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Anomalies dans l’industrie nucléaire : le scandale s'aggrave, affirme Greenpeace

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La centrale de Braud-et-Saint-Louis, en Gironde. Photo archives Sud Ouest

L'atome français est loin d'en avoir fini avec les ennuis. Greenpeace France a publié ce jeudi un rapport du cabinet Large Associates sur les anomalies détectées dans l’industrie nucléaire, concernant des pièces équipant 32 réacteurs, dont deux sur le site de la centrale du Blayais, à Braud-et-Saint-Louis, en Gironde. Ses conclusions  sont loin d'être réjouissantes : "ce rapport révèle la gravité de la situation : les réacteurs à risque représentent 44 % de la capacité de production d’électricité nucléaire française", assure l'ONG.

En clair, selon l'ONG, 32 réacteurs nucléaires français sur les 58 actuellement en activité en France ne résisteraient pas à une surchauffe à cause de pièces défectueuses.  «Ce sont autant de Fukushima possibles», assure l’expert britannique John Large, l'auteur du rapport. Au nom du principe de précaution, Greenpeace demande désormais l'arrêt de ces 32 réacteurs, tant que les contrôles n’ont pas été effectués et les démonstrations de sûreté complémentaires apportées.

 "Je n’ai jamais vu de problèmes aussi graves à une échelle nationale". John Large

A la demande de l'organisation écologiste, John Large qui a notamment travaillé sur le renflouage du sous-marin nucléaire russe Koursk, et sur les menaces des drones sur les centrales nucléaires françaises, a enquêté pendant plusieurs mois sur le cas de la cuve de l’EPR de Flamanville, point de départ de l'affaire, sur les générateurs de vapeur qui comporteraient eux aussi des anomalies de teneur en carbone et enfin sur le dossier des anomalies et des soupçons de falsification à l’usine Creusot Forge d’Areva. Il dénombre 107 pièces irrégulières dans 32 réacteurs sur les 58 que compte la France dans ses 14 centrales et qualifie les résultats de "pas seulement inquiétants, mais franchement préoccupants". Ces irrégularités sont qualifiées d'"anomalie de la teneur en carbone". 

EPR de Flamanville : pas de certificat de conformité

sécurité nucléaire,epr,flamanville,areva,edf,asn,irsn,greenpeacPremier enseignement : le rapport démontre que la cuve de l’EPR de Flamanville, pourtant déjà installée, ne dispose pas d’un certificat de conformité délivré par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cela signifie, explique Greenpeace, qu’"elle n’est pas conforme à la directive européenne sur les équipements pressurisés et ne répond pas aux exigences de l’ASN". Depuis 2008, le gendarme du nucléaire français demande que tout nouveau composant ait un certificat de conformité avant le démarrage de la production, rappelle l'ONG. Pour sa part, le 1er avril dernier, l'ASN a indiqué repousser à "fin 2016, début 2017" la date à laquelle elle se se prononcerait sur la fiabilité de la fameuse cuve du réacteur nucléaire nouvelle génération EPR en construction à Flamanville.

Flamanville, une cuve à détruire ?

Pour le cabinet Large Associates, désormais, le seul moyen pour garantir que la cuve de l’EPR de Flamanville et la méthode de forgeage sont conformes aux normes de certification, serait de procéder à un test destructif de la cuve pour tester sa résistance. Ce qui fait dire à Roger Spautz, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace, que "L’EPR de Flamanville ne pourra pas fonctionner puisque cette cuve ne pourra pas être utilisée pour une mise en service du réacteur." Plus que gênant, pour un chantier qui ne cesse d'accumuler les retards et les dérapages budgétaires et dont la technologie vient tout juste d'être vendue au Royaume-Uni ce jeudi, pour équiper le futur site nucléaire controversé d'Hinkley Point... L'EPR de Flamanville accuse en effet désormais au moins six ans de retard et son coût a déjà triplé à 10,5 milliards d’euros, après de nombreux déboires.

