Définition des perturbateurs endocriniens : un huitième round pour rien à Bruxelles
Jusqu'à présent, aux yeux de l'Europe, le bisphénol A, interdit en France, ne faisait pas partie des perturbateurs endocriniens. AFP
Les experts des 28 États membres se sont réunis pour la huitième fois, ce mardi 30 mai, à Bruxelles, pour dire s’ils acceptaient ou non la définition donnée par la Commission européenne sur les perturbateurs endocriniens (bisphénol A, dioxines ou phtalates), ces substances chimiques qui perturbent notre système hormonal et qui, selon de nombreuses études seraient responsables de certains cancers, et de la progression du diabète et de l'obésité, de l'infertilité ou de l'autisme. Une fois de plus, le vote n'a pas eu lieu du fait d’une absence de majorité qualifiée : la France fait partie des pays qui exigent un texte plus protecteur pour la santé et l'environnement.
Quatre ans de retard
La question de la définition de ces substances chimiques, indispensable pour aboutir au retrait et à l'interdiction des produits qui contiennent les molécules potentiellement dangereuses susceptibles de se retrouver partout (cosmétiques, emballages, nourriture, vêtements, meubles, etc.) et de provoquer cancers, diabète, infertilité ou autisme, traine en longueur depuis des années, en raison des tergiversations de la Commission Européenne. Cette dernière devait faire une proposition sur les perturbateurs endocriniens avant décembre 2013.
Il a fallu une plainte de la Suède soutenue par la France auprès de la Cour européenne de justice, qui s’est traduite par la condamnation de la Commission européenne pour manquement à ses obligations, pour que celle-ci fasse enfin une proposition en juin 2016. Le problème étant que, même si la Commission reprend pour partie la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé datant de 2002, elle est accompagnée de réserves qui en atténue la portée et rend difficile la classification. Jusqu'à présent, aux yeux de l'Europe, le bisphénol A, interdit en France, ne faisait pas partie des perturbateurs endocriniens...
En progrès, mais insuffisant pour protéger la santé humaine
La dernière définition des perturbateurs endocriniens soumise par la Commission européenne ce mardi, était plus restrictive : une quinzaine de produits étaient désormais retirés, au grand dam des lobbies de l'industrie chimique. Mais toujours pas certains pesticides et insecticides, dangereux pour la santé humaine et la biodiversité, ce qui ne satisfaisait pas du tout les les ONG environnementalistes.
Générations Futures et le Réseau environnement santé, vent debout
En amont de la réunion du 30 mai, Générations Futures avait ainsi appelé le gouvernement français et plus particulièrement son nouveau ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, à ne pas voter les critères scientifiques proposés par la Commission européenne, dans le cadre de la législation européenne sur les pesticides. "Un niveau de preuves exigé bien trop élevé et une dérogation scandaleuse au principe d’interdiction pour les pesticides perturbateurs endocriniens dangereux pour la faune sauvage dont le mode d’action sur les ravageurs est justement de perturber le système endocrinien ne peuvent pas être acceptés par la France, jusqu’alors en pointe sur ce sujet" expliquait François Veillerette, directeur de l'ONG.
"Les perturbateurs endocriniens représentent un enjeu sanitaire et économique majeur"
Le Réseau environnement santé (RES, qui a noté avec satisfaction les engagements de campagne d'Emmanuel Macron en matière de "santé environnementale, priorité du quinquennat", avec l'"interdiction des perturbateurs endocriniens", estimait que la réunion de Bruxelles était l’occasion de les transcrire dans la réalité. "Sur ce chapitre, "la France est aujourd’hui le pays leader au niveau européen rappelle le RES, elle doit le rester et entraîner les autres pays.""Les perturbateurs endocriniens représentent un enjeu sanitaire et économique majeur" souligne l'ONG, qui rappelle que l'explosion du coût des maladies chroniques met en péril le financement de l’assurance maladie : on dépense dans l'Hexagone en frais médicaux 64 milliards d’euros en plus qu’il y a 20 ans. Par ailleurs, les données scientifiques les plus récentes montrent que la croissance des cancers du sein ou de la prostate, de l’obésité et du diabète, des troubles du comportement et de la reproduction, s'explique en grande partie par l’exposition aux perturbateurs endocriniens pendant la grossesse et la petite enfance, notent les environnementalistes.
Chat échaudé craignant l'eau froide, la réunion du 30 mai à Bruxelles était un premier test pour Nicolas Hulot, attendu au tournant par les écologistes sur les perturbateurs endocriniens, comme sur bien d'autres points. Ils peuvent être rassurés : la position du nouveau ministre n'a pas varié par rapport à celle de sa prédecesseure, Ségolène Royal. Grâce notamment à la fermeté de la France, en l'absence d'une majorité qualifiée, le vote a été remis à une prochaine réunion qui devrait se tenir avant l’été.
Pour la santé environnementale, la bonne nouvelle est toutefois bien loin d'être suffisante. L'idée étant que l'Europe parvienne quand même à s'entendre, au final, sur une définition susceptible de bannir un jour prochain du marché commun les perturbateurs endocriniens, ces fameuses substances chimiques qui interfèrent dangereusement avec le système hormonal. Et, si possible, pas dans dix ou quinze ans.
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- Comparatif Substances toxiques dans les cosmétiques, liste de 60 millions de consommateurs, publiée le 20 février 2017 : cliquer ICI
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