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"Et l'homme créa... la vache" : un film drôle et édifiant à voir ce soir, sur Arte

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Jocko Besné, le taureau reproducteur star de l'élevage, mort le 13 mars 2012, aurait eu plus de 300 000 enfants femelles de la race laitière Prim'Holstein. Photo archives AFP

Selon la Bible, au commencement, Dieu créa la femme à partir d'une côte d'Adam, le premier homme qu'Il avait précédemment créé à son image. L'homme se prendrait-il à son tour pour Dieu ? Par la sélection des reproducteurs puis le génie génétique, les êtres humains ont en effet "fabriqué" des vaches parfaitement adaptées à la production et la consommation intensives. Un sacré glissement démiurgique qui interroge l'éthique, traité sur un ton cocasse, à découvrir au fil d'une nouvelle enquête passionnante d'Arte, diffusée ce samedi 19 novembre, à 22h35.

Jocko Besné, le Breton champion toutes catégories des taureaux donneurs de sperme

Au commencement étaient les aurochs, immortalisés par l’art pariétal de nos ancêtres de la préhistoire. Puis vint le temps de la domestication. En régentant la vie sexuelle des bovins, l’homme s’octroyait ainsi la possibilité d’améliorer la race. Au XXe siècle, qui voit l’invention de l’agriculture industrielle, le phénomène connaît un coup d’accélérateur grâce à l’insémination artificielle. Les tests de descendance, mis en œuvre pour élire les meilleurs reproducteurs, accouchent d’un véritable star-system et… de maladies de la consanguinité, la semence des taureaux les plus en vue inondant le marché. A l’image du vaillant Jocko Besné, né en 1994 dans le Morbihan et père de 400 000 femelles sans en avoir jamais sailli une seule... A flux tendu, il diffusait ses gènes dans plus de 60 pays. Un peu comme David Wozniak, cet adulte peu responsable, héros de la comédie québecoise "Starbuck", un film de Ken Scott sorti en juillet 2011, qui découvre, après avoir été donneur de sperme à de multiples reprises pour gagner de l'argent, qu'il est le géniteur de 533 enfants.

Cherchez l'argent

A la différence que le taureau, lui, qui n'avait rien demandé à personne, n'a pas empoché un seul centime du chiffre d'affaires total de 15 millions d'euros généré par le commerce de sa semence, qui a engendré 400 000 filles donnant du lait à foison. Car derrière la "super vache", c'est surtout l'argent qu'il faut chercher : un taureau indien a été vendu 1,2 millions de dollars lors d'une vente aux enchères de reproducteurs. Enorme ? Pas vraiment selon son propriétaire, au regard des gains engrangés grâce au commerce de son sperme de l'animal... A titre d'exemple, pour la race prim'hostein, celle de Jocko Besné, le prix moyen d'une dose de sperme s'élève à 15 euros, pour un taux de fertilité de 55%.

Des algorithmes pour déterminer le sperme idéal

vache rosita.jpgL'homme, comme on le sait, n'est jamais à court d'idée, dès lors qu'il s'agit de multiplier encore plus ses profits. Au début des années 2000, une nouvelle étape est franchie avec le séquençage du génome d’une vache. Désormais, il s’agit pour les éleveurs, guidés par des algorithmes, d’acquérir le sperme du mâle génétiquement idéal pour leurs femelles. Mais puisque l'on peut décrypter le génome des bovins, pourquoi ne pas le modifier ? Et hop, on passe aux Animaux génétiquement modifiés (AGM), le pendant pour l'élevage des OGM appliqués aux plantes.

Après avoir créé des saumons transgéniques, en Argentine, des chercheurs sont allés jusqu’à donner naissance à Rosita, une vache porteuse de deux gènes de femmes (photo ci-dessus) censés reproduire les propriétés du lait maternel humain. Qui a dit "beurk"? Pour la "création" de la première vache transgénique, il aura fallu pas moins de six "mamans" : une jersey pour la base de son ADN, deux "vraies" femmes pour les gènes, une autre vache, décédée, pour les ovules congelés, une angus pour la  porter et enfin, une mère nourricière. Quand on aime, on ne compte vraiment pas.

Vaches sur mesure

pis vache.jpgMusclée ? Sans cornes ? Avec des petits pis ? Ou bien des gros ? Capable de produire 43 kilos de lait par jour de lactation, comme le fait Bellissima, la reine des laitières, championne du concours agricole 2016 dans la catégorie prim-holstein ? Grâce aux progrès de la génétique, il n’y a plus qu’à choisir son modèle de vache et passer commande...

Stupéfiant et inquiétant

Tourné dans les élevages et les laboratoires, auprès d’agriculteurs, de généticiens et de philosophes, ce film dresse un état des lieux stupéfiant du pouvoir de l’homme sur le vivant, qu’il modèle selon ses désirs, et s’interroge sur le sens des rapports qu’entretiennent les humains avec les bovins, soumis à des cadences infernales.

Stupéfiant, certes, mais aussi très inquiétant, quand on sait que la consommation de viande a atteint, en 2015, 69 millions de tonnes dans le monde (soit 300 millions de bêtes abattues) contre 61 millions de tonnes, dix ans plus tôt. Mauvaise pour la santé si on en consomme trop, la viande bovine est aussi fortement émettrice de gaz à effet de serre. Bref, pour préserver le climat et la planète, au lieu d'augmenter, sa production devrait diminuer... Quant au bien-être animal, inutile de préciser qu'il n'est pas la préoccupation numéro 1 des apprentis sorciers à la manoeuvre dans les dernières évolutions de l'élevage intensif.

►A VOIR : "Et l'homme créa la vache" documentaire de Jean-Christophe Ribot, 22h35, samedi 19 novembre 2016, Arte et Arte+7

Cathy Lafon

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