Climat : la stabilité actuelle des émissions de CO2 ne suffira pas à limiter le réchauffement planétaire
La Chine a réduit son recours au charbon. Archives AFP
Pour la troisième année consécutive, les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues des énergies fossibles ont été stables, indique une étude du Global Carbon Project publiée ce lundi en marge de la conférence internationale sur le climat, la COP22, à Marrakech, au Maroc. Un fait "sans précédent en période de forte croissance économique", selon Corinne Le Quéré, de l'université britannique d'East Anglia, l'auteure principale du rapport. Voilà pour la bonne nouvelle de ce début de semaine.
Les mauvaises nouvelles étant que cela reste insuffisant pour contenir la hausse des températures sur la planète et que, selon un rapport publié le même jour par la Banque mondiale, le coût réel des dommages subis par les populations les plus vulnérables victimes d'une catastrophe naturelle est largement sous-estimé.
520 milliards de dollars de pertes
Alors que la COP22 a placé la question du financement de la lutte contre le changement climatique au coeur de ses débats, selon la Banque mondiale, les inondations, tempêtes, séismes et tsunamis plongent en effet chaque année 26 millions de personnes dans l'extrême pauvreté (moins de 1,90 dollars par jour) et provoquent jusqu'à 520 milliards de dollars de pertes, un coût de 60 % supérieur aux dommages généralement reportés. "Les catastrophes naturelles ont un impact bien plus fort sur le bien-être que ne le suggèrent les estimations traditionnelles", relève la Banque. L'ouragan Matthew, qui s'est abattu sur les îles Caraïbes et sur la côte sud-est des Etats-Unis entre le 3 et le 6 octobre 2016, a provoqué 2 milliards de dollars de dommages en Haïti et 7 milliards aux Etats-Unis.
Des émissions mondiales en recul
En 2015, le total des émissions mondiales liées à l'industrie et à la combustion d'énergies fossiles n'a pas crû, et devrait à peine augmenter en 2016 (0,2%), estime l'étude de Global Carbon Projetc, parue dans le journal Earth System Science Data. En 2014, leur croissance avait été de tout juste 0,7%, contre 2,3% d'augmentation annuelle moyenne sur la décennie 2004-2013.
Les bons élèves...
Si l'on peut observer cette "rupture claire" par rapport à la poussée des émissions constatée la décennie précédente, c'est grâce à la Chine, premier émetteur mondial, qui a réduit son recours au charbon, souligne le Global Carbon Project dans son onzième bilan annuel réalisé par des scientifiques du monde entier. L'Empire du soleil levant qui émet 29% des GES, a vu ses émissions baisser de 0,7% en 2015 (contre +5% par an la décennie précédente). Elles pourraient encore se réduire en 2016. Bons élèves, les Etats-Unis de Barack Obama, deuxièmes émetteurs(15%), ont également réduit leurs émissions de 2,6% en 2015 (avec -1,7% possible en 2016), en recourant au gaz et au pétrole plutôt qu'au charbon. "L'éolien, le solaire et le gaz continuent à remplacer le charbon dans la consommation électrique américaine", note l'un des co-auteurs de l'étude, qui estime que les projets du nouveau président américain, Donald Trump pour "ressusciter une industrie du charbon mal en point pourraient bien ne pas suffire à contrecarrer les forces du marché".
... et les mauvais
En revanche l'Union européenne (10% des émissions globales) a connu une hausse de ses émissions d'1,4% en 2015, contrastant avec de longues périodes de recul et l'Inde continue à voir ses émissions augmenter fortement (+5,2% en 2015).
«C'est une contribution essentielle à la lutte contre le changement climatique, mais ce n'est pas assez, les émissions mondiales doivent maintenant baisser rapidement, pas seulement cesser de croître». Corinne Le Quéré.
Pour limiter à moins de 2°C la hausse moyenne du thermomètre par rapport au niveau d'avant la révolution industrielle - seuil critique sur lequel la communauté internationale s'est accordée fin 2015 à Paris - les émissions devraient baisser en moyenne de 0,9% jusqu'en 2030, rappelle l'étude. Or, le monde a déjà émis les deux tiers de ce qui lui est permis s'il veut rester sous cette limite de 2°C. Et si la planète reste sur le rythme actuel, ce "budget carbone" sera consommé intégralement d'ici moins de 30 ans.
Si les émissions des GES se stabilisent, en raison de leur inertie, elles perdurent longtemps et leur concentration dans l'atmosphère n'a jamais été aussi élevée qu'en 2015, souligne aussi l'étude, qui veut alerter sur la nécessité pour les négociateurs, réunis à Marrakech jusqu'à vendredi, de trouver l'élan nécessaire pour accélérer encore les réductions d'émissions, seule condition pour faire un pas sérieux dans la lutte pour le climat. Inutile de préciser qu'il y a urgence: la température planétaire moyenne devrait être supérieure de 1,2 °C par rapport à celle de l'ère préindustrielle, selon l'Organisation météorologique mondiale.
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