Télévision. "Le Roundup face à ses juges" : un film choc à voir ce soir, sur Arte
"Le Roundup face à ses juges" : dans une enquête implacable, Marie-Monique Robin s'attaque au glyphosate. Photo Arte
Neuf ans après son enquête événement "Le monde contre Monsanto", la journaliste Marie-Monique Robin revient à la charge et dénonce la dangerosité du glyphosate, la molécule active de l'herbicide le plus utilisé au monde dans les champs et les jardins, dans un film et un livre éponyme :"Le Roundup face à ses juges". Un réquisitoire clair et pédagogique contre la firme qui le commercialise, mais aussi bouleversant et accablant - paroles de victimes et d'experts à l'appui. Construit comme une enquête policière haletante, l'excellent travail de Marie-Monique Robin permet au lecteur et au téléspectateur de se faire son propre jugement.
« Plus inoffensif que le sel de table » ?
Au moment où l'Europe et les Etats-Unis s'interrogent sur le renouvellement de la molécule active de l'herbicide phare de Monsanto, déversé chaque année avec ses génériques par centaine de milliers de tonne chaque année sur la planète, et alors que le CIRC a déclaré "cancérigène probable" pour l'homme le glyphosate en 2015, ce double document choc réunit toutes les pièces à conviction qui attestent de l'un des plus grands scandales sanitaires, environnementaux et économiques de l'histoire moderne. L'utilisation de l'herbicide, censé être « plus inoffensif que le sel de table » , auxquels sont liés 95% des OGM cultivés sur la planète dont le fameux soja RR (Roundup Ready), est à l'origine d'un désastre sanitaire mondial sans précédent, qui pourrait être pire que l'amiante. D'autant que l'énorme enjeu de santé public des dangers du glyphosate se double d'un enjeu économique tout aussi important, tant il est vrai qu'il incarne le modèle du fonctionnement actuel de l'agro-industrie.
Un vrai tribunal pour progresser sur la reconnaissance du crime d'écocide
Pourtant, après son enquête retentissante de 2008 sur les dangers toxiques de la firme américaine Monsanto, Marie-Monique Robin avait bien juré qu'on ne l'y reprendrait plus... Jusqu'à ce qu'en 2014, deux citoyens suisses, dont upersonne victime du Roundup, lui proposent de devenir la marraine d'un Tribunal international contre Monsanto, destiné à instruire le procès du Roundup. Touchée par leurs témoignages, la journaliste accepte, à condition qu'au delà de la démarche militante et de la dimension symbolique, il s'agisse d'un vrai tribunal, avec des juges professionnels et d'authentiques victimes, qui émettrait des avis juridiques d'autorité, utiles à des avocats, lors d'éventuels procès contre la firme. L'objectif étant, au-delà du cas du Roundup de progresser sur la reconnaissance du crime d'écocide, par le droit international, et de l'inclure - comme le génocide ou le crime contre l'humanité - dans le statut de Rome qui fonde la Cour pénale internationale de La Haye.
L'herbicide est partout
Commence alors un long travail d'identification des victimes, aux quatre coins du globe, avec des dossiers sérieux, tous validés par des médecins et des chercheurs. De l'Argentine au Sri Lanka, en passant par les Etats-Unis, la Norvège et la France, la journaliste les filme chez elles, avant qu'elles ne témoignent à La Haye, avec les médecins qui les suivent. Les récits des malades et les témoignages des médecins sont effarants. Cancers, troubles rénaux, obésité, maladies congénitales et respiratoires, fausses-couches, décès prématurés et longtemps inexpliqués... Dans certaines régions, ce sont de véritables épidémies, dont le corps médical établit le lien avec la présence du glyphosate, comme au Sri Lanka le premier pays au monde a avoir interdit le produit sur son sol en 2014. "Ce pulvérisateur nous a apporté la mort, alors qu’on voulait simplement gagner notre vie", lâche, amer, devant la caméra, un riziculteur sri-lankais contaminé. Ou encore dans la ville argentine de Basavilbaso, où les habitants témoignent, devant des dizaines d'étudiants et de professionnels de santé, des dégâts de l'herbicide, évoquant un "génocide silencieux". Le film montre, explique, décortique : dans le monde entier, le glyphosate rend malades ou tue sols, plantes, animaux et humains, car l'herbicide est partout. Dans l'eau, dans les sols, dans l'air, dans la pluie et dans les aliments.
