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Bordeaux : c'est décidé, le pont de pierre restera fermé aux voitures

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Le 1er août 2017, Vélo Cité fêtait la fermeture du pont de pierre aux voitures. Prise à titre expérimental, la mesure a été pérennisée par Bordeaux ce jeudi 5 juillet 2018. Photo archives Ma Planète

Ce jeudi 5 juillet 2018, à Bordeaux et à deux jours du départ du Tour de France, c'était champagne pour les amoureux de la petite reine et les adeptes des déplacements doux ! 

Alain Juppé, le maire, a en effet annoncé en fin de matinée que le pont de pierre restera fermé aux voitures. Et ce de façon définitive. Une décision politique historique et courageuse saluée en tant que telle par Vélo-Cité, eu égard à la pression exercée par les "pro-voitures" dans le contexte actuel d'asphyxie automobile de l'agglomération, à l'interpellation récente des maires de la rive droite après le retard de livraison du futur pont Simone-Veil (estimé entre 1 et 3 ans) et enfin, à la grogne des commerçants de La Bastide, dont certains avaient fait valoir une baisse de leur chiffre d'affaire depuis la fermeture de l'ouvrage d'art.

Pour ces derniers, la Métropole a d'ailleurs prévu plusieurs mesures afin de faciliter l'accès aux commerces en voiture mais aussi à vélo (possibilité de faire demi-tour sur l'avenue Thiers en arrivant sur la place Stalingrad, stationnement minute, arceaux vélos...) et de leur donner un coup de pouce pour faire leur promotion sur la rive droite, auprès des habitants et des employés des entreprises présentes dans le quartier.

 

Lancée à titre d'expérimentation il y a près d'un an, le 1er août 2007, à l'occasion des travaux de renforcement des piles de l'ouvrage, la fermeture du pont de pierre aux véhicules motorisés (voitures particulières, camions, motos et scooters), axe central de franchissement de la Garonne en plein coeur de ville avait pour objectif affiché de faire la promotion des modes de déplacements alternatifs à la voiture (vélo, piétons, tram, bus) afin de décongestionner la ville. L'idée majeure étant de donner un bon coup de pédale pour accélérer le développement du biclou et de le faire passer à 15 % de part modale d'ici à 2020, comme le prévoit le deuxième plan vélo métropolitain 2017-2020 : "Bordeaux, capitale du vélo", adopté le 21 novembre 2016 par Bordeaux-Métropole.  

Une première en France

Si elle a aussitôt ravi le coeur des cyclistes qui pédalent au quotidien sous le soleil, le vent, la neige ou la pluie, dans l'indifférence générale et dans des conditions de circulation parfois difficiles et pas toujours très sécurisées, la mesure bordelaise, une première du genre en France, aura suscité bien des débats pour/contre, avant, pendant et après. Pensez donc : donner priorité à ces fous de cyclistes qui roulent n'importent comment, alors que les automobilistes, à qui on ne cesse de mettre des bâtons dans les roues, sont obligés de rouler au pas, coincés dans les bouchons ! Bordeaux allait être définitivement paralysée par la thrombose automobile, les travailleurs de la rive droite seraient pris en otages, les commerces de La Bastide allaient mettre la clé sous la porte... Bref, comme lorsque Jacques Chaban-Delmas l'ancien maire de Bordeaux, avait annoncé dans les années 1970, que la rue Sainte-Catherine allait devenir piétonne, c'était la catastrophe annoncée. Et tout ça, pour satisfaire quelques "bobos" paradant sur leur vélo dernier cri, juste pour le plaisir de faire 500 mètres...

Un nombre record de cyclistes 

Finalement, comme on pouvait s'y attendre, rien de tel n'arriva. Au contraire. D'abord, en avril 2017, les "bobos" étaient quand même déjà 7 000 (dont Ma Planète !) à emprunter quotidiennement le pont de pierre, majoritairement pour aller travailler, soit 1 vélo pour 2 voitures, voire même 1 vélo pour 1 voiture aux heures de pointe. Un nombre non négligeable en terme d'usage, quand on sait que le conducteur est en très grande majorité seul dans son véhicule.

