Pollution de l'air : les pesticides contribuent à l'asphyxie planétaire des villes
Selon Airparif, l'air de Paris contient autant de pesticides que celui de la campagne francilienne. Photo archives AFP
Environ 80% des gens vivant dans des zones urbaines, soit 8 citadins sur 10, sont exposés à des niveaux de qualité de l'air ne respectant pas les limites fixées par l'Organisation mondiale de la santé, selon une étude publiée ce jeudi 12 mai.
Quelle est la nature de la pollution de l'air et quelles sont les villes les plus touchées, en France et dans le monde ? Pourquoi retrouve-t-on aussi les pesticides et les produits phytosanitaires de l'agriculture au banc des accusés de la pollution de l'air, aux côtés du transport automobile, des rejets industriels et du chauffage ? Le point.
D'où vient la pollution atmosphérique ?
La pollution de l'air ambiant est due à des concentrations élevées de petites particules (MP10) et de particules fines (MP2,5) comprenant des polluants comme le sulfate, les nitrates et le carbone noir, émises par le transport routier, l'industrie, les habitations et les activités domestiques (chauffage, cuisine) et l'agriculture.
Avec quel risque sanitaire ?
Ce type de pollution est le risque environnemental n°1 pour la santé. Elle augmente le risque d'accident vasculaire cérébral, de cardiopathie, de cancer du poumon et de maladies respiratoires aiguës, notamment d'asthme, et cause plus de trois millions de décès prématurés chaque année dans le monde, souligne l'OMS. Notamment chez les personnes les plus vulnérables, les plus jeunes, les plus vieux et les plus pauvres.
Qui est concerné ?
"Si toutes les régions du monde sont touchées, les habitants des villes à revenu faible sont ceux qui en subissent le plus les conséquences". L'OMS
La pollution de l'air touche tout le monde sur la planète. Mais pas de la même façon. Dans les mégalopoles, ce n'est plus un scoop. Chacun a en tête les images des grandes villes comme Pékin, en Chine, ou encore de New Delhi, en Inde, et Paris, en France, noyées dans une brume de pollution. La récente étude de l'OMS permet d'en savoir plus sur la répartition du phénomène dans les différentes régions du monde. Les chiffres, alarmants, montrent que ce sont les habitants des pays les plus pauvres qui trinquent : 98% des villes de plus de 100.000 habitants dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ne respectent pas les lignes directrices de l'OMS relatives à la qualité de l'air. Dans les pays à revenu élevé, ce pourcentage tombe à 56%.
Un phénomène en augmentation
D'après les experts, qui ont comparé les niveaux de particules fines dans 795 villes de 67 pays, les niveaux mondiaux de pollution atmosphérique en milieu urbain ont augmenté de 8% entre 2008 et 2013. Les niveaux les plus élevés de pollution atmosphérique ont été observés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire de la Méditerranée orientale et de l'Asie du Sud-Est, où les niveaux annuels moyens sont souvent cinq à dix fois supérieurs aux limites fixées par l'OMS. Les pays à revenu faible de la région du Pacifique occidental les suivent de près.
Quelles sont les villes les plus polluées ?
D'après un tableau dressé par l'OMS, Ryad, Delhi, le Caire et Pékin figurent ainsi parmi les villes où l'air est le plus chargé en particules MP10. En Europe, les niveaux de concentration de petites et fines particules sont pratiquement les mêmes à Londres et Genève, alors qu'ils sont légèrement plus élevés à Paris et Rome, note l'OMS. En France, c'est Pantin (Seine-Saint-Denis) qui arrive en tête des villes les plus polluées, selon la base de l'OMS , avec un taux de concentration moyenne annuelle de particules fines de 36 microgrammes par mètre cube, suivie de Villeurbanne dans la banlieue lyonnaise (30), Marseille (29), Paris (28) et Lyon (22).
Et les pesticides ?
La plupart des sources de pollution de l'air en milieu urbain ne proviennent pas des particuliers, certifie l'agence onusienne, mais en premier lieu des émissions des cheminées industrielles et les transport routiers. Aussi, l'OMS recommande-t-elle d'accroître l'utilisation des sources d'énergie renouvelable, et de privilégier les transports en commun rapides et les réseaux de pistes cyclables. Peut-être conviendrait-il aussi de réduire l'usage des pesticides. Car on le sait peu, mais les produits chimiques utilisés pour les activités agricoles, au printemps notamment, sont une source de pollution majeure de l'air que nous respirons.
