Quand les émissions de CO2 explosent, les océans s'acidifient
La barrière de corail en Australie, l'une des merveilles du monde, menacée par la pollution. DR
Sous l'effet de l'augmentation de la pollution au CO2, les océans s'acidifient à vitesse grand V. Leur pH a diminué en moyenne de 26% au cours des 200 ans dernières années, en absorbant plus d’un quart des émissions de CO2 émises par les activités humaines. Un phénomène qui va se poursuivre et s'amplifier, selon un rapport scientifique publié le 8 octobre dernier.
Une vitesse sans précédent
Dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (CDB), une trentaine de chercheurs, dont le Français Jean-Pierre Gattuso, océanographe et directeur de recherche au CNRS, ont passé en revue des centaines d’études existantes sur ce phénomène pour rédiger une synthèse présentée à Pyeongchang (Corée). Ce rapport souligne la gravité du phénomène – sa vitesse est sans précédent -, ses impacts très variés et le fait qu’il va se poursuivre dans les décennies à venir.
Des impacts massifs sur la biodiversité marine
« Il est maintenant inévitable que d’ici 50 à 100 ans, les émissions d'origine humaine de dioxyde de carbone vont encore augmenter l’acidité des océans à des niveaux qui auront des impacts massifs, le plus souvent négatifs, sur les organismes marins et les écosystèmes, ainsi que sur les biens et les services qu’ils fournissent », écrivent les scientifiques. Entendez : les poissons qui nous nourrissent et l'activité de la pêche, qui fait vivre un secteur de l'économie mondiale.
Certaines espèces plus sensibles que d'autres
L’acidité des océans varie naturellement au cours d’une journée, des saisons, à l’échelle locale et régionale et également en fonction de la profondeur d’eau, précisent-ils, avant de prévenir que « les écosystèmes et les habitats côtiers subissent une plus grande variabilité que ceux situés en haute mer ». Des travaux ont par exemple montré que la fertilisation de certaines espèces est très sensible à l’acidification des océans, et que d’autres y sont plus tolérantes. Les coraux, les mollusques et les échinodermes (étoiles de mer, oursins, concombres de mer, etc.) sont particulièrement affectés par ce changement qui réduit leur rythme de croissance et leur taux de survie. Certaines algues et micro-algues peuvent en revanche en bénéficier, comme certains types de phytoplanctons.
Impacts socio-économiques
Le rapport met en avant les impacts socio-économiques déjà visibles dans certaines régions du monde: sur l’aquaculture dans le nord-ouest des Etats-Unis ou sur la culture d’huîtres, un peu partout dans le monde. Les risques pesant sur les barrières de corail des zones tropicales sont aussi « une grande préoccupation, car les moyens de subsistance de quelque 400 millions de personnes dépendent de ces habitats », avancent-ils. Lieu de vie pour pour les poissons et la faune marine, les barrières de corail sont aussi des remparts naturels qui protègent les plages des vagues lors des tempêtes.
Il y a 65 millions d'années, les océans acidifiés responsables d'une extinction massive
Pour les paléontologues qui essaient d'expliquer la dernière crise d'extinction massive, survenue il y a 65 millions d'années, à la fin du crétacé, l'acidification des océans est sur la sellette. Selon les conclusions de chercheurs japonais, l'impact de la météorite de Chicxulub, qui s'est abattue sur la péninsule du Yuacatan, dans l'actuel Mexique, a bien balayé, notamment, les dinosaures de la surface de la Terre. Mais elle aurait aussi provoqué une acidification de la couche supérieure des eaux océaniques, en vaporisant des roches riches en soufre qui auraient produit un épais nuage de trioxyde de soufre, qui, mélangé à la vapeur d'eau de l'atmosphère aurait à son tour déclenché des pluies d'acide sulfurique à la surface de la Terre. Un phénomène probablement responsable de l'extinction de nombreuses espèces marines, estiment les scientifiques dans le numéro de mars 2014de la revue Nature Geoscience.
Le rapport met en lumière la complexité des réponses biologiques à l'acidification des océans et la difficulté à estimer les coûts écologiques et financiers associés. Ce qui ne fait pas l'ombre d'un doute pour les chercheurs, c'est « que seule une réduction des émissions de CO2 permettra d’enrayer ce problème». En 2013, elles ont battu de nouveaux records.
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