9 000 vélos par jour

Grâce à l'interdiction du pont aux voitures, leur nombre a bondi à 9 000 par jour selon les derniers chiffres de Bordeaux Métropole, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2016. Le vendredi 29 septembre 2017, le record du nombre de passages sur le pont à vélo avait été pulvérisé, avec près de 12 400 passages comptabilisés, et des pointes à 18 000 ont été enregistrées certains jours du mois de juin 2018. L'expérimentation s'est aussi accompagnée d'une forte hausse de l'usage des transports en commun et de la marche à pied sur le pont (environ 6 000 chaque jour). Pour sa part, le 4 juillet 2018, Vélo-Cité a comptabilisé plus de 76 000 usagers sur le pont de pierre, dont 10 425 vélos, 7 242 piétons, 977 joggeurs, 157 rollers/skaters, 237 trottinettes, 169 taxis et 57 360 usagers de transports en commun. Résultat : on traverse aujourd'hui plus la Garonne sur le pont de pierre, mais différemment et en polluant moins. Ce qui est quand même une excellente nouvelle. 

Au-delà du symbole

On est d'accord, le pont de pierre, c'est juste un parcours de 500 mètres. Sa fermeture n'a pas dégradé la circulation dans l'agglo, car il ne représentait que 3% de la circulation des ponts. La pollution de l'air n'a pas  non plus disparu par miracle et quand on sait que le trafic automobile global sur la métropole augmente de 2% à 3% par an, on mesure tous les progrès à faire pour permettre aux habitants de se déplacer facilement en posant leur voiture. Mais réserver la chaussée d'un pont emblématique de la ville aux seuls vélos (partagée toutefois avec les transports en commun, taxis et véhicules de secours) et ses trottoirs aux piétons tient bien plus que du symbole et comme l'écrit Vélo-Cité dans un communiqué, "retentit bien au-delà de la Métropole bordelaise".

Signe de reconnaissance

Ca veut dire aussi que, pour une fois, la Ville a fait le choix politique de chouchouter les cyclistes qui pédalent pour l'intérêt général, en leur donnant au passage un grand coup de chapeau pour leur précieux coup de main dans la lutte engagée par l'agglomération contre la pollution de l'air et le réchauffement climatique. Une vraie révolution et un sacré signe de reconnaissance pour leur acte d'engagement pour Bordeaux et la planète !

L'effet pont de pierre

Interdire le pont de pierre aux voitures, visait donc à donner envie aux habitants de faire du vélo en leur permettant de rouler sur ce parcours en toute sécuritéPari gagné : la pratique du vélo s'envole littéralement. A force d'en entendre parler, en bien ou en mal, nombre de Bordelais réfractaires au changement ont finalement voulu tester le pont de pierre à vélo. Ils s'y sont laissé prendre : quand on goûte une fois au vélo, surtout dans une ville aussi plate que Bordeaux, où l'on n'est jamais loin de plus d'une vingtaine de minutes de sa destination, impossible de revenir en arrière... Les 24 capteurs répartis dans différents points stratégiques de la Métropole qui fonctionnent nuit et jours en attestent : leurs comptages font apparaître une très forte dynamique en faveur du vélo, avec une hausse de + 12% de ce mode de déplacement par rapport à 2016. 

Et après ? 

Inutile de préciser que si Bordeaux veut continuer de marquer des points pour endosser le maillot jaune dans le peloton de tête des agglomérations cyclistes  toujours dominé par Strasbourg, elle ne doit pas s'arrêter là. Pour mémoire, 60% des déplacements de moins de 2 km s'effectuent encore en voiture dans l'agglo. Une double aberration écologique et financière pour les automobilistes... Ca tombe bien : d'autres actions sont prévues pour continuer à développer les deux roues, dont l'extension du prêt de vélos à toute la Métropole avec la constitution d'une flotte métropolitaine de vélos électriques et de vélos cargos. Et surtout, côté infrastructures, sont programmés  2,5 millions d'euros de travaux à l'échelle du fameux réseau de voies express dédiées et adaptées aux vélos (REVe)promis en 2012 et dont rêvent tous les cyclistes de l'agglo, plus de 9 millions d'euros d'opérations de voiries dans l'agglomération, et enfin, dans Bordeaux intra-muros, le lancement d'aménagements pour les deux roues sur les boulevards  à l'échelle de plusieurs barrières. Toujours afin d'apaiser la circulation.  

Décidément, à Bordeaux, ça roule pour le vélo... Et dans le bon sens : celui de la modernité et de l'histoire !

Cathy Lafon 

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