturelle" à proprement parler, mais une forêt où un cycle naturel se reforme », précise Xavier Bonnet, herpétologue au CEBC. « Plus on rajoute du temps, plus c’est intéressant. En 10 ans, on commence à avoir des changements. En 20 ans, on commence à avoir des processus ». Rien de spectaculaire à l’oeil du profane, entre les hêtres et chênes en compétition, les arbres tombés qui pourrissent, sous la dense canopée d’une forêt qui « se ferme » peu à peu. Mais « déjà on voit des peuplements d’espèces qui se différencient », assurent les chercheurs.

Signal d'alarme darwinien

Le CEBC et ses 60 chercheurs, étudiants, techniciens travaillent sur trois grands axes: écophysiologie –comment les espèces répondent aux variations de leur milieu–, prédateurs marins, et relations agriculture-biodiversité, dans la plaine céréalière voisine. Et sur ce plan, la vigie, qui se défend pourtant de « catastrophisme », tire un signal d’alarme darwinien: « les espèces sont certes plastiques, adaptables à court terme, et à long terme », rappelle M. Guinet. Mais entre l’habitat dégradé, « rationnalisé », et l’agrochimie massive, « les changements sont d’une telle amplitude, si rapides et simultanés qu’aujourd’hui on dépasse les capacités des espèces à s’adapter, à la fois à court terme et en évolution génétique ».

Cathy Lafon avec l'AFP

Illustrations photos Laurent Theillet / "Sud Ouest", septembre 2018,.

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