EPR : "simple ajustement" ou éventuelle "catastrophe industrielle" ?

Jusqu'où ira l'EPR de Flamanville ? Photo AFP
Décidément, la ministre de l'Ecologie en pince pour l'EPR. Suite à l'anomalie de fabrication détectée sur la cuve du réacteur nucléaire de troisième génération construit par EDF et Areva et pointée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Ségolène Royal garde son enthousiasme intact."Le chantier de l'EPR de Flamanville (Manche) "n'est pas condamné", a-telle assuré ce dimanche, sur France 5, parlant de simples "ajustements de travaux" à faire. Genre, juste un bloc de Lego à vérifier et/ou à remplacer. La foi, sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, de la charbonnière.
Anomalie "sérieuse de fabrication"
Pour l'ASN, l'anomalie qui concerne la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve du réacteur est pourtant une anomalie "sérieuse" de fabrication. Areva, qui a fabriqué la cuve, doit proposer des essais complémentaires visant à cerner "l'importance de l'anomalie, essayer de la qualifier et de voir quels impacts elle a potentiellement sur la sûreté", selon Pierre-Franck Chevet, son président. Si la fragilité de la cuve était avérée, elle pourrait en effet se fissurer et occasionner de graves fuites radioactives. Cela représente "un très gros travail de plusieurs mois" a-t-il insisté en soulignant que cette autorité administrative indépendante entend se forger une "conviction très forte" avant de trancher sur le dossier.
"Non, il n'est pas condamné"
"Non, l'EPR n'est pas condamné", a martelé pour sa part avec vigueur sur France 5 la ministre de l'Ecologie et de l'Energie. De son côté, EDF, sur la même longueur d'onde que Ségolène Royal, a rappelé dans un communiqué diffusé dans la soirée que "dans l'état actuel des informations disponibles", le "chantier de l'EPR de Flamanville se poursuit". Et toc. Une pierre dans le jardin d'Europe Ecologie-les Verts dont la patronne, Emmanuelle Cosse, réclamait, également le même jour, mais sur Europe 1, l'arrêt du chantier.
La transparence, "un progrès extraordinaire"
"Les Français peuvent être rassurés au sens où l'ASN dit les choses", a estimé la ministre, vantant un "système français transparent (...) et ça, c'est quand même un progrès extraordinaire". Ah bon, parce qu'avant, il n'y avait pas de transparence concernant l'industrie de l'atome en France ? "Cela permet au parlement de faire des auditions, au gouvernement d'exiger des évaluations, des tests complémentaires, ce qu'Areva s'est engagé à faire", a-t-elle poursuivi, rappelant que "Ce sont des travaux extrêmement complexes (..) et comme dans tous les travaux industriels, même ceux menés en dehors de la filière nucléaire, il y a des ajustements en cours de travaux". Merci, on avait quand même compris qu'on n'était pas en cours de travaux manuels et on se doute bien qu'un réacteur de 3ème génération, c'est un poil plus compliqué à fabriquer qu'un chasse-moustiques...
"Les choses sont dites"
Selon la ministre de l'Ecologie qui apprécie le pragmatisme et dont on sait qu'elle aime que les choses soient claires, "la clarification est faite, les choses sont dites, il y a un complément d'examens, de tests qui vont avoir lieu, dont les résultats seront rendus publics à l'automne prochain, et ensuite les travaux reprendront". Voilà tout. Point final. Fermez le ban.
La Chine s'interroge
Mais les Chinois qui ont acheté deux EPR à la France et qui sont, comme chacun le sait, peu regardants sur l'environnement et la sécurité des populations, adorent en revanche, "chinoiser". Aussi, l'Empire du milieu qui n'a pas tout-à-fait le même point de vue sur la question que la ministre de l'Ecologie, Areva, ou EDF, veut-il lever les doutes sur la sûreté des EPR français. "La Chine ne chargera pas de combustible dans ses deux réacteurs de type EPR construits par le Français Areva tant que tous les doutes, quant à la sûreté des équipements, ne seront pas intégralement levés", a annoncé en fin de semaine dernière le ministère chinois de l'Environnement.
