Annonces de Macron pour l'agriculture : changement de philosophie et révolution en vue ?
Emmanuel Macron le candidat d'En Marche! en visite dans une ferme de Mayenne (quart nord-ouest de la France), chez un éleveur de Gennes-sur-Glaize où il a présenté son programme pour l'agriculture, le 28 février 2017. Photo archives AFP
Y aurait-il (enfin) une révolution en vue dans le modèle agricole français ? Le président de la République Emmanuel Macron qui dit vouloir "accélérer la transition agricole", a annoncé ce mercredi 11 octobre une loi visant à rééquilibrer les contrats entre agriculteurs, industriels et distributeurs, pour mieux rémunérer les paysans, tout en assurant une production et une alimentation de meilleure qualité. Mesure phare : un contrat type sera proposé par les agriculteurs et non les acheteurs pour construire des prix qui partent des coûts de production et non l'inverse. La loi consacrant ce changement radical de paradigme interviendra au premier semestre 2018. Elle pourrait prendre la forme d’ordonnances "pour pouvoir aller plus vite et plus fort".
"Je n'ai jamais vu un paysan demander des aides. Je n'ai vu que des femmes et des hommes qui ne comptent pas leurs heures." Emmanuel Macron
Le président de la République a choisi le marché de Rungis pour dévoiler hier les premières mesures issues des discussions des Etats généraux de l'alimentation, une promesse de campagne du candidat à la présidentielle qui reprend une idée de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Elles visent à redonner un peu d'oxygène aux agriculteurs et à mieux organiser leur filière. Ce sera au producteur de proposer à l’industriel un contrat avec un prix tenant compte des coûts de production, et non l’inverse. « Nous modifierons la loi pour inverser la formation du prix qui partira du coût de production », a déclaré le chef de l’Etat à mi-parcours des Etats généraux de l’Alimentation.
Donnant-donnant
Dans son discours, Emmanuel Macron s'est également prononcé en faveur d'un "relèvement du seuil de revente à perte", prix en dessous duquel un distributeur ne peut pas vendre ses produits, afin de lutter contre les prix abusivement bas. En contre-partie, le président a demandé aux agriculteurs "de conclure pour la fin de l'année des plans de filières". Deuxième reforme attendue, il a aussi souhaité des organisations de producteurs, la mise en place d'indicateurs de marché sur les coûts de production et de contrats types par filière, pour que tous les agriculteurs aient accès facilement à ces informations. « Pour peser plus dans les négociations en tirant profit du droit de la concurrence ». « Pour se faire, nous conditionnerons certains dispositifs d’aides à la taille de l’organisation de producteurs » a-t-il affirmé.
Des réactions plutôt positives
Est-ce une première petite victoire du fameux "en même temps" macronien ? Ces dernières semaines, Michel-Édouard Leclerc, le numéro 1 de la grande distribution, avait accusé les États généraux de préparer une hausse "de 5% à 15%" des prix à la consommation, une inquiétude relayée par les associations de consommateurs dont UFC-Que Choisir. Le patron de Leclerc, se dit désormais "soulagé" que le président soit favorable au relèvement du seuil de revente à perte sur les seuls produits alimentaires. La présidente du premier syndicat agricole FNSEA, Christiane Lambert, a salué des "avancées ", en particulier le choix du recours à des " ordonnances " pour " aller plus vite ". Leur côté, Greenpeace et la Confédération paysanne, le syndicat agricole des paysans non conventionnels pour lequel l'"agriculture de qualité se fait dans les fermes, pas dans les usines", ont accueilli plutôt favorablement hier ces mesures qui reprennent notamment la séparation des activités de vente et de conseil des pesticides, réclamés depuis longtemps par les écologistes et les ONG.
Une alimentation "saine, sûre, durable et accessible à tous", avec quels moyens ?
Emmanuel Macron ayant en outre rappelé hier ses engagements de campagne en faveur du bio et du local (50% à la fin de la mandature), les deux organisations voient dans l'esprit des annonces un levier possible pour booster une agriculture sinon 100% bio en tout cas plus saine pour les paysans et les consommateurs. Elles s'interrogent toujours toutefois sur les moyens réels qui seront mis en oeuvre par l'Etat. dans ce cadre. D'autant que le 20 septembre dernier, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, en visite au salon Tech et Bio à Bourg-lès-Valence (Drôme), avait suscité une vive inquiétude de la filière bio en annonçant que l’État allait "recentrer" ses aides sur le soutien aux nouveaux producteurs bio. Soit se désengager des aides au maintien, une part des soutiens versés aux agriculteurs qui veulent passer à une pratique plus respectueuse de l'environnement.
Lors d’une conférence de presse, les 50 ONG réunies sur la plateforme citoyenne EGA avaient fustigé la veille du discours de Rungis un processus "dans lequel les ONG ont l’impression de faire de la figuration", selon Audrey Pulvar, nouvelle directrice de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). Si le discours du président de la République ne lève pas toutes leurs frustrations, les organisation environnementales, exclues de la première phase des débats des Etats généraux, entendent peser davantage lors de la seconde phase qui s’ouvre la semaine prochaine, consacrée à une alimentation "saine, sûre, durable et accessible à tous".
Changement de paradigme et de "philosophie"
Plus globalement, c'est à un véritable changement de paradigme et de "philosophie" qu'a appelé ce mercredi le président. "Nous avons protégé des choix absurdes", a-t-il lancé, citant les poulets produits qui ne sont pas consommables en France ou les oeufs low cost. Il faut "accélérer la transition agricole", "faire pivoter les modèles", a exhorté Emmanuel Macron. "L'Etat ne fera pas tout, c'est vous qui avez beaucoup de choses entre vos mains", a lancé le chef de l'Etat en donnant rendez-vous à la profession dans deux mois pour établir la feuille de route de l’agriculture française. A suivre.
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur l'agriculture bio : cliquer ICI