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Une régénération des espèces exceptionnelle, après la plus grande extinction du vivant sur Terre

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Le fossile d'un ancêtre du calamar géant a été retrouvé sur le site de Paris Canyon (Idaho, Etats-Unis), alors qu'on pensait que cet animal n'était apparu sur Terre que 50 millions d'années plus tard. Photo archives AFP

PALEONTOLOGIE -  Il y a 252 millions d'années, à la fin de l’ère primaire, la plus grande extinction de tous les temps rayait de la surface de la Terre 90% des espèces vivantes. Jusqu'ici, les scientifiques estimaient que les cinq premiers millions d’années qui ont suivi cette effondrement massif du vivant, s'étaient caractérisés par une biodiversité extrêmement faible et une lente rediversification de la faune et de la flore.

L'exploitation par les scientifiques d'un nouveau gisement paléontologique de fossiles situé près de Paris dans l'Idaho (Etats-Unis) révèlerait un tout autre scénario : moins d'1,5 million d’années après la crise, il y aurait eu, au contraire, une régénération d'êtres vivants d'une diversité aussi spectaculaire qu’inattendue. Réalisée par une équipe internationale de scientifiques coordonnés par le Français Arnaud Brayard, chercheur du CNRS au laboratoire Biogéosciences de Bourgogne, la découverte a été publiée le 15 février 2017 dans la revue Science Advances.

Petit retour en arrière, à l'échelle de l'histoire de la vie sur Terre, vieille de 4 milliards d'année. Il y a 252 millions d’années, lors de la crise volcanique dite Permien-Trias, s'est produite la plus grande extinction décrite à ce jour sur la planète : 9 espèces marines sur 10, et 7 espèces terrestres sur 10 ont alors définitivement et brutalement disparu lors d’un écocide majeur, manifestement déclenché par d’immenses éruptions volcaniques localisées en Sibérie.

Durant les 5 millions d’années qui ont suivi cette extinction de masse, soit la totalité du Trias inférieur, la biosphère restée très fortement perturbée, a connu au moins trois autres phases d’extinction. Une forte instabilité environnementale classiquement considérée comme la cause directe de la très faible biodiversité enregistrée durant tout le Trias inférieur, définissant ainsi une longue période de survie post-crise suivie d’une lente rediversification des espèces à partir du Trias moyen.

Une histoire bien plus complexe

GISEMENT PARIS CANYON.jpgMais l’histoire semble bien plus complexe que cela… Une équipe pluridisciplinaire internationale de paléontologues, sédimentologues et géochimistes (France, USA, Suisse, Pays de Galles, Suède et Luxembourg) conduite par Arnaud Brayard et impliquant cinq laboratoires français, soumet depuis plusieurs années ce scénario classique à l’épreuve des données. Elle vient de remettre en question de nombreux paradigmes tenus jusqu’alors pour acquis, grâce à la richesse exceptionnelle du contenu du site paléontologique de Paris Canyon (photo CNRS ci-contre) daté de moins de 1,5 million d’années après la crise Permien-Trias.

Une véritable fenêtre ouverte sur la vie marine au Trias inférieur

Pour les scientifiques qui ont déjà analysé 750 fossiles, ce gisement est une véritable fenêtre ouverte sur la vie marine au Trias inférieur. Et le paysage qu’il révèle est aussi spectaculaire qu’inattendu. Spectaculaire, car les fossiles exceptionnels de Paris Canyon donnent accès à de nombreux tissus mous fossilisés, ce qui est très rare, apportant ainsi des informations d’ordinaire inaccessibles aux paléontologues. Inattendue, car ils révèlent une impressionnante biodiversité, des invertébrés comme des éponges, des échinodermes, des bivalves, des arthropodes, des brachiopodes, des mollusques, des ammonoïdes, ainsi que des vertébrés et des algues. Tous ces organismes vivants ayant coexisté dans le même écosystème.

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Coléoïde à gladius (mollusque céphalopode proche des calmars actuels) retrouvé à Paris Canyon. Barre d'échelle : 5 mm. Photo Arnaud Brayard (CNRS)

Parmi la trentaine d’espèces identifiées à ce jour par les chercheurs, deux d'entre elles ont battu en brèche bien des théories sur la reconquête du vivant : une éponge et un mollusque  de la famille des calmars. L'éponge retrouvée à Paris Canyon appartient à un groupe très primitif aujourd’hui disparu, les leptomitides, que l'on croyait éteint jusque là depuis plus de 200 millions d’années. Inversement, une des nombreuses espèces de mollusques retrouvées sur le site est apparentée au groupe des calmars, alors que l’on pensait que ces animaux n'étaient apparus qu'au début du Jurassique, soit 50 millions d’années plus tard...

Une biodiversité plus grande et un écosystème marin bien plus complexe

Ces deux découvertes majeures illustrent une biodiversité plus grande et un écosystème marin bien plus complexe que ceux décrits jusqu’à présent pour la période qui a suivi la plus grande extinction massive de l'histoire de la planète. Non seulement la reconquête du monde vivant a été plus rapide que les scientifiques l'estimaient jusqu'à présent, mais elle a fait coexister des organismes de groupes anciens survivants de l'ère primaire, comme l'éponge de Paris Canyon, et des représentants de groupes modernes, encore vivants dans la nature aujourd'hui, comme le calmar.

Règle ou exception ?

Prochaine étape pour les chercheurs : tenter de définir à quel point un tel écosystème constitue la règle ou l’exception durant les premiers millions d’années qui ont suivi la grande crise du vivant. En clair : Paris Canyon est-il une extraordinaire bulle de vie, ou d'autres écosystèmes semblables ont-ils existé sur la planète bleue à la même époque?  Une chose cependant est désormais acquise grâce au gisement paléontologique : le Trias inférieur, période charnière de l’histoire de la vie sur Terre, complexe et perturbée, mais loin d'être totalement dévastée, n’a pas fini de livrer tous ses secrets !

Cathy Lafon

►PLUS D'INFO

  • Pour lire l'étude publiée en Anglais par Science Adances, "Unexpected Early Triassic marine ecosystem and the rise of the Modern evolutionary fauna" : cliquer ICI

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