Pollution de l'air: la France fait partie des régions du monde où elle tue le plus
La carte de la pollution de l'air publiée par la Nasa, septembre 2013 DR
Les cours de géographie vont devoir intégrer une nouvelle carte du monde plutôt sinistre: réalisée par la Nasa, elle présente les endroits sur la planète où la pollution de l’air tue le plus, au premier rang desquels la France. En cause : l'industrie, la circulation automobile, le chauffage... Corrélée au réchauffement climatique, loin de s'améliorer, la situation ne cesse de se dégrader en Asie, en Afrique et en Europe.
2,1 millions de morts par an dans le monde
Une étude américaine publiée en juillet 2013 par IOP Science sur le journal en ligne "Environmental Research Letters", estimait que la pollution de l’air serait à l’origine de la mort d’environ 2,1 millions de personnes dans le monde chaque année, soit 470.000 par an. L'équipe de Jason West, un spécialiste de l’observation terrestre rattaché à l’université de Caroline du nord, mettait le changement climatique au banc des accusés, car il décuple l'impact des principaux responsables : l’ozone et les particules fines en suspensions dans l’atmosphère. En se basant sur cette étude, la Nasa a publié en septembre une carte du monde d'un nouveau genre qui permet de se faire une idée de l'évolution de la pollution de l'air causée par les activités humaines, en la mesurant, de 1850 à 2000. Pour la représenter, les scientifiques ont compilé six modèles informatiques différents.
En marron, ça se dégrade, en bleu, ça s'améliore
On peut lire la carte de l'agence américaine comme une radiographie de l'impact direct sur la santé des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des particules qui polluent l'atmosphère. GES en constante augmentation depuis les débuts de l'ère industrielle, période à partir de laquelle l'influence de l'homme sur le système terrestre serait devenue prédominante au point d'en modifier le climat. En marron, on repère les endroits où surviennent le plus de morts prématurées liées à la mauvaise qualité de l’air – jusqu’à 1.000 morts par an et par 1.000 km² dans certaines régions du globe – et en bleu, les rares endroits où la qualité de l’air s’est améliorée : les quantités de fines particules en suspension y ont diminué au cours des 160 dernières années, en raison d'une réduction des émissions à l'échelle locale.
Les pays les plus industrialisés
Sans surprise, les régions du monde les plus concernées sont parmi les plus industrialisées de la planète : l’Europe centrale dont la France, l’Inde, la Chine, l’Indonésie et le Japon. Certaines, plus rares, ont, à l’inverse, connu un recul de la mortalité sur la période étudiée : le centre de l’Amérique du sud et le sud-est des Etats-Unis. Une amélioration qui s’explique, dans cette dernière zone, par une baisse des émissions liées à l’industrie et des incendies depuis le milieu de XIXe siècle.
En Europe, la France est en première ligne
Régulièrement pointée par l'Europe pour ses dépassements de seuil autorisés en matière d'émissions de gaz à effet de serre, la France est logiquement classée par la Nasa parmi les pays les plus affectés. En dépit des pressantes mises en demeure européennes, depuis ces trente dernières années, la pollution de l'air n'a presque pas baissé dans l'hexagone qui reste aussi sous la menace d'une lourde amende de l'Europe : on parle de 100 millions d'euros et de 240.000 euros de pénalité par jour de retard....
Pourquoi ?
Le pays est l'un des rares grands Etats européen à n'avoir pas su notamment mettre en place de zones de circulation à basse émission de CO2 ou de péages urbains "anti-pollution" : dernier épisode en date, le projet des Zapa (zones d'actions prioritaires sur l'air), finalement jeté aux oubliettes par le gouvernement actuel. L'agglomération bordelaise, qui fait partie des quinze grandes zones urbaines de France à dépasser régulièrement les seuils de pollution autorisés, étudiait encore la question en décembre 2012... Depuis, en février 2013, les PPA (Plans de protection de l'atmosphère) de François Hollande ont succédé aux Zapa de Nicolas Sarkozy. Sans que l'on puisse dire aujourd'hui ce qui a vraiment changé en bien depuis.
42.000 morts par an en France, dont 150 à Bordeaux
Pourtant, la pollution de l'air, due en grande partie à la circulation automobile, causerait 42.000 morts prématurées chaque année en France, dont environ 150 décès par an à Bordeaux. L'augmentation des maladies respiratoires, plus ou moins graves, chroniques ou non, est responsable dans la capitale de l'Aquitaine d'une diminution moyenne de l'espérance de vie de 5 mois. Telles sont les conclusions du projet Aphekom, qui a évalué de 2008 à 2011 les répercussions de la pollution de l'air sur la santé publique dans douze pays européens et en particulier dans neuf grandes villes françaises.
Le diesel, parmi les premiers responsables
Ce n'est plus un scoop : le diesel, l'une des principales sources de microparticules et d’oxydes d’azotes, reste majoritaire dans le parc automobile française et, au lieu de diminuer, continue d'augmenter. D'où les projets de "taxe carbone diesel", destinés à taxer davantage ce carburant ultra-polluant de manière à récupérer des financements susceptibles d'aider les Français à renouveler leurs véhicules. Sachant qu’il faut près de 20 ans pour renouveler un parc automobile, il y a comme qui dirait plus qu'urgence. On connaît le sort de la fameuse "taxe diesel", noyée lors de la Conférence environnementale de septembre dernier dans un fumeux plan de "fiscalité verte"...
Ah, ce chauffage au bois !
Autres sources de pollution, dans une bien moindre mesure, le chauffage au bois et les émissions des avions à proximité des aéroports. Si elle est loin d'être la plus urgente, la lutte contre la pollution du chauffage au bois qui, on s'en doute, n'est sûrement pas le premier mode de chauffage en zone urbaine, est paradoxalement la plus avancée. Sur les conseils de l'Ademe, on la réduit par l'usage de granulés compactés plus propres, par de nouveaux inserts à bois ou poêles qui permettent des combustions complètes, et aussi, plus simplement, par des procédés d'allumage de feu qui dégagent moins de CO2. Quant aux émissions des avions... Bien fol celui qui s'y attaquera !
Dans ce contexte, la carte de la Nasa sonne comme un rappel à l'ordre : la pollution de l’air provoque une perte d’espérance de vie, une augmentation des accidents cardio-vasculaires et des maladies respiratoires. A cela s’ajoutent les effets à long terme sur les risques de cancer, d’accidents vasculaires et de thrombose. Ces impacts ont été observés dans toutes les grandes villes françaises. Y compris à Bordeaux.
►A ECOUTER
- "Quels sont les pays où la pollution fait le plus de victimes?" France Info, le 9 octobre 2013
►PLUS D'INFO
- Consulter les études sur la pollution de l'air dans les grandes villes françaises dont Bordeaux : les résultats d'Arkephom ont été repris par la Dreal Aquitaine, dans son Etude sur l'impact sanitaire de la mise à 2x3 voies de la rocade bordelaise publiée le 21 novembre 2012.
►TOUT SUR LES ZAPA ET LES PPA AVEC MA PLANETE : cliquer ICI