La journaliste rencontre également de nombreux scientifiques qu'elle interviewe longuement. "Il y a dix ans, il existait peu d'études scientifiques publiés sur les dégâts du Roundup et du glyphosate, sa molécule active", explique-t-elle, "mais depuis, elles se sont multipliées". Et l'ensemble de la littérature scientifique révèle, que non seulement il est cancérigène, comme l'a déclaré le Circ, mais qu'il s'agit également d'un perturbateur endocrinien, à l'origine de malformations congénitales, un chélateur de métaux qui prive de minéraux les plantes et les mammifères, et enfin, un puissant antibiotique qui détruit les bonnes bactéries et accroît la résistance des mauvaises. Cette molécule chimique est l'une des plus toxiques de l'histoire industrielle, et chacun en a des résidus dans son organisme...
Le glyphosate pourrait être considéré comme un outil d'écocide
Mobilisation de la société civile, le Tribunal international Monsanto (TIM) qui s'est tenu à La Haye sous la conduite de cinq magistrats professionnels, du 14 au 16 octobre 2016, en l'absence de Monsanto qui a refusé d'y participé, constitue le fil rouge du film et du livre. On y découvre comment, aux Etats-Unis comme en Europe, les agences de santé trichent, voire falsifient les rapports au profit de Monsanto, alors que des documents déclassifiés de la firme, que la journaliste s'est procurés et à lus, comme toutes les autres études citées dans le documentaire et dans le livre, attestent qu'elle en connaît les dangers. Confrontés à une "énorme masse de documents et de témoignages", les juges ont délibéré et attendu six mois avant de rendre public leur "avis consultatif d'autorité". Tandis que le feuilleton à rebondissements de la réhomologation du glyphosate battait son plein, le 21 mai 2016, le groupe chimique et pharmaceutique Bayer (le fabriquant du Gaucho "tueur d'abeilles"), annonçait son mariage avec Monsanto et le rachat de la firme américaine pour la modique somme de 55 milliards d'euros. Une nouvelle qui faisait craindre que la fusion soit surtout un moyen pour Monsanto d'échapper à ses responsabilités judiciaires...
"A vous de jouer !"
Le 18 avril 2017, le Tribunal a conclu que Monsanto n'agissait pas en conformité avec les droits de l'homme et que le glyphosate pourrait être considéré comme un outil d'écocide, ce qui permettrait de poursuivre pénalement les dirigeants des firmes responsables. "Voilà, a déclaré Françoise Tulkens, la présidente du TIM (une éminente magistrate belge, chercheure, spécialisée en criminologie et ancienne juge à la Cour européenne des droits de l'homme), la mission du tribunal est terminée. L'avis juridique que vous nous avez sollicité est entre vos mains. A vous de jouer !". Un avis bienvenu, alors que la Commission européenne doit décider, le 25 octobre prochain, de renouveler ou non la licence du glyphosate.
►A VOIR ET A LIRE
- "Le Roundup face à ses juges", un film de Marie-Monique Robin, 2017, Arte, 90 mn, mardi 17 octobre, 20h55. Le livre éponyme, publié aux éditions La Découverte co-édition Arte, est en librairie ce jeudi. 18 euros.
►PLUS D'INFO
- Née à Gourgé dans les Deux-Sèvres, fille d'agriculteurs, Marie-Monique Robin, journaliste et réalisatrice, est lauréate du Prix Albert-Londres (1995). Elle est l'auteure de nombreux documentaires et ouvrages, dont en coédition avec Arte-Editions les best-sellers "Le Monde selon Monsanto" (2008-2009), "Notre poison quotidien" (2011-2013), "Les Moissons du futur (2012,2014) et "Sacrée croissance !" (2014).
►EN CHIFFRES
- Plus de 800 000 tonnes de Roundup et de ses génériques sont vendues chaque année à travers la planète. 9 000 tonnes épandues en France, dont 8 000 dans les champs et 1 000 dans les jardins).
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur les pesticides : cliquer ICI
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