Initiative. En Lot-et-Garonne, les ânes vont à l'école apprendre le labour écolo...
A l'Ecole nationale des ânes maraîchers, en Lot-et-Garonne. Photo AFP
Le saviez-vous ? Les ânes aussi ont leur école. Créée en 2013, l’Ecole nationale des ânes maraîchers (Enam) se situe dans la région, à Villeneuve-sur-Lot, en Lot-et-Garonne, dans la ferme du château Lamothe. Là, ils font leur apprentissage d’un labour de haute-précision, pas cher et « écolo », en tandem avec des agriculteurs qui travaillent en bio. Car le labour avec un âne, cela n'a rien d'inné. Conduire un âne à travers champs, cela s'apprend, encore plus au XXIe siècle où cette pratique ancestrale s'est perdue avec la mécanisation de l'agriculture intensive.
Quels critères pour intégrer l'Enam ?
Réservés à une dizaine de baudets d'élite accompagnés de maraîchers de tous âges qui préfèrent l’âne au tracteur, les cours se déroulent sur cinq hectares de prairie. Les qualités requises pour intégrer la voie royale de l’Enam ? Pour l’animal, « un bon mental et une morphologie costaud, 300 kilos pour 1,30 mètre de haut », expliquait à l'AFP en décembre 2017 Pascal Sachot, directeur de l’Enam et animateur des formations. Pour l'homme, il en coûte 273 euros pour trois jours « d’initiation à la traction asine » dans cette ferme-école de Villeneuve-sur-Lot, unique en son genre en France.
Quant aux bases, martelées tout au long de la session par le coach, elles sont relativement simples. Tout d'abord, il y a cinq petits mots magiques à connaître pour établir la relation fusionnelle avec « l’âne-école » : « Holà » (pour l’arrêt), « marche », « recule », « gauche », « droite ». Ca, ça va. Il faut aussi savoir ne pas s'emmêler les pinceaux avec les rênes, « donner la bonne consigne au bon moment, et ne jamais changer le code. L’intonation de la voix fait tout: la sanction, l’avertissement ou l’encouragement ». Pas si facile...
Pour le labour bio, l'âne, c'est le roi
Sur la demi-douzaine d’agriculteurs convertis au « bio » ou fraîchement installés, venus en décembre d’Ile-de-France, d'Occitanie ou de Nouvelle-Aquitaine pour apprendre outre l'art de labourer avec un âne, celui de biner l’épinard, butter la salade, ou griffer la blette sur 5.000 m2 de « tunnels » (serres), deux sont girondins. Pour ces deux exploitants, il n'y a pas photo : il est plus intéressant de travailler avec un âne qu'avec un tracteur, voire même qu'avec un cheval.
«L’âne laboureur, c’est zéro pétrole, zéro bruit, zéro tassement du sol »... et l'amour en prime
Pour Jean-Luc Richevon qui exploite trois hectares de vigne dans le Médoc, « le gros avantage de l’âne, c’est qu’on peut l’utiliser pour le labour même en mauvaises conditions, parce qu’il fait moins de dégâts qu’un tracteur ». L’âne à la vigne, « c’est aussi un bon outil de promotion pour le domaine » qui se revendique « bio ».
Educatrice récemment reconvertie dans le maraîchage bio, Camille Foriche, 28 ans, elle, milite pour un retour à « une agriculture, moins intensive, plus humaine », mais rentable quand même. « Avec un cheval, explique la maraîchère girondine qui possède depuis l'an dernier Fidji, un ânon de deux ans, il faut 80 cm entre les rangs. Pour un âne 40 cm suffisent. Donc sur la même surface, on peut produire deux fois plus de légumes ». CQFD. La maîtresse de Fidji est ici « pour faire [l'] éducation » de son ânon et pour apprendre à ne pas faire n'importe quoi avec lui. Mais elle vient aussi faire son marché. Elle repartira sans doute avec l’âne Eratxu, moyennant 2.500 euros hors taxe. Une bagatelle au regard des dizaines de milliers d’euros que lui coûterait l’achat d’un tracteur tout équipé. Comme elle, à la fin de chaque session, une bonne moitié des stagiaires de l’Enam se laisse convaincre de rentrer à la maison avec un animal du cheptel.
« L’âne laboureur, c’est zéro pétrole, zéro bruit, zéro tassement du sol ». L'animal offre un dévouement inconditionnel au maître, martèle Pascal Sachot au fil des stages. « L’âne est sensible, affectueux, et peut se jeter dans le feu pour vous, ajoute l’expert, mais il ne faut JAMAIS le trahir », insiste-t-il. Un peu comme en amour.
Cathy Lafon avec l'AFP
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