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Pollution de l'air : la France va-t-elle être condamnée pour "carence fautive" ?

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Considèrant que les pics de pollution dans l'agglomération parisienne ont accentué leurs troubles respiratoires, deux femmes ont déposé un recours en justice contre l'Etat. Photo AFP

Ce mardi, l’Etat se retrouve sur le banc des accusés pour son incapacité à protéger les citoyens contre la pollution de l’air. Le tribunal administratif de Montreuil examine un recours déposé par une mère et sa fille. Souffrant de problèmes respiratoires, elles réclament 160.000 euros d’indemnisation à l'Etat, accusé de "carence fautive". Une audience publique historique qui constitue une première en France. 

En mars 2014, à l’occasion de la plainte contre X déposée par Écologie sans Frontière au pôle santé publique du Parquet de Paris, Respire avait lancé un appel à témoignages. En deux ans, l'association en avait reçu plus de 500. En décembre 2016, de nombreuses métropoles françaises étaient asphyxiées par un pic de pollution long et intense, causant une augmentation significative des cas de pathologies respiratoires. Pour les deux ONG, cet épisode révélait une nouvelle fois la carence de l’État et l’obligation qu’il a de maintenir les taux de pollution en dessous des valeurs limites. 

L’étude Pollux faisant le lien entre les niveaux de pollutions et l’augmentation des cas de pathologies respiratoires déclenchait alors des actions contre l’État Français engagées par le cabinet TTLA (Maître François Lafforgue), en commençant par Clotilde Nonnez, une Parisienne de 56 ans, "figure de proue" de plusieurs dizaines de requérants partout en France, à Paris, Lyon, Lille et Grenoble. Respire et Ecologie sans frontière et d'autres associations ont accompagné ces particuliers pour demander réparation du préjudice qu’ils ont subi.

Première audience publique en France

Finalement, le premier recours en indemnisation contre l’État, pour carence fautive, sera plaidé devant le Tribunal Administratif de Montreuil. Une première en France. Les requérantes sont une mère et sa fille, victimes de problèmes respiratoires liés à la pollution de l’air dans l’agglomération parisienne. Toux persistante, bronchites à répétition avec des signes d’asthme pour la mère, Farida, qui veut conserver l'anonymat, avec des arrêts de travail fréquents ;  bronchiolites, rhinopharyngites et crises d’asthme pour sa fille alors enfant. Leur état de santé s'aggrave durant le pic de pollution de fin 2016. Elles résidaient à cette époque dans le 93, à Saint-Ouen, entre le périphérique, l’avenue Gabriel Péri et l’avenue Victor Hugo, deux avenues très fréquentées. Depuis, elles ont déménagé en province et leur état de santé s’est amélioré. 

La carence fautive de l’État est double

Aujourd’hui, Farida et sa fille réclament un total de 160.000 euros d’indemnisation pour le préjudice qu’elles estiment avoir subi et dont elles teinnent l’Etat pour responsable. Selon leur avocat, François Lafforgue, la carence fautive de l’État est double. Le 19 novembre 2014, saisie en interprétation du droit par la Cour suprême du Royaume-Uni, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de Luxembourg a jugé que le respect des normes de qualité de l’air, en matière de dioxyde d’azote et de benzène, constitue pour l’Etat une obligation de résultat. Ce qui signifie que si les valeurs limites sont dépassées, comme c'est le cas en  France, les États sont fautifs. Depuis près de dix ans, la France fait l’objet de mises en demeure et autres avis motivés de la Commission européenne pour les particules fines (PM10) et le dioxyde d’azote (NO2).

Par ailleurs, la requérante estime que les autorités publiques hexagonales n’ont pas pris de mesures efficaces lors du pic de pollution de fin 2016 et, lorsqu’elles en ont pris, elles n’ont pas veillé à leur application.

Vers l'expertise

Les services de l'Etat, de leur côté, reportent la faute sur la victime, estimant que le dommage qu’elle a subi est « la conséquence directe et exclusive d’un choix strictement personnel ». A savoir, ne pas avoir déménagé et quitté une ville polluée alors qu’elle savait sa santé fragile... Selon les conclusions du rapporteur, avant de rendre son jugement, le tribunal doit vérifier si les troubles médicaux sont dus à la pollution de l’air. « Si on se dirige vers une expertise, c’est que le rapporteur considère qu’il y a eu carence de l’Etat et préjudice, et qu’il faut désormais s’assurer du lien de causalité, estime Me Lafforgue. C’est déjà une avancée importante pour les victimes de la pollution de l’air et tous les habitants de la région parisienne. »

Le tribunal administratif de Montreuil rendra son jugement dans une quinzaine de jours. S’il donne raison aux requérantes, des milliers de Français qui souffrent des effets de la pollution pourraient demander des comptes à l’Etat pour qu’il se décide enfin à agir. Au total, plus d'une cinquantaine de personnes, partout en France, sont actuellement engagées dans des actions similaires contre l'Etat, ajoute Sébastien Vray, fondateur et porte-parole de l'ONG Respire, qui accompagne les requérants, avec d'autres associations.  En juin, trois autres dossiers de personnes disant souffrir de la mauvaise qualité de l'air doivent être examinés par le tribunal administratif de Paris, poursuit Me Lafforgue. Dont celui de Clotilde Nonnez.

Cathy Lafon  avec l'AFP

►L'INFO EN PLUS

  • Ecouter le témoignage de Farida, publié sur le site Internet de Respire : 

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