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Sciences : la chasse à l'ortolan s'éteindra-t-elle avant de faire disparaître cet oiseau ?

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Un Bruant ortolan. Photo Pierre Dalous / Wikipedia Creative Common Media

Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national
d’Histoire naturelle, a publié le 22 mai 2019 dans la revue Science Advances une étude sur la migration et la démographie du Bruant ortolan. Elle révèle que la chasse traditionnelle de ce petit oiseau protégé a contribué à le mettre en danger. Ce n'est pas vraiment une surprise. Mais selon Frédéric Jiquet, cette confirmation scientifique vient renforcer les conclusions des études scientifiques récentes qui "ont aidé le gouvernement à prendre des décisions pour faire strictement respecter la protection de cet oiseau et les chasseurs à les accepter".

Ecolos contre chasseurs : un (très) long conflit

Parler d'ortolan, dans le Sud-Ouest, c'est ultra-tendu. Pour certains, ce volatile est un mets gastronomique d’exception et sa chasse une tradition patrimoniale française qui ne saurait disparaître. Pour les associations de protection de la nature, c’est une espèce braconnée en voie de disparition, qu'il convient de protéger. L’État français a longtemps fait preuve d’une grande indulgence envers les chasseurs d’ortolans, de multiples gouvernements français ont refusé d'inscrire le volatile sur la liste des espèces protégées, avant de céder en 1999 après une décision du Conseil d’État.

La cour de justice européenne vole au secours des ortolans 

Dans les Landes, l’interdiction théorique s’est transformée pendant des années en tolérance de fait de la préfecture (moyennant un nombre limité de pièges et de prises), malgré la pression de Bruxelles, qui est allée jusqu’à une plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne en 2016. Cette dernière a d'ailleurs sommé la France de mettre fin à la pratique de cette chasse, la traduisant devant la Cour de justice de l’Union européenne en décembre 2016 pour non-respect de la directive « Oiseaux », dont on fête les 40 ans cette année. 

En 2015, une photo virale sur internet avait immortalisé le conflit entre la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et les braconniers : des membres de l’association, dont son président, Allain Bougrain-Dubourg, avaient tenté de détruire des pièges, des cages appelées matoles. Un homme en slip les avait poursuivis en brandissant une pelle. Le feuilleton judiciaire se poursuit. La semaine dernière encore, la Cour de cassation a de nouveau donné tort à une douzaine de chasseurs des Landes précédemment condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Dax, le 13 avril 2017, puis par la cour d’appel de Pau, confirmant confirme l’absence de tolérance pour la chasse à l’ortolan. 

Quand la science s'en mêle

En 2012, le ministère de l’écologie a demande au Muséum national d’Histoire naturelle de piloter une étude scientifique pour déterminer l’origine et l’état de santé des populations d’ortolans visitant la France en automne. Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, monte alors une équipe internationale de chercheurs. Ces derniers ont capturé, marqué et suivi des bruants ortolans durant quatre ans partout en Europe, de l’Espagne à la Russie et à la Finlande, et même au Moyen-Orient, pour déterminer les populations, les voies de migration et les zones d’hivernage des ortolans.

Les résultats de cette étude viennent d’être publiés dans la revue Science Advances.  Elle confirme que la chasse à l’ortolan accélère son déclin. Près de cinq millions de couples d'ortolans vivent en Europe et migrent en Afrique l'hiver. Pour leur migration, 300.000 oiseaux passent par le sud-ouest de la France. Le prélèvement annuel de plusieurs milliers d’ortolans en France (30.000 oiseaux dans les années 1990) est considérable. Les populations migrant par la France sont d’ailleurs plus en déclin que les autres : -30 % depuis le début des années 2000, contre -10 à -20 % pour le reste de l’Europe. 

Au-delà de ce triste constat pour la biodiversité, "ce projet de recherche collaboratif mené à l’échelle de l’Europe a également pu apporter des arguments scientifiques objectifs pour orienter le processus de décision politique", fait valoir Frédéric Jiquet. Afin, donc, de faire protéger l'ortolan. L’État français a ainsi décidé de faire strictement respecter la protection de cet oiseau, la Fédération départementale des chasseurs des Landes, qui avait co-financé l’étude scientifique, a pris ses responsabilités et demandé aux chasseurs d’ortolans d’arrêter cette activité et la Commission européenne a retiré sa plainte contre la France

Selon Frédéric Jiguet, les études scientifiques récentes "ont" donc "aidé le gouvernement à prendre des décisions, et les chasseurs à les accepter" et cette chasse traditionnelle devrait disparaître avant de faire disparaître son oiseau. A suivre...

Cathy Lafon 

►LIRE L'ETUDE 

  • "Unravelling migration connectivity reveals unsustainable hunting of the declining ortolan bunting" : Cliquer ICI

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  • Les articles de Ma Planète sur la biodiversité : cliquer ICI

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