L'Autriche donne à l'Europe son deuxième président écolo
L'écologiste Alexander Van der Bellen a remporté l'élection présidentielle autrichienne. AFP
Ce lundi, l'Autriche n’est pas devenue le premier pays de l'UE à se doter d'un président d'extrême-droite, mais le second à élire un président écologiste. Contre toutes attentes, le dimanche 22 mai, le candidat Vert Alexander Van der Bellen a battu, sur le fil, le candidat de l’extrême droite à la présidence de la République d’Autriche. A compter du mois de juillet, il sera le deuxième chef d'Etat écolo des 28 Etats-membres de l'Union européenne, avec Raimonds Vejonis, le président Vert élu par la Lettonie en 2015.
"Pour qu'un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent." Coluche
Les arbres n'ont pas voté en Autriche, pas plus qu'en Lettonie. Ce sont bel et bien des hommes et des femmes qui ont fait mentir l'humoriste français en confiant démocratiquement à deux écologistes les manettes de leur pays. En l'occurrence, la majorité des députés du Parlement letton, pour Raimonds Vejonis, et celle du corps électoral autrichien, pour Alexander Van der Bellen. Concernant ce dernier, "par défaut et seulement pour faire barrage à l'extrême-droite", qui serait la véritable gagnante de ses élections, avec près de 50% des voix, selon la docte analyse de la plupart des politologues et médias français. N'est-ce pas aller un peu vite en besogne ? Si Alexander Van der Bellen a effectivement su rallier au second tour de la présidentielle les suffrages de ses compatriotes, bien au-delà des seuls écologistes (c'est tout l'enjeu politique du deuxième tour d'une élection) c'est oublier qu'il avait éliminé la gauche traditionnelle autrichienne (le parti social-démocrate, SPÖ) dès le premier tour. Tout comme l'avait fait de l'autre côté de l'échiquier politique, son adversaire, le candidat d'extrême droite (FPÖ).
Echec des partis traditionnels
Les résultats de la présidentielle autrichienne traduisent donc peut-être surtout l’échec des deux partis qui se partagent le pouvoir depuis 1945, victimes d'une déroute historique au premier tour de l’élection. Et plus largement, le rejet grandissant des élites européennes traditionnelles qui campent sur leur pouvoir mais sont incapables, aux yeux d'électeurs de plus en plus nombreux, de solutionner les crises économiques, sociales, écologiques, migratoires et identitaires que traversent aujourd'hui leur pays, l’Europe et le monde. Des solutions d'"ouvertures" portées par les Verts à celles de repli et de "fermetures" défendues par l'extrême-droite, les quelque 6,4 millions d'électeurs autrichiens appelés aux urnes ont ainsi fait leur choix. Si la victoire de Van der Bellen sur Norbert Hofer (50,3% des voix contre 49,7%) ne s'est jouée qu'à un peu plus de 30.000 voix (31.026, exactement) et ne s'est pas faite, de toute évidence, sur les seules valeurs de l'écologie, elle montre qu'en Europe, face aux partis extrémistes nationalistes et eurosceptiques, il existe au moins une autre voie politique possible.
Mais qui est donc Alexandre Van der Bellen ?
" Je serai naturellement un président au-dessus des partis, pour tous". Alexander Van der Bellen
Le tombeur de Norbert Hofer (45 ans) a 72 ans. Fils de réfugié, Alexander Van der Bellen, ancien professeur d'université d’économie, qualifié de "brillant économiste" par les uns et de "fumeur d'herbe", de "pastèque, verte dehors et rouge dehors" ou encore de soixante-huitard attardé par d'autre, est né à Vienne en 1944 dans une famille d’origine hollando-russo-estoniennne. Passé d’abord par le SPÖ, le Parti social-démocrate, il est devenu député des Verts en 1994, avant de prendre en 1997 la direction du parti écologiste (Die Grünen), fonction qu’il occupera jusqu’en 2008. Durant cette période, les Verts présents au Parlement autrichien sont devenus la 4ème force du pays, derrière le FPÖ, le parti d’extrême droite de son adversaire (Parti de la liberté).
Le candidat des villes contre le candidat des champs ?
Dans une élection où la question migratoire a été au coeur des débats (le pays aux traditions d'accueil qui compte 8,5 millions d’habitants a accueilli la bagatelle de 90 000 demandeurs d’asile, soit près de 1% de sa population, lors de la crise des réfugiés de la fin 2015), Van der Bellen, candidat indépendant soutenu par les Verts, un parti qui a toujours défendu une société ouverte et multiculturelle, a fait campagne au centre, pour rassembler l’électorat modéré. Il a cartonné dans les villes, chez les femmes, les jeunes, les diplômés et les CSP +. Le nouveau président écolo qui entrera en fonction le 8 juillet prochain et succédera au social-démocrate Heinz Fischer, assure vouloir être "le président de tous les Autrichiens" et réconcilier les deux fractions du pays. Dès ce lundi, il a rendu sa carte du parti Vert et, dans son premier discours officiel à Vienne, a tendu la main aux électeurs de Hofer (en majorité des hommes, sans diplômes du second degré, des ouvriers, et des ruraux) que les incertitudes d'un futur lié à la mondialisation inquiètent. Pour Alexander Van der Bellen, un Vert plutôt libéral et pro-européen, la tache est particulièrement lourde : réformer, rassembler les deux Autriche que le scrutin a mis en évidence, et parvenir à stopper la montée de l'extrême-droite dans son pays d'ici à 2018, date des prochaines élections législatives.
Et Raimonds Vejonis ?
Cela fera bientôt un an que le 3 juin 2015, la Lettonie a porté à la fonction suprême un autre écolo. Raimonds Vejonis, co-président du parti les Verts et ministre de la Défense depuis 2014, était alors devenu le premier chef de l'Etat "100% écologiste" de l'Union européenne... et, sauf erreur, du monde. Marié et père de deux enfants, âgé de 49 ans, Raimonds Vejonis est né en Russie près de Pskov, où son père servait dans l'armée soviétique. Biologiste avant d'entrer en politique, nommé en 2002 ministre de l'Environnement, il a gardé ce portefeuille durant plusieurs gouvernements de coalition, jusqu'en 2011. Elu sur la liste de l'alliance populiste des Verts et Paysans, il est entré au Parlement en 2006. Soupçonné d'abord d'être moins résolu que son prédécesseur Artis Pabriks, dans le contexte du conflit ukrainien, car écologiste, il s'est montré très ferme face à la Russie (qui, il est vrai, n'aime pas beaucoup les écologistes). Outre le letton, le nouveau président de l'Etat balte parle aussi le russe et l'anglais. Il a succédé au centriste Andris Berzins, élu en 2011, qui n'avait pas souhaité se représenter.
Une présidente écolo pour l'ïle Maurice
Qui aurait cru, que l'un des trois petits Etats baltes, anciens pays satellites de l'Union soviétique longtemps opprimés par un régime communiste dictatorial, puis la très conservatrice Autriche, offriraient aux écologistes leurs premières grandes victoires électorales, alors même que l'Europe est en proie à la montée des populismes et de l'extrême-droite ? Soyons honnête : personne.
Et ailleurs dans le monde ? En juin 2015, Ameenah Gurib-Fakim, musulmane, est devenue la première femme élue à la présidence de l’archipel de Mascareignes, dont l'île Maurice. Une autre cheffe d'Etat écolo : la scientifique de renom et biologiste de stature internationale a fait de la défense de la biodiversité et de la lutte contre le réchauffement climatique ses priorités.
►LIRE AUSSI