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Le livre vert du dimanche : "Le bio, au risque de se perdre"

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Les fruits et légumes labellisés bio, emballés sous vide, vendus par la grande distribution et pas toujours locaux ni de saison, sont-ils vraiment "bio" ? Photo AFP 

Le saviez-vous ? Dans un an, la bio sera quinqua et soufflera ses 50 bougies. Si elle pouvait produire un extrait de naissance, on y lirait qu'elle est née officiellement à Bordeaux, où s'est tenu le premier congrès de l'agriculture biologique, en 1969. Car c'est alors qu'a été rédigé le cahier des charges et des bonnes pratiques qui a inspiré la première charte du bio, publiée plus tard en 1974 par l'association  Nature et Progrès. Elle-même créée en 1964, pour "promouvoir toutes les méthodes d'agriculture biologique", afin de "sortir du sectarisme, des dogmes et déjà, de dérives mercantiles".

Une pépite parmi tant d'autres à glaner dans le nouveau livre roboratif et foisonnant d'infos de Frédéric Denhez, "Le bio, au risque de se perdre", publié aux éditions Buchet-Chastel.

La crise de croissance de la bio

critique,livre,frédéric denhezAu fil de ses ouvrages sur le climat, l'énergie, la pollution, la biodiversité et les sols, la verve enjouée de ce journaliste à la plume verte, spécialiste des questions environnementales et collaborateur régulier de "CO2 mon amour" sur France Inter, ne se dément pas. Amoureux fou de la nature, de l'agriculture et de ses paysans, il s'attaque ici à la crise de croissance de la bio. Avec une consommation en hausse de + 20%  par an depuis cinq ans, alors que la surface agricole utile cultivée en bio n'est que de 6% , confrontée à la loi de l'offre et de la demande, elle subit aujourd'hui la menace du système de la grande distribution, qui a repéré le bon filon. 

Paradoxes et contradictions

Car nous souhaitons tous (ou presque) manger des produits sains, diversifiés, goûteux et sans traces de produits chimiques. Mais nous voulons aussi passer moins de temps à faire la cuisine, préserver le bien-être animal, maintenir le revenu des agriculteurs, protéger les paysages... Et surtout, en achetant toujours moins cher ! Donc, si possible, mauvais réflexe (pour la bio) en hypermarché. Aujourd'hui ultra-tendance après des années de galères, notamment grâce aux scandales alimentaires à répétition, le marché du bio, en plein boom, tire désormais son épingle du jeu de ces contradictions et de ces paradoxes. Et ce, malgré des prix près d'un tiers supérieurs à la moyenne. Mais jusqu'à quand, s'interroge Frédéric Denhez ?

Cerise sur le gâteau

"Le bio est la cerise que l’on va chercher après qu’on a su se reconstituer le bon gâteau d’une hygiène de vie et d’une culture alimentaire riche et diversifiée". Frédéric Denhez

Bonne question. Maintenant que le bio est devenu un marché juteux, la grande distribution qui lui fait les yeux doux, pourrait bien le dévorer tout cru, en faisant appel au modèle de l'agriculture industrielle qui lui est inhérent, pour fournir ses rayons et répondre à la demande croissante. Mais est-ce vraiment manger "bio" que d'acheter des poulets élevés en batterie en Ukraine, des plats tout préparés ou des tomates en hiver cueillies en Espagne par des "semi-esclaves marocains" ? Pour l'auteur, c'est non, et définitivement non. Car la bio, avant d'être ce "bio" que l'on peut acheter et consommer, c'est d'abord "un humanisme, une philosophie naturaliste" qui, par essence, s’oppose au système agroalimentaire conventionnel, majoritaire aujourd'hui, mais aussi à "ce fascisme alimentaire naissant" qu’est, selon lui, "le véganisme". Ce dernier est finalement d'autant plus dangereux pour la planète et la qualité de notre alimentation, estime le journaliste, que "la bio est consubstantielle de la polyculture élevage, gage de son autonomie en nutriment". Pour faire court, qu'on les mange ou pas, sans vaches dans les champs pour produire de l'engrais, pas de vraies bonnes tomates ! 

Pour un nouveau label bio

critique,livre,frédéric denhezOn l'aura compris, pour Frédéric Denhez, "le bio" ne saurait donc se résumer à un simple label certifiant la suppression d'intrants chimiques. Il devrait intégrer dans son cahier des charges la préservation des sols (taux de matière organique, hygrométrie, présence de lombrics…), la polyculture-élevage (les engrais doivent venir de l'élevage), la rotation des cultures (avec des légumineuses pour éviter de mettre les sols à nu) et une donnée économique et sociale fondamentale : le prix de vente d'un produit  bio doit être fixé par le paysan

"Faire rimer l'assiette avec la planète"

Le bio est bel et bien en danger car la crise de croissance de la filière est bel et bien là. Mais pour le sauver et "faire rimer l'assiette avec la planète", comme l'écrit joliment Frédéric Denhez, les consommateurs ont un levier formidable : c'est en choisissant d'acheter ce qu'ils mettent dans leur assiette qu'ils se battront pour le bio. Et du frais, du local, de qualité et cuisiné chez soi... Pas seulement du garanti "sans pesticides chimiques". Cela passera peut-être un jour par la création d'un nouveau label "bio" qui intégrera tous les critères fondamentaux de "la bio", qu'il appelle de ses voeux. Car, le bio, souligne-t-il, c'est d'abord ça : "des produits équitables pour celles et ceux qui les font et qui les mangent, ici et maintenant, comme pour les générations futures". Obtenus en respectant et en préservant les qualités de la terre nourricière.

Cathy Lafon 

►A LIRE

  • "Le Bio au risque de se perdre", de Frédéric Denhez, éditions Buchet Chastel, collection Dans le vif. 128 p. 12 euros

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