La polyculture permet d'économiser l'eau utilisée pour irriguer les champs. Photo archives Sud Ouest / Nicolas Le Lièvre
Peut-on trouver des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique en contrant ses effets négatifs, qui peuvent, par exemple, faire chuter le rendement des récoltes en cas de sécheresse, tout en limitant l'utilisation des engrais chimiques ? La question agite le monde agricole, confronté au premier chef à ce triple défi.
Vive l'agroécologie !
Bonne nouvelle, pour la planète, les agriculteurs et les consommateurs : selon les scientifiques, la réponse est oui, et elle passe par "l’agroécologie", cette agriculture plus respectueuse de l’environnement qui favorise la biodiversité dans les parcelles cultivées. Tels sont les résultats d'une étude réalisée par des chercheurs en Ecologie fonctionnelle du CNRS de Montpellier, associés à l'INRA, qu'a publiée, le 30 mars 2015, la revue "Nature Plants".
Diversité génétique des plantes
"Nos travaux montrent qu’augmenter au contraire le nombre d’espèces, améliore en moyenne le rendement des cultures sans besoin d’engrais, surtout en cas de sécheresse", explique Cyrille Violle, biologiste au CEFE et lauréat d’un ERC Starting grant 2015. "Opter au sein d’une même espèce pour plusieurs individus génétiquement différents (génotypes), favorise la stabilité du rendement d’une année à l’autre", ajoute-t-il.
La méthode
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont suivi en parallèle pas moins de 120 mini-parcelles expérimentales de 1,2 sur 1,3 mètres, dans lesquelles ils ont cultivé pendant un an et demi, cinq espèces fourragères (luzerne, trèfle blanc, ray-grass, dactyle, fétuque) soit ensemble (polyculture), soit chacune toute seule (monoculture). A chaque fois, chaque espèce était représentée par un, cinq ou dix génotypes. De manière à étudier tous les cas de figure climatiques et météorologiques, les mini-parcelles étaient soit irriguées, soit soumises à des évènements de sécheresse.
La polyculture, championne du rendement
Résultats: les polycultures ont eu en moyenne un rendement meilleur que les monocultures. Surtout en conditions de sécheresse, où l'amélioration du rendement est allé jusqu'à + 800 g/m2 de surface cultivée, contre + 200 g/m2 en conditions irriguées. De plus, plus les parcelles contiennent de génotypes différents pour une même espèce, dix au lieu d'un seul, et plus la stabilité du rendement est importante. Pour les chercheurs, la présence de plusieurs espèces sur une même parcelle permet, en effet, de mieux exploiter les ressources du sol, ce qui explique le meilleur rendement obtenu par les polycultures. "Les plantes n’extraient pas l’eau et les nutriments à la même profondeur dans ce sol", explique Cyrille Violle. Quant au rendement plus stable grâce à plus de génotypes, "un cocktail de différents génotypes augmente les chances qu’au moins l’un d’eux résiste mieux en cas de sécheresse et diminue ainsi les risques d’une baisse du rendement global", conclut le scientifique.
Abandonner les pratiques agricoles actuelles
Concrètement, cette étude suggère ni plus ni moins d’abandonner les pratiques agricoles actuelles héritées de l’après-seconde guerre mondiale qui consistent majoritairement à cultiver sur de grandes parcelles des plantes génétiquement identiques. Et de revenir aux pratiques anciennes, tout en profitant des avancées bénéfiques apportées par les connaissances actuelle en matière d'agronomie, qui ne cessent de progresser.
Finalement, dans l'agriculture comme dans bien d'autres domaines, on est gagnant dès lors que l'on respecte la logique de la nature. Encore faut-il bien en comprendre les mécanismes.
Cathy Lafon
Illustrations : les parcelles cultivées dans le cadre de l'étude sur les apports de la polyculture et de la diversité génétique des plantes, photos Dominique Denoue (INRA, Lusignan)
#maplanète #COP21
►PLUS D'INFO
- Pour lire l'étude "Complementary effects of species and genetic diversity on productivity and stability of sown grasslands" réalisée par Ivan Prieto, Cyrille Violle, Philippe Barre, Jean-Louis Durand, Marc Ghesquiere et Isabelle Litrico, publiée dans Nature Plants le 30 mars 2015 : cliquer ICI
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