André Cicolella, photo archives Sud Ouest/Stéphane Lartigue
André Cicolella, le président du Réseau environnement santé, présente aujourd'hui en Gironde son dernier ouvrage, "Toxique Planète, le scandale invisible des maladies chroniques", publié aux éditions du Seuil.
Deux rencontres sont prévues avec le toxicologue à l'origine de l'interdiction du bisphénol A dans les biberons et les contenants alimentaires, de l'interdiction du trichloréthylène dans les pressings ou de la prise de conscience des effets de l'aspartame. La première à 15h00 à la librairie La Machine à lire, à Bordeaux, la seconde à 19h30 à Libourne, au Grand Café de l'Orient, pour un débat avec Caroline Chenet-Lis, agricultrice à Saujon, Charente Maritime et vice-présidente de l’Association Phyto-victimes, dont le mari est décédé à cause de l'emploi de pesticides.
La progression exponentielle des maladies chroniques et des cancers en France
Aujourd’hui, selon le chercheur, deux décès sur trois dans le monde sont le fait des maladies chroniques : maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, cancers, diabète... En France, ces maladies progressent quatre à cinq fois plus vite que le changement démographique. Les cancers déferlent : 1.000 nouveaux cas surgissent toutes les vingt-quatre heures en France. Une progression de 89% entre 1980 et 2006. Le cancer touche un homme sur deux et deux femmes sur cinq et les coûts générés font imploser les systèmes de santé. En 2015, 70% des dépenses de la Sécurité sociale iront à la prise en charge de ces maladies chronique, non transmissibles, qui continuent leur irrésistible progression.
Halte aux idées reçues
Dans son dernier livre, André Cicolella lance l'alerte. Ces maladies chroniques en expansion ne sont ni un simple effet du vieillissement, ni une fatalité : notre environnement moderne est en cause. Des milliers de molécules chimiques l’ont contaminé mais aussi la malbouffe, la sédentarité, la pollution urbaine, le travail précaire et stressant et les inégalités au Nord comme au Sud. Durant quarante ans, le toxicologue a récolté et analysé des monceaux de données statistiques. Ce qui lui permet de battre en brèche bon nombre d'idées reçues. L'augmentation des maladies comme les cancers n'est pas due au seul vieillissement de la population. Au contraire, le cancer du sein, par exemple, touche des femmes de plus en plus jeunes. De même, les Français ne sont pas tous égaux devant le risque de la maladie. Selon les régions et les départements où l'on habite, on est plus ou moins exposés à telle ou telle pathologie.
La pollution de notre environnement est en cause
Si tel est le cas, c'est bien parce que le contexte environnemental, selon André Cicollela, serait à l'origine de plus de 50 % des cancers constatés. Les émissions toxiques d'origine agricole, avec l'usage des pesticides notamment, les pollutions industrielles ou urbaines, souvent invisibles, avec les particules fines émises par les moteurs diesel, varient fortement d'une région à l'autre. Ce qui expliquerait pourquoi, par exemple, dans les départements agricoles et viticoles, les taux de certains cancers sont supérieurs à la moyenne nationale : en Aquitaine, le chercheur note ainsi une grande prévalence des cancers et surtout des tumeurs cérébrales, sans doute due aux pesticides. Mais aussi pourquoi, les maladies respiratoires sont en expansion dans les grandes zones urbaines. Ou encore pourquoi l'infertilité en France augmente à la vitesse grand V : 14 % des couples ne pouvaient concevoir après douze mois sans contraception en 1991, ils sont aujourd'hui de 18 % à 24 %. Selon une étude française publiée en 2012, la diminution du nombre de spermatozoïdes pour un homme de 35 ans a baissé de 32,2% de 1989 à 2005...
Pour l'économie et notre bien-être
La médecine sous nos latitudes soigne de mieux en mieux, et c'est tant mieux. Mais à l'heure où l'on tente à tout prix de préserver notre système de santé et de sauver l'Assurance-maladie, plutôt que de réduire les dépenses en dé-remboursant tel ou tel médicament ou de sabrer dans les financements de l'hôpital, ne vaudrait-il pas mieux s'attaquer aux causes de ce qui constitue une véritable "catastrophe sanitaire" ? 83% des dépenses remboursées par l'Assurance-maladie sont attribués aujourd'hui aux maladies chroniques, rappelle André Cicollela, pour qui la question est aussi économique.
"Toxique planète" met en garde la société française : il est plus que temps de réagir en luttant efficacement contre la pollution chimique généralisée. Pour notre santé, notre bien-être et aussi la Sécu.
Cathy Lafon
►PRATIQUE Rencontre-décidace avec André Cicolella à 15h00 à la librairie La Machine à lire, à Bordeaux. Réunion publique et débat avec Caroline Chenet-Lis, vice-présidente de l'association Phyto-victimes et élue à la chambre d'agriculture, Dominique Técher viticulteur Bio, vice-président de l’Association Agrobio 33 et François Dupont, animateur EELV Aquitaine, Commission Santé et Environnement, Commission Europe, à 19h30 à Libourne, au Grand Café de l'Orient.
►LE LIVRE "Toxique planète, le scandale invisible des maladies chroniques", Le Seuil, collection Anthropocène, 19€.
►L'AUTEUR André Cicolella est chimiste, toxicologue, conseiller scientifique à l'Institut national de l'Environnement et des Risques (INERIS) et enseignant à l'École des affaires internationales de Sciences Po Paris. Il est cofondateur et président du Réseau environnement santé qui est à l'origine de l'interdiction du bisphénol A dans les biberons et les contenants alimentaires, de l'interdiction du trichloréthylène dans les pressings ou de la prise de conscience des effets de l'aspartame. Premier président de la Fondation Sciences Citoyennes, il a déjà publié notamment "Alertes Santé" (Fayard, 2005) et "Le défi des épidémies modernes " (La Découverte, 2007).
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