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Pollutions, flore, faune... Quelles conséquences écologiques des inondations ?

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 Des déchets laissés par la crue, à Montargis, le 7 juin. Photo AFP

Les inondations qui ont ravagé ces derniers jours le nord de la France, dont la région parisienne, ont fait au moins quatre morts, 24 blessés et plus de 43.000 sinistrés. Ils ont aussi causé d'énormes dégâts matériels, dont la facture globale pourrait dépasser 1 milliard d'euros, selon l'évaluation des assureurs.

Catastrophe écologique

La crue a noyé des centaines de communes, des gares, des milliers de commerces et d'entreprises stockant des matières dangereuses et ultra-polluantes, dont certaines classées Seveso. Des milliers d'hectares de terres agricoles sont devenus incultivables, des productions agricoles ont été perdues et la nature a souffert, dans le Centre, le Val de Loire, le Bassin parisien... La flore,  la faune, la nature dans son ensemble ont souffert comme les hommes et les infrastructures de ces inondations d'une ampleur exceptionnelle. Les agences de l'eau, notamment,craignent des risques de pollution de toute nature qui pourraient affecter l'eau potable.

Six questions pour faire le point sur les conséquences d'une catastrophe naturelle qui est aussi une véritable catastrophe agricole et écologique.

1.Quels sont les types de pollutions constatées à ce jour ?

Les gros rejets de nature industrielle ont été évités car « les événements ont été bien anticipés », notamment du côté des sites Seveso, selon la Direction de la prévention des risques (DGPR) au ministère de l’Environnement. Ainsi telle usine de vitro-céramique utilisant de l’arsenic pour fabriquer ses verres a pu mettre ses fûts à l’abri.

Mais le débordement de cuves de fioul de particuliers ou de carburants de stations-service, et les fuites d’huiles de garages inondés ont généré de nombreuses fuites d’hydrocarbures, notamment à Nemours, mais pas seulement. A La Ferté-Alais, dans l'Essonne, la station du supermarché, inondée, déversait en début de semaine des hydrocarbures dans la rivière Essonne. Autre source d’effluents polluants, les stations d’épuration qui ne sont plus en état de fonctionner. Aussi très surveillé, dans l’Essonne, un ancien site industriel, celui de Rodanet, où 500 tonnes de déchets toxiques, enterrés à quelques mètres de profondeur, pourraient polluer la rivière, et affecter le captage d’eau potable.

Bric-à-brac flottant

Bric-à-brac flottant, mobilier urbain, dépôts d'ordures, sauvages ou officiels, sacs poubelles, bouteilles en plastique, emballages, stocks d'engrais chimiques et de pesticides, fuites d’huiles usagées ou d’hydrocarbures, sédiments contaminés… les inondations devraient ainsi entraîner de multiples pollutions, des sols comme des eaux, dont le niveau reste encore à évaluer. Dans le Sud-Ouest, lors de la crue du gave de Pau, en 2013, une décharge avait été emportée et des tonnes de détritus de toute sorte s'étaient entassés, enchevêtrés avec des troncs d'arbres arrachés sur les piles des ponts, jusqu'à Lourdes. D'autres encore, notamment, des poches plastiques, étaient restés longtemps accrochés dans les branches des arbres sur les berges du gave.

2.Que faut-il surveiller ?

Parmi les phénomènes à surveiller, le déplacement de polluants qui tendent à se fixer sur les sédiments charriés par les courants. Notamment les métaux lourds, les PCB ou certains hydrocarbures, déposés au cours du temps sur les sols avant de se retrouver dans l’eau à la faveur d’une inondation. Où sont-ils transportés? "Quand le courant diminue, les particules les plus lourdes se déposent sur les bords du fleuve ou au fond. Les plus fines continuent à couler avec le fleuve. Et on va en retrouver vers l’aval, probablement d’ici quelque temps dans l’estuaire de la Seine", explique à l'AFP Marina Coquery, chimiste de l’environnement à l’institut de recherche Irstea.