Une majorité des réacteurs français présente des failles de sûreté

Mais il y a plus inquiétant. Le rapport montre ensuite que "l’usine Creusot Forge d’Areva n’avait pas les qualifications  techniques requises et ne maîtrisait pas les procédures nécessaires à la vérification de la sûreté dans les étapes de fabrication des pièces", écrit Greenpeace. La publication récente, le 23 septembre 2016, par l’ASN, dune liste des réacteurs concernés par les anomalies et les irrégularités démontrait déjà que le phénomène prend des proportions alarmantes. Le nombre de composants affectés par des irrégularités et installés dans des réacteurs en service est en effet passé de 50 à 87, selon la Haute autorité. De même, le nombre d’irrégularités qui concernent la cuve de l’EPR a également augmenté. Le nombre réel de ces irrégularités est-il encore sous-évalué, s'inquiète l'ONG ?

Pour Greenpeace, "des composants qui présentent de telles ″irrégularités″ doivent être considérés, jusqu'à preuve du contraire, comme suffisamment ″à risque″ pour mettre en péril la sûreté nucléaire". L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), rappelle l'ONG, a, quant à lui, tiré la sonnette d’alarme cette année sur la présence de défauts non détectés qui induisent un risque inquantifiable d’incident radiologique sérieux.

Le scandale des anomalies s’étend à l’international

Enfin, troisième enseignement du rapport Large Associates, et non des moindres, des anomalies de carbone, similaires à celles de la cuve de l’EPR, détectées sur 18 générateurs de vapeur et révélées par l’ASN en juin dernier, démontrent la dimension internationale du scandale. Si une grande partie des pièces ont été forgées à l’usine Creusot Forge d’Areva, certaines l’ont été dans des forges japonaises. Ce qui apporte de l'eau au moulin de l'ONG qui doute de la fiabilité des procédures de contrôle de qualité et de conformité dans l’industrie nucléaire française et à l’étranger. "On fait face à une véritable faille majeure de la sûreté nucléaire !", s'alarme Roger Spautz.

Des responsabilités partagées

Côté responsabilités, le rapport pointe du doigt fabricants comme opérateurs. En ce qui concerne EDF et Areva, Greenpeace exige "plus de transparence et leur demande la divulgation complète et immédiate des analyses et données recueillies jusqu'à présent, afin de fournir à l'ASN tous les moyens pour continuer d'investiguer et de mener les tests nécessaires pour garantir la sûreté."

Deux réacteurs à l'arrêt forcé au Tricastin

EDF et Areva n'ont pas encore réagi officiellement aux révélations de Greenpeace. "Aucune pièce n'est affectée par des problèmes de teneur en carbone", affirmait le 23 septembre dernier l'électricien, à la suite de la publication de la liste de l'ASN. Selon le site internet de Midi Libre, à la demande du gendarme du nucléaire, EDF a toutefois été contraint de fermer deux de ses quatre réacteurs au Tricastin, après les contrôles effectués suite aux concentrations de carbone trop élevées trouvées sur la cuve de Flamanville. Des "mesures atypiques", "légèrement supérieures aux taux de carbone normal dans le métal", ont en effet été repérées dans les réacteurs 1 et 3 de la centrale de la Drôme, a reconnu l'électricien. L'arrêt actuel, pour maintenance et rechargement de combustible devra se maintenir au moins jusqu'à fin décembre, pour effectuer les mesures complémentaires.

Et dans le Blayais ?

En Gironde, le 19 septembre dernier, dans un courrier auquel a pu avoir accès Ma Planète, Patrick Maupin, le représentant de l'ONG à la Commission Locale d'Information (CLI) du Blayais, a relancé l'ASN-Bordeaux sur les irrégularités présentes sur les réacteurs 1 et 3 du  Blayais. Alors que le réacteur 1 figurait dans sa liste du 23 juin parmi ceux susceptibles d'être concernés par les anomalies affectant les fonds primaires de générateurs de vapeur, l'ASN a autorisé son redémarrage. Greenpeace demande que toute la transparence soit faite sur l'examen qui a autorisé ce redémarrage et sur l'état d'avancement de l'examen portant sur les pièces affectant le réacteur 3. A suivre.

Cathy Lafon

►LIRE LE RAPPORT Large Associates 

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  • Les articles de Ma Planète sur le nucléaire : cliquer ICI
  • Les articles de Ma Planète sur les anomales de l’usine Creusot Forge d’Areva : cliquer ICI
  • Les articles de Ma Planète sur l'EPR de Flamanville : cliquer ICI

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