Cinéma : avec "Interstellar", l'écologie a la tête dans les étoiles
"Autrefois, on regardait vers le ciel et on s'interrogeait sur notre place dans les étoiles. Maintenant, on regarde seulement par terre et on s'inquiète de notre place dans la poussière", murmure Cooper, le héros incarné par le prodigieux Matthew McConaughey. Photo production "Interstellar"
Après plus de 10 ans de voyage dans l'espace, le petit robot Philae a été largué ce mercredi par la sonde Rosetta sur la comète "Tchouri", vieille de plus de 4,5 milliards d'années. Et nous voilà en train de rêver le nez dans les étoiles sur un incroyable exploit réalisé à plus de 500 millions de kilomètres de la Terre, qui pourrait nous permettre de mieux comprendre l'origine de la Terre et l'apparition du vivant sur la planète bleue.
Par une drôle de coïncidence, les Etats-Unis et la Chine, les deux pays les plus gros pollueurs au monde ont annoncé le même jour et pour la première fois en ce qui concerne la Chine, leur intention de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de développer les énergies renouvelables. Un accord historique pour limiter le réchauffement climatique et stabiliser le climat sur la planète à +2°C d'ici à 2100.
Certes. Mais pourquoi relier ces deux événements et quel rapport y a-t-il entre la conquête spatiale et l'écologie ? La réponse est dans le dernier film de Christopher Nolan, "Interstellar", sorti dans les salles de cinéma le 5 novembre dernier.
Un film de science-fiction écolo
Plus qu'un simple blockbuster de science-fiction américain, "Interstellar" est l'un de ces films complexes à tiroirs dans lesquels Christopher Nolan excelle. Le thème en est simple, voire simpliste : dans le futur, une mission astronautique de Terriens part pour explorer une autre galaxie à la recherche d'un nouveau monde habitable pour l'humanité qui a tellement pressuré les ressources de la planète Terre que cette dernière ne peut plus les nourrir. Dans ce futur, la planète a plus besoin d'agriculteurs que d'ingénieurs, dans un monde desséché et ravagé par des tempêtes de sable incessantes, où les plantes meurent les unes après les autres du mildiou, condamnant les êtres humains à mourir de faim et d'asphyxie.
Respirez !
Voilà pour le scénario, digne d'un bon film de science-fiction écolo. Un motif suffisant pour aller voir "Interstellar". Mais ne baissez surtout pas la garde et accrochez vous bien à votre fauteuil : les affaires se compliquent dès les premières minutes où Nolan remet en question la perception linéaire que nous avons du temps. Des juxtapositions d'images tournées dans ce futur, proche de la catastrophe écologique majeure, et présent de la narration du film, et de témoignages de Terriens ayant survécu à la dite catastrophe, recueillis dans le futur de ce futur, mettent aussitôt dans l'ambiance : qu'est-ce qui est "avant", qu'est-ce qui est "après" ? Qu'est-ce qui est de l'ordre du flash back ? De quel présent et de quel futur nous parle Nolan ? La réponse nous sera donnée au bout de 169 minutes de péripéties interstellaires et de voyages dans le temps à couper le souffle, avec en point d'orgue, la vertigineuse traversée d'un trou noir (photo ci-dessus) à une vitesse qui dépasse celle de lumière...
La relativité du temps
Après "Inception" où les rêves s'emboîtaient les uns dans les autres, tels des poupées russes, dans "Interstallar" ce sont les espaces temps qui se déplacent et se décalent dans l'univers intersidéral jusqu'à ce que le temps présent dans une autre galaxie que la nôtre (où une heure égale 7 années en temps terrestre) fasse intrusion dans le temps passé terrestre via le passage dans un trou noir, en donnant à l'humanité la clé de sa survie future... Les théories de la relativité, de la dilatation du temps et de la gravitation sont au centre du film. On n'en dira pas plus, pour ne pas dévoiler tous les mystères d'"Interstellar", mais sachez qu'il ne suffit pas d'avoir appris que E= mc2 pour naviguer aisément dans le film. Le premier exploit de Nolan est de parvenir à nous faire regretter de ne pas avoir choisi d'étudier l'astronautique et la physique quantique... Si l'on comprend parfaitement le premier niveau de l'intrigue magistralement racontée par le film, comme toujours avec Nolan, le diable est dans les détails et c'est précisément cela qui met nos neurones en ébullition. Longtemps après être sorti du cinéma, on continue fébrilement à recouper ce que l'on a vu pour tenter de saisir toutes les subtilités temporelles d'une histoire en 4 dimensions.
Protéger l'incroyable miracle de la vie sur la planète Terre
La seule certitude que l'on retire de ce film à grand spectacle et très cérébral, c'est que Nolan nous délivre à sa façon un message écolo. On a beau multiplier à grand frais les voyages dans l'espace et les explorations d'autres planètes, on n'a toujours pas trouvé dans la galaxie l'équivalent d'une autre planète habitable comme la Terre.
Alors, au lieu d'en arriver à être contrainte de quitter la Terre pour échapper à la catastrophe écologique majeure qu'elle a elle-même provoquée, pour un hypothétique nouveau monde dans une lointaine galaxie, l'humanité doit avant tout prendre soin de sa maison pour que les générations futures puissent continuer à y vivre. "Home sweet home !": si rien n'interdit d'aller voir ailleurs, la Terre est notre maison. Et à ce jour, nous n'avons toujours pas trouvé dans l'univers un écosystème équivalent à celui de la planète bleue qui a réuni toutes les conditions pour l'apparition de la vie. A nous de savoir la protéger. Ce qui n'est sûrement pas plus difficile que d'envoyer des hommes sur la Lune ou un robot sur une comète...