Pollution aux boues rouges en Méditerranée : l'Europe épingle la France
Sur le site de l'usine Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône), en 2010. Photo archives AFP
Pendant 50 ans, depuis 1966, Alteo, l'usine d’alumine de Gardanne (Bouches-du-Rhône), a rejeté dans le canyon de Cassidaigne, en Méditerranée, par 320 mètres de fonds, ses boues rouges ultra-polluantes, qui dépassent les normes légales par leur taux d'arsenic, d'aluminium, de fer et d'autres contaminants, sur la base de dérogations obtenues de l'Etat au nom de la préservation de l'emploi.
Aujourd'hui, après avoir été obligée de s'équiper de filtre-presse, l'usine garde à terre les boues d'extraction mais le bras de fer continue entre la France et les défenseurs de l'environnement dans ce dossier : l'Etat l'a en effet autorisé à envoyer ses rejets d’effluents chimiques industriels en pleine Méditerranée, à sept kilomètres du littoral, via une canalisation, qui dépassent toujours les normes légales.
Les écologistes saisissent la justice
Les écologistes crient au scandale environnemental, et ne lâchent pas l'affaire : pour eux, la pollution perdure et menace le Parc national des calanques, tandis que l’emploi n’a jamais paru autant menacé, faute de solutions durables. L’association fédérative Union Calanques Littoral a adressé deux lettres au Premier ministre, Bernard Cazeneuve, le successeur de Manuel Valls à Matignon, le 7 décembre 2016 et le 10 janvier 2017, lui demandant de revenir sur l’arrêté préfectoral du 28 décembre 2015 qui autorise, pour une durée de six ans, les rejets industriels polluants de l’usine d’alumine de Gardanne dans les eaux du Parc national des Calanques, assortie du même délai pour mettre ses rejets liquides aux normes.
N'ayant obtenu aucune réponse concrète du chef du gouvernement à cette demande, le collectif, associé à plusieurs experts, a déposé le 12 janvier 2017, au tribunal administratif de Marseille, une plainte contre l’Etat français auprès de la Commission Européenne pour non respect de la législation communautaire concernant la protection de la Méditerranée. Cette requête a été acceptée par Bruxelles qui vient d'adresser à l’Etat français, dans un courrier datée du 24 janvier 2017, une série de questions.
L'Europe demande des comptes à la France
"L’activité de l’usine Alteo Gardanne est l'extraction d'alumine à partir de la bauxite. Les résidus de l'extraction, qu'ils soient liquides, solides ou boueux doivent donc être considérés comme des déchets. De quelle nature sont ces déchets solides issus de l'extraction d'alumine sur le site de Gardanne ? L'analyse de leur toxicité a-t-elle été uniquement effectuée par l'exploitant ? Des analyses ont-elles été effectuées/commanditées par les services de l'état ? Par des tiers ? Quels en sont les résultats, notamment en termes de présence de métaux lourd ?", demande notamment la direction générale de l'environnement de la Commission européenne, qui veut également des précisions sur "les mesures adoptées" pour prévenir ou réduire les conséquences sur l'environnement et la santé des rejets. "Quelles sont les mesures de prévention de la détérioration de la qualité de l'eau qui ont été prévues par le plan de gestion ?", interroge-t-elle aussi.
L'Etat français a dix semaines pour répondre à l'Europe. Les ONG Sea Sheperd, Surfrider et la Ligue de protection des oiseaux (LPO), quant à elles, demandent l'annulation "pure et simple" de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2015.
A suivre...
►PLUS D'INFO
- Union Calanques Littoral. Cette association loi de 1901 a pour but de regrouper toutes les volontés pour maintenir l’intégralité et assurer la sauvegarde du site classé des Calanques. Adresse : 16 traverse des Baudillons 13013 Marseille. Email unioncalanqueslittoral@gmail.com. Site web ucl.association.free. fr http://calanco.fr.forum
- Quels produits toxiques trouve-t-on dans les boues rouges ? Ces déchets polluants contiennent de nombreux métaux lourds (arsenic, fer, mercure, silice, titane...) reconnus comme agents toxiques par les Nations unies. Le mercure s'accumule dans les écosystèmes et peut atteindre le système nerveux des enfants et des fœtus en bas âge, l'arsenic peut être mortel à haute dose. Selon le mouvement Collectifs Littoral, au total, 20 tonnes d'arsenic, 2 millions de tonnes de titane, 60 000 tonnes de chrome et 1 700 tonnes de plomb ont été déversées dans la mer. Au total, au moins 20 millions de tonnes de boues rouges ont été déversées dans les fonds marins sur 2 400 km2, soit l’équivalent de dix fois la superficie de Marseille, précise le quotidien Le Monde.
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