Evacuation de Bure : pour Michèle Rivasi, "enfouir les déchets nucléaires, ce n'est pas la bonne solution"
Porté par l'Andra, le projet Cigéo prévoit l'enfouissement de milliers de mètres cubes de déchets radioactifs à Bure (Meuse).
Le gouvernement avait marqué des points auprès des écologistes en renonçant à construire un nouvel aéroport dans le bocage nantais et à évacuer sur le champ et manu militari les opposants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il en aura perdu le jeudi 22 février en faisant évacuer par la force et par surprise une quinzaine d'antinucléaire de la zone de 221 hectares occupée du Bois-Lejuc, lieu du projet ultra-controversé d'enfouissement des déchets nucléaires Cigéo de Bure, dans la Meuse.
"Sous l'autorité de la préfète de la Meuse, une opération menée par 500 gendarmes a débuté ce matin à 6h15", a déclaré ce jeudi sur son compte Twitter Gérard Collomb, mettant ainsi à exécution une décision de justice prise en avril par le Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc. "Nous ne voulons plus qu'il y ait en France des zones de non droit", a commenté le ministre de l'Intérieur. Vent debout contre cette évacuation (photo AFP ci-contre), la députée européenne Europe-Ecologie Michèle Rivasi s'est faite la porte-parole des antinucléaires et autres défenseurs de l'environnement, pour "appeler à la raison et demander un débat démocratique sur les alternatives à l'enfouissement des déchets hautement radioactifs". Sans mâcher ses mots.
Un projet "imposé"
Pour la fondatrice de la Criirad (la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité créée en réaction aux mensonges des autorités françaises sur l'impact de la catastrophe de Tchernobyl), le grand projet de stockage de déchets radioactifs Cigéo qui prévoit d'enterrer dans le sous-sol de Bure, des milliers de mètres cubes de déchets radioactifs à 500 mètres de profondeur, dans plus de 300 kilomètres de galeries, est un projet "imposé", "sans débat" et dans "l'opacité". Selon elle, il faut au contraire prendre le temps de réfléchir et de débattre de manière démocratique et transparente sur la question du stockage des déchets nucléaires radioactifs, car ils "resteront sous nos pieds pendant des centaines de milliers d'années et auront des conséquences sur nos générations futures pour des centaines de milliers d'années".
Failles techniques
Pour l'eurodéputée Verte qui pointe les failles techniques rattachées à l'enfouissement des déchets radioactif, l'exercice n'est pas sans danger : "risque d'incendie souterrain, impossibilité d'intervenir et récupérer les déchets en cas d'accident, rejets en surface considérables…", liste-t-elle, en s'appuyant sur l'Autorité de Sureté du Nucléaire (ASN) qui, selon elle, a mis en doute la fiabilité du site à Bure, le 11 janvier 2018, en demandant de nouvelles garanties à l'Agence Nationale pour la gestion des déchets Radioactifs (ANDRA).
"Aucun site d'enfouissement en profondeur n'est fiable"
"Les exemples à l'étranger montrent qu'aucun site d'enfouissement en profondeur n'est fiable", alerte-t-elle, en expliquant qu'"en profondeur, rien ne se passe comme en surface". L'expérience la plus similaire à celle de Cigéo, c'est Wipp, aux Etats-Unis. Dans ce site militaire, "deux incendies successifs en sous-sol ont provoqué la contamination en surface de 21 ouvriers ; du plutonium et de l'américium se sont échappés à des kilomètres et ont contaminé toute l'installation souterraine" rappelle-t-elle. Ailleurs, "à Asse en Allemagne, les fûts baignent dans l'eau et en Suède, la justice a donné un avis défavorable au projet d'enfouissement dans le granite".
C'est "le nucléaire qui est hors la loi"
L'eurodéputée dénonce "l'impunité de la filière nucléaire" qui "agit en toute impunité et conduit des projets dans l'opacité la plus totale", qui dit comprendre les zadistes, "soutient les citoyens français qui se mobilisent et occupent le site pour que ce projet ne voit jamais le jour". "Ce ne sont pas eux qui sont hors la loi", affirme-t-elle, mais "le nucléaire qui ne respecte pas la loi sur la transition énergétique votée par l'assemblée nationale en 2015 et ne répond pas aux objectifs européens sur le développement des énergies renouvelables".
"Lorsque la baignoire déborde, il faut d'abord couper le robinet"
Michèle Rivasi et les écologistes antinucléaires demandent avec opiniâtreté, depuis des dizaines d'années, la sortie du nucléaire pour ne pas avoir à gérer ses déchets particulièrement dangereux. "Lorsque la baignoire déborde, il faut d'abord couper le robinet ! Nous dénonçons aujourd'hui la vision court-termiste des politiques et des lobbys du nucléaire qui nous a amené dans la situation d'aujourd'hui" conclut pour sa part l'eurodéputée écologiste.
Que l'on soit pour ou contre le nucléaire, tout le monde en conviendra : le principal problème de l'enfouissement des déchets nucléaires, c'est l'irréversibilité. Avec la question pendante : comment garantir la gestion des problèmes techniques, logistiques ou géologiques qui surviendront inévitablement, pour éviter des conséquences désastreuses sur les nappes phréatiques et la santé des populations avoisinantes, durant les centaines de milliers d'années où les déchets enfouis resteront radioactifs ?
►BURE EN CINQ DATES
1998 : Bure (Meuse) est retenu pour l'implantation d'un laboratoire souterrain. 2006 : la loi retient le stockage profond comme solution de référence pour les déchets à haute activité et à vie longue. 2019: date prévue pour la demande d'autorisation de création d'un Centre industriel de stockage géologique. 2026 ou 2027 : mise en service. Le site d'enfouissement sera exploité jusque vers 2150, avant son scellement définitif.
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