Initiative. Canibal, la machine qui donne une deuxième vie aux gobelets plastique
Benoît Paget, cofondateur, devant des machines Canibal, le 22 mai 2015. Photo AFP
Chaque année en France, cinq milliards de gobelets en plastique viennent gonfler la masse des déchets ménagers. Depuis 2009, une start-up française pionnière, Canibal, les recueille dans des machines intelligentes et les recycle en revêtement de sols, mobilier de bureau ou rebord de piscine. Une première mondiale.
Satané gobelet !
Très léger (4 à 8 grammes) et composé d’un mélange de polypropylène ou de polystyrène réputé impossible à recycler, le gobelet en plastique est un véritable fléau écologique. Il n’est pas trié et chaque année, 1,6 milliards d'exemplaires de cet objet, l'un des plus courants de notre quotidien, finissent incinérés et 2,4 milliards enfouis avec d’autres déchets. Encore des chiffres ? En France, chaque seconde, nous en jetons 150 soit 4,73 milliards par an, et ils mettent 500 ans à se disparaître... A titre de comparaison, une brique de lait a une durée de vie de 5 mois, un filtre à cigarette de 1 à 5 ans, un chewing-gum, de 5 ans, une canette en acier, de 100 ans. Le gobelet en plastique bat même à plate couture le sac en plastique, bientôt interdit en France et réputé pour ses qualités hautement et durablement polluantes : il ne dure "que" 450 ans.
La réponse : Canibal
« Il est universel, on l’a tous en main au moins une fois dans la journée, sur notre lieu de travail et en même temps, il est perçu comme très polluant », Benoît Paget, co-fondateur de la société Canibal (acronyme de « cannettes mises en balle »)
Forts de ce constat, Benoît Paget et son associé, Stéphane Marrapodi, ont mis au point, après quatre années de recherche et développement – en collaboration avec l’école des Arts et Métiers Paris Tech – une machine unique au monde, un collecteur à ordure dédié aux emballages de boissons consommés de façon « nomade » (c'est-à-dire absolument partout) : bouteilles en plastique, cannettes en aluminium et gobelets en plastique. Le nom de guerre de cette machine "cannibale" : Canibal, qui est aussi l'acronyme de « cannettes mises en balle » et le nom de leur société. Le seul contenant qu'elle ne dévore pas, c'est le verre, qui a déjà sa propre filière de recyclage bien installée.
Valoriser les gobelets en plastique : une innovation
La collecte, le tri et le recyclage des bouteilles en plastique et des cannettes en aluminium ne datent pas d'hier. Ces contenants polluants disposent de filières de recyclage bien adaptés à leur cas. Revendu 600 euros la tonne, le polyéthylène des bouteilles sert à produire de nouvelles bouteilles. De leur côté les cannettes, broyées, deviennent des paillettes d’acier et d’aluminium dont la valeur s’élève respectivement à 100 euros et 1.000 euros la tonne. Mais seule la société Canibal, qui emploie 17 personnes, travaille à valoriser les gobelets en plastique, recueillis par son collecteur.
Comment ça marche ?
A première vue, Canibal ressemble à un distributeur de boissons vert pomme. Sauf qu'au lieu d'y mettre des sous pour obtenir une boisson, on y jette le contenant de la dite boisson, une fois qu'on l'a bue. On a pu voir la machine à Paris, où elle était testée à la gare Saint-Lazare, en novembre dernier. Une fois récoltés, les tonnes de gobelets en plastique seront ensuite recyclées en Caniplac, un éco-matériau que viennent de faire breveter ses inventeurs. D'un aspect volontairement brut, il servira à fabriquer du mobilier de bureau, des revêtements de sols ou encore des objets usuels, comme des pot à crayons et des poubelle.
"Quand vous mettez un gobelet dans une machine Canibal, il redevient un produit fini", résume Benoît Paget. C'est bien l'idée. On n'est toutefois pas dans "Charlie et la chocolaterie", ni chez Milka: une fois le gobelet avalé, le pot à crayons ne jaillit pas de la machine... Il y a bien sûr tour un travail intermédiaire à accomplir sur la matière à recycler avant de produire du Caniplac (photo Canibal ci-contre).
Combien ça coûte ?
La machine et le service de collecte associé sont facturé 499 euros mensuels, ce qui n'est pas donné. Avec une plus large diffusion, les prix tomberont. Mais une batterie de tests préalables sont encore nécessaires.
Où trouve-t-on Canibal ?
La PME france-îlienne qui emploie 17 personnes, a déjà recueilli 20 tonnes et 5 millions de gobelets en 2014. Cent machines sont déjà installées dans des entreprises, souvent des multinationales. Canibal table sur 200 clients fin 2015, et 300 – le seuil de la rentabilité sera alors atteint – l’année suivante. Cet été, des machines Canibal feront leur apparition dans des festivals de musique, gros consommateurs de gobelets. Du moins pour ceux, de plus en plus rares, qui ne pratiquent pas la consigne de gobelets - généralement 1 euro - siglés de leur logo. Venue d'Allemagne, la bonne pratique lancée en France il y a une dizaine d'années, a mis fin au spectacle apocalyptique des lendemains de concert où le sol était jonché de milliers de cadavres de gobelets en plastiques. Canibal vise aussi les gares et les aéroports. Ses concepteurs ont pensé à tout: la machine, dotée d’un écran sur le flanc, peut aussi devenir un support d’information et de publicité, à la demande des clients.
Ludique, récompensante... et 100 % "Made in France"
Poubelle intelligente, Canibal est une machine digitale et interactive : à chaque déchet déposé dans sa trappe, l’écran affiche un bandit manchot et fait participer l’utilisateur à une loterie où il peut remporter un panier bio, un coupon utilisable à la cafétéria… ou faire un don à une ONG. Avec son côté ludique, Canibal veut faire du geste de tri un geste plaisir. Le concept de la machine incite aussi plus largement les utilisateurs aux gestes "écolos" : "Avez-vous pensé à éteindre la lumière en sortant ?" ou "Pourquoi ne pas opter pour l’escalier au lieu de l’ascenseur ?", lit-on sur l’écran. Autre qualité écologique, Canibal est "locale" : entièrement "Made in France", la machine gloutonne de plastique est fabriquée par un cluster de PME et assemblée par la filiale française du japonais Toshiba, à Dieppe.
Multi-primée pour cette innovation, elle a notamment reçu le 3e prix au dernier concours d'invention Lépine, début mai, la société Canibal qui vient de réaliser une levée de fonds de 3 millions d’euros, recherche des partenaires pour se développer à l’étranger. Doté d'un appétit féroce, Canibal se voit bien gagner les Etats-Unis, où l'attend un gigantesque gisement de 224 milliards d’emballages de boissons consommés hors domicile, chaque année. Un eldorado du gobelet plastique. Miam.
Cathy Lafon avec l'AFP
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23%. Le chiffre fait mal. A peine un quart des emballages plastique sont recyclés en France après le tri. L'Hexagone,mauvais élève de l'Europe, a choisi de se limiter aux bouteilles et flacons, qui représentent 40% des emballages plastique et actuellement, seul un flacon sur deux est recyclé. Tel était le premier bilan de l’expérimentation pilotée depuis 2012 par Eco-Emballages et impliquant 51 collectivités et 3,7 millions de Français. Pour faire mieux, il est envisagé de collecter à terme tous les plastiques et pas seulement les bouteilles et flacons.
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