Agriculture : où en est la bio en France et dans la région ?
Les agriculteurs bio français vont devoir augmenter leurs surfaces et leurs rendements, sinon les importations de produits biologiques en France vont fortement progresser. Archives AFP
En France, la bio, agriculture et consommation confondues, a le vent en poupe. Mais cet essor, pour aussi spectaculaire soit-il, ne saurait cacher l'insuffisance du soutien des politiques à la filière. Et pas seulement financier.
Une hausse de 15% en 2017
Si l'information continue à faire plaisir, ce n'est plus vraiment un scoop : la bio est en plein boom. Et ça dure. En France, selon Fédération nationale de l'agriculture biologique, les chiffres du secteur ont été multiplié par trois en dix ans. En 2017, la surface agricole cultivée en bio a connu une hausse de 15% dans le pays en 2017. Les producteurs et les filières sont en constante augmentation pour répondre à la demande des consommateurs, de plus en plus gourmande en produits de qualité et bons pour la santé. En fin d'année dernière, la filière tricolore comptait 36 664 producteurs bio, portant les surfaces agricoles engagées dans le bio en France à 1,77 million d'hectares, soit 6,5% du total de la surface agricole utile française. Ce qui fait de l'Hexagone la troisième surface de culture bio en Europe.
"L'augmentation des rendements, via l'innovation et/ou l'extension des surfaces cultivées en bio est une question clé"
C'est bien, mais insuffisant pour répondre à la demande et les professionnels attendent toujours un plan gouvernemental pour doper le secteur : actuellement, la France importe près de 30% des produits bio qu’elle consomme. "L'offre française semble peiner à répondre à une demande dynamique", ce qui est d'autant plus dommageable que les producteurs bio sont plutôt en meilleure santé que les non bio, soulignait en décembre 2017 une étude publiée par l'assureur-crédit français Coface. Dans ce contexte, "l'augmentation des rendements, via l'innovation et/ou l'extension des surfaces cultivées en bio est une question clé", ajoutait l'étude, formalisant par la même occasion tout haut une inquiétude qui taraude tout bas la filière bio française : bien que (parce que ?) dynamique, elle pourrait être contrainte de renier ses fondements originels pour changer d'échelle.
Le coup de pouce du gouvernement
Pour développer l’agriculture biologique en France dans les cinq ans, le gouvernement prévoit une enveloppe de 1,1 milliard d’euros. Un montant de financements publics exclusivement consacrés à la conversion, composé de 630 millions d’euros d’aides européennes, les fameux fonds Feader (fonds européen agricole pour le développement rural), et de 200 millions de co-financement de l’État, complétés d’autres financements publics, en provenance principalement des agences de l’eau. Ces dernières, qui participent aussi traditionnellement au financement de l’agriculture biologique, pourraient apporter un montant évalué entre 170 et 200 millions d’euros, selon le cabinet du ministre de l’Agriculture Stéphane Travert.
+ 15% d'ici quatre ans
Le gouvernement, qui revendique ainsi une augmentation de 62% de l’enveloppe par rapport au précédent plan ambition bio, espère faire passer de 6,5 à 15% les terres cultivées en bio d’ici à la fin du quinquennat. Avec l'objectif de permettre à l’agriculture française de mieux répondre à l’explosion de la demande de produits bio en France. Nul ne contestera la nécessité de l'objectif fixé par l'Etat pour tenter de répondre à la demande des consommateurs comme aux besoins de la conversion de l'agriculture vers des modes de production plus vertueux pour l'environnement et la santé humaine. Le hic, c'est que le chiffre ne semble pas vraiment réaliste. En face, on cherche les moyens mis en place par le gouvernement pour atteindre ces fameux 15% de surface agricole en terres bio d'ici 2022. D'autant plus que ce dernier, paradoxalement, a décidé l'arrêt des aides au maintien de la bio...
Et la sortie des pesticides chimiques ?