"Marée de déchets"

Jacky Bonnemains, le président de l'association écologiste Robin des bois qui vient de publier l'"Atlas de la France des toxiques", redoute pour sa part qu'"une marée de déchets solides" s'échoue dans les mois qui viennent sur le littoral, dans la baie de Seine, entre Cherbourg et Dunkerque et évoque un possible risque ultérieur de contamination du milieu marin et de traces de pollution bactériologique des plages comme Trouville ou Deauville.

3.Y a-t-il menace sur l’eau potable?

i dans certaines communes, le 3 juin,  l'eau du robinet était devenue impropre à la consommation en raison des inondations, les pouvoirs publics se veulent rassurants, car les sources d’eau potable sont surveillées de près en permanence, tout en recommandant la vigilance.  A Paris, la situation "n’affecte pas l’approvisionnement en eau potable" souligne ainsi Eau de Paris. Dans la capitale, 50% de l’eau vient de sources souterraines situées à plus de 100 km et filtrées par le sol; 25% de la Marne. Et "il n’y a eu aucun problème pour traiter" les 25% restant issus de la Seine, souligne Célia Blauel, adjointe chargée de l’environnement. Quant à l’eau du fleuve, elle devrait retrouver son état pré-crue d’ici 3 à 4 semaines, espère l’élue, qui relève que l’événement ne bouleverse en rien le projet visant à y permettre la baignade dans la Seine dès 2024.

La ministre de l’environnement Ségolène Royal, qui craint, "avec le ruissellement de l’eau, des pollutions de toute nature", a toutefois demandé un état des lieux des pollutions aux Agences de l’eau.

4.Comment agir contre ces pollutions?

La Direction de la prévention des risques (DGPR) au ministère de l’Environnement a averti qu'il faudrait mener rapidement toutes les opérations de nettoyage, car les inondations draguent beaucoup de choses, y compris de la matière organique. Et une fois ce nettoyage général engagé, il faudra veiller à ne ne pas laisser les déchets s’accumuler.  Une polémique s'est toutefois installée concernant la prévention du risque inondation. Yves Madeline, président du Groupement d’intervention post-catastrophe (Geide, industriels du traitement des déchets), dénonce l'"inertie" des pouvoirs publics face aux recommandations des professionnels: "On avait préconisé de rendre obligatoire l’amarrage des cuves dans les caves en zone inondable!" Traiter l’eau polluée, "c’est très difficile", dit-il: "L’eau peut être récupérée, notamment celle avec du fioul. Mais il y a tellement de m3 que l’essentiel s’en va et retourne à la Seine, au Loiret et à la mer".

5.Quels impacts sur la faune ?

De nombreux poissons sont morts, emportés par les flots et le débordement des eaux sur les routes, comme cette carpe en train de se débattre sur le pavé des rues de Montargis dont l'image a fait le tour du Web vendredi dernier. Les inondations ont aussi fait des ravages chez les oiseaux, en pleine période de nidification. Beaucoup de nids de mésanges, de merles, d'alouettes et d'autres espèces vivant à proximité des rivières et des fleuves ont été noyés. Allain Bougrain-Dubourg, le président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) estime que la crue a détruit l'équivalent d'une année de reproduction.

6.Et sur l'agriculture ?

Les agriculteurs touchés par les récentes inondations ont demandé à l'Etat de déclarer l'état de calamité agricole pour bénéficier du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) chargé de compenser les pertes sur des cultures pour lesquelles ils ne sont souvent pas assurés. Pour les maraîchers, c'est "la pire saison" pour un tel sinistre car ils ont une récolte en terre et sont en train de semer ou planter les récoltes de l'été et de l'automne. Les vignobles  n'ont pas été touchés par les inondations mais ont beaucoup souffert de la grêle et/ou du gel 15 jours avant et espèrent aussi un déclenchement de plan calamité agricole, en Bourgogne, en Beaujolais, mais aussi en Charente (Cognac-Jarnac) (5.300 hectares ont été détruits) et dans le Madiran (quelques centaines d'hectares). Sur 800.000 hectares de vigne en France, seuls 15% ont une assurance vis-à-vis des aléas climatiques.

Cathy Lafon avec l'AFP

►EN CHIFFRES

  • En France, 15.000 communes sont soumises au risque inondation.

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