Le scénario du pire doit être envisagé
Le simple bon sens, pourtant si cher à Ségolène Royal, ne commande-t-il donc pas au gouvernement d'envisager aussi l'hypothèse du pire, juste au cas où ? Si les essais complémentaires, menés par EDF et Areva d'ici à octobre sur la pièce défectueuse, ne répondent pas aux normes requises par la nouvelle réglementation sur la sûreté des équipements nucléaires, il faudra bien enlever la cuve installée à Flamanville pour la refaire. Un très gros Lego, chacun en conviendra. Ou bien, abandonner le chantier qui a déjà coûté plus de trois fois plus cher que prévu (8,5 milliards d'euros aujourd'hui), et qui accuse un retard de 5 ans. Quant au client chinois de l'EPR, qui représente 9% du marché d'Areva, on peut parier qu'il sera légèrement agacé.
Comme l'écrit le quotidien Les Echos de ce lundi, à propos de l'EPR et Areva : "Une catastrophe industrielle ne peut plus être totalement exclue". Et cela, c'est on ne peut plus clair et pragmatique.
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur le nucléaire : cliquer ICI

Dans un communiqué, l'ASN précise que des tests réalisés fin 2014 par le groupe nucléaire ont démontré "la présence d'une zone présentant une concentration importante en carbone et conduisant à des valeurs de résilience mécanique plus faibles qu'attendues". Pas franchement rassurant : la cuve d'un réacteur nucléaire est un équipement particulièrement important pour la sûreté, puisqu'elle contient le combustible...
Dans un communiqué, Ségolène Royal, la ministre de l'Ecologie du Développement durable et de l'Energie, qui avait juré, en 2011, "Moi, j'arrête Flamanville", dans l'hypothèse où elle accèderait à l'Elysée, a déclaré "prendre acte du rapport de l'ASN sur cette anomalie" et a demandé à "AREVA d'y donner, sans délai, les suites qui s'imposent". En clair, un nouveau contrôle sur les équipements de l’EPR de Flamanville et de nouveaux essais. La ministre a dit "attendre les résultats de ces nouveaux essais qui se feront sous le contrôle de l'ASN, de l'
Cette nouvelle anomalie apporte du vent aux pales des éoliennes d
Après Fukushima, l'ASN a durci les exigences de sécurité des centrales nucléaires françaises. A charge pour Areva et l'opérateur EDF de les intégrer. Pour la réalisation, ça coince parfois. Ainsi à Blaye, le site nucléaire girondin (ci-contre), le réacteur 3 arrêté en maintenance depuis l'été dernier ne redémarre toujours pas. Les trois nouveaux générateurs vapeurs n'ont pas pu être montés car l'ASN a recensé plusieurs écarts par rapport aux "règles essentielles de sécurité". Le surcoût du retard pour EDF : 1 million d'euros par jour de production d'électricité manquante qui s'ajoute aux 42 millions d'euros de la visite décennale et au coût des trois générateurs de vapeur (112 millions d'euros).
A Fukushima, un périmètre de 20 km autour de la centrale a dû être évacué (photo ci-contre) et, depuis l'accident du 11 mars 2011,au Japon, les communes concernées doivent désormais préparer une évacuation sur 30 km, un rayon plus large que prévu par les plans antérieurs, plans qui se sont avérés inopérants face à l’ampleur de la catastrophe. Reste que leur concrétisation s’avère complexe. En Europe, quand ils existent, les périmètres d’évacuation varient d’un à 20 km et ceux de distribution préventive d’iode de cinq à 50 km. Au Japon un village situé à cette distance de la centrale accidentée de Fukushima a dû étre évacué.
Des mesures insuffisantes, selon le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, qui reconnaît que "les principes d’élaboration des PPI et les périmètres associés doivent être réexaminés". L'Association
Les centrales elles-mêmes sont-elles parées au risque d'accident ? Beaucoup en doutent depuis l’exercice de crise improvisé demandé par des parlementaires lors d’une visite surprise à
La France a toutefois progressé sur deux points depuis 20 ans, nuancent des élus qui veulent cultiver l'optimisme. En témoigne la création après Fukushima des
Par ailleurs, depuis 2011, tous les départements doivent avoir leur stock d’iode à distribuer sur tout leur territoire. Dans le Haut-Rhin, par exemple, les lieux de stockage sont multiples. En Moselle, les comprimés sont regroupés à moins de 15 minutes de la centrale de Cattenom. Dans la Manche, en revanche, ils sont près de Saint-Lô, à une heure et demie de route de Flamanville. En cas d’accident, une fois les comprimés acheminés dans le canton concerné, il revient aux maires d’avoir une liste de volontaires pour les distribuer. « Les maires en sont pénalement responsables. Ils peuvent se retrouver face à un tribunal comme celui de la Faute-sur-mer », affirme