L'air de Paris, pollué par les pesticides autant qu'à la campagne
Pour le mesurer, à Paris, l'observatoire Airparif a mesuré durant une année les concentrations des substances chimiques larguées dans l'atmosphère francilienne par les fongicides, insecticides et autres engrais. Surprise: en 2014, dans la capitale, mégalopole bétonnée à mille lieues de tout champ cultivé, on a respiré autant de pesticides qu'à la campagne, dans la zone rurale agricole de Bois-Herpin (Essonne) ! Sauf que, hélas pour la santé des Parisiens, ces molécules viennent s'ajouter aux particules fines de la pollution automobile et industrielle que l'on ne respire pas à la campagne... Une partie importante de ces molécules trouvées à Paris, proviennent de la volatilisation qui s'opère lors des épandages d'herbicides effectués par les agriculteurs franciliens. Elles se cumulent avec les insecticides et acaricides utilisés en ville et aux désherbants chimiques utilisés dans les jardins.
Et en Gironde ?
Au vu des résultats de l'étude de cas parisienne, on voudrait bien savoir ce qu'il en est en Gironde, qui achète 2.700 tonnes de pesticides par an, aux substances chimiques potentiellement cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, utilisés dans le département essentiellement pour la viticulture. Quel impact ont ces produits phytosanitaires sur la pollution de l'air des villes girondines comme Bordeaux ? De même, qu'en est-il ailleurs dans la région de l'atmosphère des agglomérations des différents départements agricoles (Landes, Lot-et-Garonne, Dordogne, Charente...)?
Les pesticides ne s'arrêtent pas à la rocade bordelaise
Interrogée à ce propos le 15 février dernier par Ma Planète, l'agence Airaq, l'équivalent d'Airparif en Aquitaine, expliquait que l'étude CARA (pour CARActérisation des particules), menée depuis plusieurs années, avait permis de faire ressortir certains éléments concernant les pics de pollution printaniers et l'impact des activités agricoles sur la pollution de l’air.
Des polluant, "aérosols d'origine secondaire"
Selon les résultats obtenus par Airaq, le trafic et le chauffage au bois n'auraient qu'une faible part de responsabilité (respectivement 7% et 6%) dans l’apparition de ces épisodes. En revanche, on relève la prépondérance des aérosols d’origine secondaire (jusqu’à 75%), qui se forment à partir de polluants gazeux présents dans l’atmosphère se recombinant sous forme particulaire. Par exemple, explique Airaq, "le nitrate d’ammonium va se former à partir de l’ammoniac, issu de l’agriculture et notamment des engrais et d’acide nitrique provenant des oxydes d’azote, principalement émis par le transport routier". Mais en Aquitaine, toujours selon l'agence régionale, "ces polluants, bien que présents dans l’air ambiant, le sont à des concentrations beaucoup plus faibles que les particules (de l’ordre du ng/m3, soit environ 1.000 fois moins que les particules). Ce qui fait que ce ne sont pas ces polluants issus des pesticides qui sont responsables des niveaux de particules".
Pas de normes sanitaires et environnementales pour les émissions dues aux pesticides
Enfin, Airaq souligne qu'"il n’existe pas à l’heure actuelle de règlementation concernant les pesticides présents dans l’air". C'est la raison pour laquelle l'agence pour la qualité de l'air dans la région ne les mesure pas en continu comme elle le fait pour "les particules, les oxydes d’azote ou encore l’ozone qui disposent eux de normes sanitaires et environnementales". Les lignes vont-elles bouger ? Dans le cadre du nouveau Plan National Santé-Environnement 2015-2019, Airparif explique que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a été saisie sur ce sujet. Par ailleurs, assure l'agence francilienne, "les récentes recommandations de la Cour des Comptes préconisent de confier cette surveillance aux Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) comme Airparif, qui travaillent sur ces questions depuis de nombreuses années". Et bien sûr, comme Airaq.
Vu les effets toxiques de ces produits sur la santé, pour notre santé, une telle évolution serait une vraie bonne nouvelle.
►REPERES
- En France, la pollution de l'air cause 40.000 morts prématurées par an et fait perdre aux Parisiens 6 mois de leur espérance de vie. En 2013, l'OMS a classé la pollution de l'atmosphère parmi les causes directes du cancer.
►PLUS D'INFO
- L'étude de l'OMS du 12 mai 2016 : "Les niveaux de pollution atmosphérique en hausse dans un grand nombre de villes parmi les plus pauvres au monde", cliquer ICI
- L'étude d'Airparif : "Pesticides des villes, pesticides des champs", cliquer ICI
- La synthèse CAR d'Airaq : cliquer ICI
- Les études spécifiques d'Airaq sur les pesticides : cliquer ICI
- Les polluants émis par l’agriculture en Aquitaine sur le site d'Airaq : cliquer ICI
- La carte interactive d'Airaq sur les émissions par secteur, polluant et par territoire : cliquer ICI
►LIRE AUSSI
- "Irrespirable, des villes au bord de l'asphyxie ?" : une enquête choc diffusée sur Arte
- Les articles de Ma Planète sur la pollution de l'air : cliquer ICI
- Les articles de Ma Planète sur les pesticides : cliquer ICI