Initiative. A Londres, on fait pousser les légumes en hydroponie, dans un abri anti-aérien
Steven Dring, l'un des deux fondateurs du projet « Growing underground » dans la ferme souterraine de Clapham, à Londres. Photo AFP
Transformer les abris anti-aériens en jardins et y faire pousser des fruits et des légumes ? En voilà une bel exemple de recyclage 100% positif ! La bonne idée, ce sont nos amis anglais (sauf au rugby mais ça, c'est une autre histoire) qui l'ont eue. Le quartier londonien de Clapham a ainsi transformé un abri anti-aérien de 10 000 m2, datant de la Seconde Guerre mondiale, en un potager où poussent, à 33 mètres de profondeur, roquette et petits pois, à grand renfort de lumière artificielle. Nom de code du projet : « Growing underground ».
L’abri qui, lors des bombardements allemands, pouvait accueillir jusqu’à 8 000 personnes, est composé de deux larges tunnels semblables à ceux du métro. Une similitude qui ne doit rien au hasard puisqu’il aurait dû, après la guerre, permettre l’expansion de la ligne de métro « Northern » qui relie le nord de la ville au sud, où se trouve Clapham. Concrètement, les couchettes qui accueillait autrefois les habitants durant les bombardements, ont été remplacées par des étagères remplies de plateaux sur lesquelles poussent aussi de la moutarde brune, de la coriandre, des brocolis… Et voilà comment, depuis 2015, l'odeur de buis typique des potagers se dégage de ce jardin souterrain, pour l’instant le seul du genre au Royaume-Uni.
Hydroponie
L'idée des deux fondateurs de cette ferme urbaine nouvelle génération, Steven Dring et son partenaire Richard Ballard, est de créer de nouveaux espaces cultivables urbains pour pouvoir faire face à l’augmentation de la démographie mondiale. Elle fonctionne selon la technique de l’hydroponie, soit la culture sur un substrat neutre et inerte (de type sable, pouzzolane ou encore billes d’argile). Ce substrat est régulièrement irrigué par une solution qui apporte des sels minéraux et des nutriments essentiels aux plantes.
Microverdures goûteuses et locales
Avec ses lampes LED roses enroulées autour des plantes, dont l’intensité varie pour coller aux périodes de la journée, ce tunnel a des airs futuristes. Ce n’est qu’à la nuit tombée que ces LED imitent la lumière du jour car l’électricité y est moins chère. On cultive dans ce jardin d'un nouveau genre en majorité de la microverdure. Les producteurs ne laissent croître les cultures qu’un peu, jusqu’à ce qu’apparaissent les premières feuilles qui sont très goûteuses. Les pousses, qui mettent plusieurs jours à éclore, sont ensuite emballées dans l’abri puis livrées aux clients des restaurants ou les supermarchés Marks&Spencer, qui se montrent plutôt satisfaits du résultat. Sans compter la satisfaction de consommer local.
« L'agriculture verticale » contre le changement climatique
« Growing underground » s'est engouffré dans une tendance qui essaime dans toutes les grandes métropoles du monde, celle de « l’agriculture verticale ». Ce concept a été popularisé par le microbiologiste américain Dickson Despommier, selon qui ce type de fermes économes en eau et en engrais va s’imposer au cours du XXIe siècle, où la population urbaine va encore augmenter. L’agriculture verticale urbaine, qui permet aussi de cultiver des légumes ou des fruits plus gros, se veut également une piste pour affronter le changement climatique. Le centre d’agriculture urbaine de l’université de Nottingham (nord-est de l’Angleterre) énumère sur son site internet les avantages de ce mode de production : « création d’emplois », « réduction des coûts liés au transport », « baisse de la pollution » ou encore « réduction de l’utilisation de l’eau grâce à un système fermé ». Propriétaire de l’abri anti-aérien, qui était à l’abandon depuis 70 ans, l’organisme en charge du transport public dans la capitale britannique (TfL) permet en outre un loyer modéré, 100 fois moins cher qu’une ferme urbaine en surface.
Température idéale 365 jours par an
Autre avantage majeur, notamment en Angleterre : fini les aléas liés à la météo. Avec ce nouveau type de potager, il peut faire beau et chaud tous les jours. Résultat, alors que dans une serre, l’hiver, il faut 25 jours pour faire pousser de la moutarde brune, ici, en faut 10, selon les exploitants de cette ferme utra-durable. Cerise sur le gâteau, « Growing Underground » envoie par ailleurs toutes les données qu’elle collecte à l’université de Cambridge, qui entend créer des modèles afin de déterminer la température idéale pour chaque aliment et optimiser la production.
Prochain défi majeur pour les fondateurs de « Growing underground » : construire une véritable ferme sous Londres. A suivre.
Cathy Lafon avec l'AFP
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