Outre la seule question des financements, la bio tricolore attend naturellement aussi de l'Etat qu'il prenne une position politique claire et ambitieuse en faveur du développement des alternatives aux pesticides chimiques. Et ce, contre le lobbying de l'agro-industrie chimique, en guerre contre la bio. Or, on a vu récemment le retrait de l'amendement sur l'interdiction du glyphosate, pourtant promis par Emmanuel Marcron, empoisonner le débat sur le projet de loi agriculture et alimentation. On voit aussi l'interdiction par l'Europe des pesticides néonicotinoïdes "tueurs d'abeilles", remise en question par les dérogations accordées en France à certaines cultures. Au détriment des abeilles, dont la mortalité, alarmante pour l'avenir de la biodiversité et des cultures, ne cesse de croître.
Le cuivre et la bouillie bordelaise
Enfin, on voit encore pointer la menace, alarmante pour la bio, de l'interdiction par l'Europe de l'utilisation du cuivre, seul intrant d'origine minéral autorisé en bio et en biodynamie. Une interdiction qui pourrait signer l'arrêt de mort de la filière. La bouillie bordelaise, ce mélange de chaux et de sulfate de cuivre utilisé depuis un siècle et demi par la viticulture contre le mildiou pourrait ainsi, à l'instar d'autres formes de cuivre, ne pas être homologuée fin 2018 par l'Europe, au prétexte que le cuivre serait un biocide dangereux pour la vie des sols. Un argument réfuté par les scientifiques-experts du sol Claude et Lydia Bourguignon, qui affirment qu'on ne relève pas de baisse notoire de la microfaune et de la microflore sur les sols ainsi traités, et que le cuivre n'est pas plus biocide que les désherbants et les antifongiques de synthèse. Au contraire, selon eux, la vie des terres en bio est bien supérieure à celle des sols des exploitations conventionnelles.
Le bicontrôle
Pour l'Inra, qui a commandité une expertise scientifique collective sur les solutions techniques possibles pour remplacer le cuivre, il existe toutefois une large gamme d’alternatives au cuivre à combiner dans des systèmes de protection intégrée pour se passer du cuivre, en bio et en conventionnel, mais aussi des pesticides chimiques. Au premier rang desquelles, le biocontrôle, alternative prometteuse qui consiste à introduire dans le milieu des micro-organismes qui se nourrissent des pathogènes ou prennent leur place dans l'écosystème. Ces substances ou produits naturels peuvent aussi renforcer la résistance des plantes en stimulant leurs défenses naturelles. Avant d'interdire le cuivre, moins dangereux au demeurant que le glyphosate, l'Europe et les Etats ne devraient-ils pas plutôt mettre d'avantage de moyens pour la recherche, afin de trouver des alternatives au cuivre utilisé en bio... comme d'ailleurs aux pesticides chimiques ?
La Nouvelle-Aquitaine, troisième région bio de France
En Nouvelle-Aquitaine aussi, la bio se porte bien. La filière a poursuivi l'an dernier son irrésistible ascension, avec 5 327 fermes bio au 31 décembre 2017, une surface cultivée en bio de 227 352 hectares, soit une augmentation de 24% par rapport à 2016, et 1 909 opérateurs aval (distributeurs et transformateurs). La troisième région de France en nombre de producteurs bio et surface certifiée, continue sur sa lancée : au 1er juin 2018, elle comptait 5 968 fermes bio.
Dans le « Pacte d’ambition régionale pour l’agriculture biologique 2017-2020 » qu'elle a signé en 2017 avec l’État, la Fédération régionale de l'agriculture biologique (FRAB), Interbio et la Chambre régionale d’agriculture, la Nouvelle-Aquitaine s'est fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 70 000 hectares supplémentaires en conversion en bio d’ici 2020. Soit 10 % de la surface agricole utile dédiée au bio en 2020, soit encore le doublement de la surface bio par rapport à 2017, et 20 % en 2027, à l’horizon de la future politique agricole commune.
Pour le développement de la bio, la balle est dans le camp de l'Europe, de l'Etat et de la recherche. Mais elle est aussi dans le camp des régions qui, en concertation avec l'Etat et les organismes spécialisés, doivent avancer et trouver de nouvelles solutions. Vaste et passionnant défi.
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