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Cinéma. "Captain fantastic", super héros de l'écologie... et de l'amour

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Ben Cash et sa tribu. Photo "Captain fantastic"

Ce film est un bijou. Une fable écologique, fine et puissante, doublée d'une magnifique ode à l'amour : celui, viscéral, d'un homme pour sa femme et leurs six enfants, et celui, non moins viscéral, des dits enfants pour leurs parents. Un amour qui triomphe de la bêtise et des conventions, et même de la mort.

"Noam Chomsky Day"

"Captain fantastic" démarre fort : en pleine forêt, quelque part au nord-ouest de New York, Etats-Unis, une petite tribu peinturlurée de noir traque un cerf. Un commando de GI's à l'entrainement ? Non. Des Indiens dans une réserve ? Non. Des Pygmées ? Non plus. Entraînés par leur père, en mode survie extrême, les six enfants de Ben Cash, interprété par un Viggo Mortensen en état de grâce - aussi intelligent que beau et sensible (et réciproquement) - chassent à l'arc pour garnir leur assiette. L'aîné, Bo, 18 ans, tue l'animal et lui arrache le coeur, dans un rite initiatique qui le fait passer de l'adolescence à l'âge adulte...

Idyllique, la vie de la fratrie, au fin fond des bois, dans une méga-hutte. Au programme de leur éducation en autarcie, mi-hippie, mi-altermondialiste : chasse au daim à l'arc, pêche, escalade, yoga et cours d'espéranto. Dans cette petite communauté où la religion n'a pas sa place, on ne fête pas Noël mais le « Noam Chom­sky Day », en référence au célèbre linguiste et philosophe américain. Et le soir, musique, guitare et chansons autour du feu de bois, et... lecture. Merveille des merveilles, que la vision de ce père, contemplant avec un amour infini, un à un, les six membres de sa couvée, chacun plongé dans son bouquin et non branché sur un smartphone, une tablette ou une game boy... Et point de télé à l'horizon ! Incroyable, mais vrai.

Opération : "Sauver maman"

Mais on le sait bien, au paradis, comme au fond des bois, il y a souvent un loup. Pas un vrai, non. En l'occurrence, juste une question : mais où se trouve donc la mère de ce joli petit monde ? La réponse arrive, vite. Hospitalisée depuis peu chez ses parents, au Nouveau-Mexique, pour soigner sa bipolarité, la femme de Ben devrait rentrer bientôt. Sauf qu'elle se suicide. L'annonce de sa mort fait voler en éclat le bonheur de la fratrie, et va révéler les failles du système éducatif du père, ce "captain fantastic", chef de tribu et "chef" de famille, au sens propre du terme. Brillant et reçu aux plus grandes universités du pays, l'aîné des enfants se questionne : doit-il retourner à la civilisation et intégrer le système en dehors duquel ses parents l'ont élevé et que son père rejette ? Le deuxième garçon, pré-ado, lui, remet violemment en question l'autorité et le modèle paternels, reprochant à son père d'avoir tué sa mère... Ambiance. Cerise sur le gâteau : les grands-parents interdisent à Ben d'assister à l'enterrement de sa femme. Les voilà partis tous ensemble sur les routes à bord d'un vieux bus pour gagner le sud, pour une mission baptisée :  "Sauver maman". Bouddhiste,  leur mère voulait se faire incinérer afin que ses cendres soient dispersées dans un lieu passant. Et sûrement pas être mise en terre dans un cercueil...

Voyage initiatique à l'envers

Drôle et triste à la fois, parfois loufoque et souvent poignante, l'épopée de la famille Cash vers le sud, voyage initiatique à l'envers, va permettre aux enfants de découvrir la société consumériste et de l'abondance de l'Amérique, à des années lumières de celle, sobre, en symbiose avec la nature, dans laquelle ils ont été élevés et surtout, éduqués. Alors, le père est-il un dictateur vert, qui a fait le malheur de sa femme et se prépare à faire celui de ses enfants, comme le lui reproche son beau-père ? C'est bien sûr toute la question du film de Matt Ross, dont l'épilogue, ou la "moralité", révèlera que Ben est avant tout un homme attentif et bienveillant, qui aime profondément sa femme et ses enfants. Au point de renoncer à la garde de ces derniers, pour leur bonheur, quitte à s'en arracher le coeur.

Education humaniste à la Rabelais

En endurcissant leur corps et en meublant intelligemment leur esprit, dans un mode d'éducation humaniste rabelaisien, il a surtout permis à ses trois fils et à ses trois filles de construire leur jugement et d'acquérir autonomie, sens de la critique et indépendance d'esprit. Bref, de grandir avec "un esprit sain dans un corps sain", selon l'idéal antique, pour devenir, un jour, de vrais "citoyens". Quant aux enfants, qu'un amour intense relie les uns aux autres, c'est aussi l'amour qui les ramènera vers leur père.

Catharsis

Réussie, l'opération "Sauver maman", sera la dernière mission donnée par le "captaine fantastic" à ses enfants. En l'accomplissant, la petite famille, plus que jamais unie et indépendante, pourra en effet faire sa catharsis et, après avoir trouvé un compromis pour retourner à la civilisation sans perdre de vue ses idéaux, continuer à vivre en cultivant son jardin. Et son bonheur.Toujours sous la houlette d'un père utopiste et charismatique, vrai héros d'une écologie de conviction, qui se bat pour que ses enfants deviennent des êtres humains sains, respectueux de la nature, instruits, doués de raison et capables de penser par eux-mêmes. Tout un programme qui, avouons le, fait furieusement envie.

Cathy Lafon

►AU CINEMA : "Captain fantastic", film américain de Matt Ross, avec Viggo Mortensen, Franck Lagella, George MacKay...

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