Réchauffement climatique: la hausse du niveau des mers s'accélère
La fonte accélérée des glaces du Groenland contribue à renforcer l'élévation du niveau des océans. Photo AFP
Conséquence du réchauffement climatique à l'oeuvre sur la planète, les océans ont monté entre 2004 et 2015, 25% à 30% plus vite qu'entre 1993 et 2004. Tels sont les résultats d'une étude franco-suisse conduite par la scientifique française Anny Cazenave, du Laboratoire d'études en géophysique et océanographe spatiale à Toulouse, et publiée le 28 avril 2017 dans la revue Geophysical Research Letters.
"Oui, la hausse du niveau moyen global de la mer s'accélère et nous pouvons dire que cela s'explique par l'accélération de la fonte des glaces terrestres". Anny Cazenave
Ces travaux dont le site Internet du "Monde" s'est fait l'écho dans son édition du 2 mai, ont notamment permis aux chercheurs de comprendre pourquoi, alors que toutes les observations scientifiques montrent que la fonte des calottes glacières ne cesse d'augmenter ces dix dernières années sous l'effet du changement climatique, cet apport supplémentaire d'eau douce dans l'océan ne se traduisait pas paradoxalement par une accélération du niveau mondial de la montée des mers. L'ensemble de la communauté scientifique s'accorde en effet à dire que le seul Groenland a perdu en moyenne quelque 35 milliards de tonnes de glace par an dans les années 1990, contre environ 215 milliards de tonnes par an, en moyenne, entre 2002 et 2011. Une augmentation colossale. Pourtant, si l'on en croyait les relevés des satellites, ces dix dernières années, l'élévation du niveau de la mer progressait au rythme des années 1990, comme si la fonte des banquises n'avait aucun impact...
L'erreur instrumentale du satellite Topex-Poséidon
La faute en revient à un appareil défectueux, l'altimètre Topex B, embarqué sur le satellite d'océanographie Topex-Poséidon, développé par la Nasa et le Cnes, lancé en 1992. Ce dernier, sujet à une dérive, exagérait ses mesures, en rajoutant chaque année quelques dixièmes de millimètres. Poussière à l'échelle de la vie du commun des mortels, cet écart a des conséquences importantes sur l'évaluation de la hausse du niveau des océans. Il a été remplacé en 1999, mais il a fallu attendre 2015 pour qu'une équipe de chercheurs australiens donne une première estimation de l'effet de cette exagération : pour les observations effectuées entre 1993 et 1998, le défaut de l'appareil ajoutait artificiellement chaque année entre 0,9 millimètres et 1,5 millimètres, ce qui biaisait le comparatif avec les relevés obtenus depuis les années 2000. Pour mesurer encore plus précisément ce chiffre, l'équipe d'Anny Cazenave a pris le relais en compilant toutes les données disponibles sur les différentes contributions à la hausse du niveau des mers : dilatation thermique, fonte des glaces continentales, perte de glace des calottes polaires nord et sud, volume des retenues d'eau douce...
La fonte des banquises accélère la hausse du niveau des mers
Résultat de cette analyse, l'une des plus complètes qui soit à ce jour : la dérive instrumentale de Topex B a conduit à une surestimation de 1,5 millimètres environ de l'élévation des océans, soit le chiffre de la fourchette haute calculée par l'équipe australienne. L'étude constate également que le taux d'augmentation de la surface moyenne mondiale de la mer a augmenté de 0,8 millimètre par an au cours de la deuxième moitié de la période d'observation satellitaire, de 2004 à 2015. Pour les co-auteurs, cette augmentation est principalement due à la fonte accélérée de la couche de glace du Groenland. Logique, mais encore fallait-il le démontrer.
"La nouvelle étude n'est pas la première à estimer l'élévation du niveau de la mer, mais l'approche globale utilisée par les auteurs fournit peut-être la meilleure estimation de la vitesse à laquelle le niveau moyen de la mer global change". Anny Cazenave
Que les climatosceptiques ne se réjouissent pas trop vite : si la tendance globale de la hausse du niveau marin doit être légèrement révisée à la baisse de 3,3 mm par an à 3 mm en moyenne de 1993 à 2015, l'étude met en revanche clairement en évidence l'accélération du phénomène sur ces vingt dernières années. Sachant que "le niveau global de la mer est l'un des meilleurs indicateurs du changement climatique, car il intègre de nombreux changements dans le système climatique, de la fonte des glaciers à la quantité d'eau stockée sur terre pour la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère", comme le souligne Anny Cazenave, cette accélération n'est pas vraiment de bon augure pour l'avenir de la planète bleue. Inévitable, la montée des eaux risque également d’être plus importante que prévu – jusqu’à 2 mètres d’élévation d’ici la fin du siècle, comme le suggérait une étude américaine publiée jeudi 31 mars 2016 dans la revue Nature.
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