Nucléaire : à Bordeaux, Tchernoblaye demande à l'ASN de ne pas valider la cuve de Flamanville
L'EPR de Flamanville (Manche), 16 novembre 2016. Photo archives AFP
Saint-Lô, dans la Manche, quand on habite en Gironde, ce n'est pas la porte à côté. Et pour s'y rendre, juste pour un aller-retour, c'est encore du CO2 lâché pour rien dans l'atmosphère. Aussi, à la veille de la manifestation nationale organisée ce samedi 30 septembre à Saint-Lô par le collectif anti-nucléaire ouest contre l'EPR de Flamanville, des écologistes et des militants de l'association antinucléaire Tchernoblaye présidée par Stéphane Lhomme ont préféré alerter l'opinion depuis Bordeaux sur le risque qu'il y aurait selon, eux, à valider la cuve du réacteur nouvelle génération en construction en Normandie.
Opération coup de poing
Le démarrage de l'EPR étant conditionné à l'avis définitif que doit rendre en octobre l'Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) sur la cuve de l'équipement, avis sur lequel le président Emmanuel Macron avait annoncé durant la campagne présidentielle que le gouvernement se baserait pour donner (ou pas) son propre feu vert, une dizaine de militants, munis de quelques parpaings et de passoires sur la tête, ont décidé de murer symboliquement l'entrée de l'antenne bordelaise du gendarme du nucléaire, situé à la Cité administrative de Bordeaux. Une opération coup de poing menée ce jeudi 28 septembre matin, à l'heure de l'embauche.
Les militants de Tchernoblaye ont symboliquement muré l'entrée de l'ASN, ce jeudi 28 septembre 2017. Photo Sud Ouest
Mais pourquoi des parpaings ? "Si l'ASN est vraiment indépendante, elle ne saurait donner son feu vert à l'EPR dont la cuve présente de graves anomalies sur sa teneur en carbone, détectées en outre grâce à l'institution elle-même qui dès 2005, avait pointé des problèmes à l'usine Creusot-Forge sur la qualité des pièces et en avait averti EDF et Areva", résume l'écologiste Olivier Cazaux.
Une cuve "passoire"
Le militant Vert qui rappelle que le coût du chantier de Flamanville, désastre industriel et financier, a triplé pour dépasser les 10 milliards d'euros, précise qu'il a été constaté que la cuve du réacteur nucléaire présentait une trop forte concentration en carbone dans l’acier utilisé (0,32 % pour une valeur maximale autorisée de 0,22%) ce qui réduit la capacité à résister à la propagation d’une fissure." "Dans ce dossier, l’ASN qui a pourtant, a précisé qu’en raison de cette anomalie EDF devra changer d’ici 2024 au plus tard la partie supérieure de la chaudière du réacteur où se produit la réaction nucléaire, n’a pas fait son boulot. Elle ne doit pas donner son feu vert pour son démarrage, ce qui nous a été pourtant été annoncé, lors de la dernière commission locale d’information sur le nucléaire", déplore-t-il.
Principe de précaution
D'où les parpaings. "Si l'ASN n'est pas indépendante, elle ne sert à rien, alors autant murer son entrée !" Quant à la passoire sur la tête (pas vraiment seyante, mais clin d'oeil efficace), elle veut "pointer le risque de se retrouver avec une cuve "passoire" prévue pour durer 60 ans, dans un équipement nucléaire de nouvelle génération". "Ce que nous demandons aujourd'hui ? L'application du principe élémentaire de précaution pour faire arrêter ce chantier scandaleux" conclut Olivier Cazaux.
Référé
Des scientifiques reconnus, comme Corinne Castanier pour la CRIIRAD, Bernard Laponche et Benjamin Dessus pour Global Chance, se sont élevés en septembre pour dénoncer l'irresponsabilité qu'il y aurait à accorder une dérogation pour l'utilisation de cette cuve, élément-clé de sûreté dont la rupture doit être absolument exclue. Un référé a par ailleurs été déposé en justice par l'Observatoire du nucléaire pour interdire à l'ASN de valider la cuve de l'EPR, au moins le temps que ses responsabilités soient établies et sanctionnées dans l'affaire du Creusot. L'Observatoire du nucléaire estime en effet que "l'ASN est coupable dans cette affaire, n'ayant au mieux rien vu, au pire rien dit pendant des années". Le référé sera examiné le 10 octobre prochain à 9 h, au TGI de Paris.
Tricastin à l'arrêt
Les écologistes auront-ils finalement gain de cause pour l'EPR ? Si elle cristallise l'opposition des partisans de la sortie totale du nucléaire, la polémique sur la sécurité de la cuve de Flamanville, liée au scandale des pièces défaillantes sorties de l'usine Creusot Forge, n'est pas le seul dossier noir de l'atome français. Hasard du calendrier, c'est également ce jeudi que l’ASN a exigé d’EDF l’arrêt, "dans les délais les plus courts", des quatre réacteurs de la centrale de Tricastin (Drôme). Motif invoqué pour cet arrêt provisoire : les risques d’inondation de la centrale située non loin du Rhône.
Risque d'inondation lié au risque sismique
Le gendarme du nucléaire précise que sa décision intervient après la déclaration, en août, d’un "événement significatif pour la sûreté" par EDF. L’opérateur de cette centrale, l’une des plus anciennes du parc français, jugeait qu’en cas de séisme, il existait un risque de rupture d’une partie de la digue du canal de Donzère-Mondragon protégeant le site. "L’inondation en résultant pourrait conduire à un accident de fusion du combustible nucléaire des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin et rendrait particulièrement difficile la mise en œuvre des moyens de gestion d’urgence internes et externe", écrit sur son site Internet l'ASN. Les travaux prendront environ un mois et EDF espère pouvoir redémarrer Tricastin "dans les premiers jours de novembre". Un épisode qui réactive le débat sur la fermeture des plus vieux réacteurs du pays.
►PLUS D'INFO
- Dans le cadre de la Fête de la science, l'association Tchernoblaye organise une conférence : "Le nucléaire, de la terre à la terre ?", au Marché des Douves, 4 rue des Douves à Bordeaux, le mardi 10 octobre 2017 de 19h à 21h. L'industrie nucléaire emprunte à la terre, en extrayant l'uranium, et souhaite faire retourner à la terre les déchets qu'elle génère, au sein de sites d'enfouissement. Ce système, largement validé par la communauté scientifique française à partir des années 1950, est-il un mode de production d'énergie durable ? Quels dangers fait-il courir aux populations, en France et dans le monde ? Quel coût financier pour les sociétés d'aujourd'hui et quelle dette pour les générations futures ? Ce qui a pu sembler une magnifique innovation scientifique et technologique est-il aujourd'hui obsolète ? Conférenciers : Jean-Paul Bourdineaud et Olivier Cazaux. Ouvert à tous et gratuit. Salle des étoiles, 2e étage.
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