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Sciences : "Faut-il avoir peur des nanos ?"

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Certains bâtons de rouge à lèvres contiennent des nanomatériaux.

Ces dix dernières années, les nanoparticules ont envahi notre quotidien. On les respire, on les boit, on les mange. On s'habille, on fait sa toilette et on se soigne avec... Certes, à petites doses. Mais sur le long terme, si aucune intoxication humaine ou manifestation pathologique n'a encore été observée, faut-il considérer qu'il n'existe aucun danger ? En février dernier, l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) a titré la sonnette d'alarme sur les risques de pollution
par les  nanoparticules, dans un rapport vivement critiqué par des scientifiques qui avancent les nombreuses études qui montreraient l'innocuité de ces substances. La controverse sur ce sujet hyper-sensible ne fait que commencer... Qu'en penser ?

Un livre pour nous aider à y voir plus clair

Pour Francelyne Marano, professeur de biologie cellulaire et de toxicologie et vice-présidente de la Commission spécialisée Risques liés à l’environnement (CSRE), l'important dans une démocratie, c'est que chacun dispose des clés nécessaire pour décrypter les enjeux des grands débats publics de société, comme celui qui entoure les nanos, et ce, sans a priori. Aussi, la scientifique qui participe aux différents plans nationaux santé-environnement, a-t-elle voulue se pencher sur la question pour éclairer ses concitoyens. Résultat : "Faut-il avoir peur des nanos ?", un petit livre pédagogique, précis, précieux et indispensable, que viennent de publier les éditions Buchet-Chastel dans leur collection éco-responsable, "Dans le vif". 

nanoparticules,nanos,livre,critiqueSavez-vous parler "nano" ?

Mais au fait, les "nanos", c'est quoi ? Utilisé à l'origine par les scientifiques pour désigner le milliardième de mètre, "le nanomètre est au mètre ce que la taille d'un nain de jardin est à la distance Terre-Lune", selon la définition imagée de Francelyne Marano. Les nanoparticules sont ainsi des éléments ayant une taille nanométrique, entre 1 et 100 nanomètres (1 nanomètre est 1000 millions de fois plus petit qu'un mètre). Lancé à la fin du XXème siècle par les industriels, le terme "nano", qui vient du grec ancien et signifie "nain", est entré aujourd'hui dans le langage courant et a donné naissance à tout un lexique :  nanotechnologie, nanoscience, nanomachine, nanolaboratoire, nanopuce, nanomédicament, nanocosmétique, nanoparticule, nanomatériau... Bienvenue dans le nanomonde !

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Les nanos sont partout

Certaines nanoparticules sont présentes dans la nature : les vents de sable, les feux de bois, les incendies de forêts, les éruptions volcaniques émettent des particules ultrafines, qui peuvent s'avérer dangereuses pour la santé humaine, comme les incendies de 2010, à proximité de Moscou, en Russie, qui seraient à l'origine de 11.000 décès anticipés. Le réchauffement climatique, qui augmente notamment le risque de feu de forêts, pourrait contribuer à multiplier les rejets de ces particules dans l'atmosphère. Mais celles qui posent surtout question, ce sont les nanoparticules industrielles fabriquées par l'homme présentes partout dans notre environnement. Le plus souvent à notre insu.

13.000 produits de grande consommation

Aujourd'hui, 1.300 produits de grande consommation contiennent des nanomatériaux.  Et ce n'est pas fini : entre 2006 et 2012, le nombre de ces produits a été multiplié par 5. En 2013, en France, ce sont plus de 400.000 tonnes de nanoparticules qui ont été utilisées dans les cosmétiques, les emballages, les textiles, les articles de sport, l'électronique, le BTP, les produits alimentaires, les médicaments, les engrais et les pesticides agricoles... bref, dans absolument tous les domaines de la vie courante.

Les nanos contre réchauffement climatique

nanoparticules,nanos,livre,critiqueLes industriels voient en effet dans les nanos des réponses à de nombreux problèmes, car ces toutes petites particules (nano-tubes de carbone, nano-argent, nano-titane, nano-zinc, etc....) possèdent  des propriétés physico-chimiques spécifiques particulièrement intéressantes et permettent de concevoir le verre "autonettoyant", le béton "antisalissures" ou encore des matériaux ultraléger et ultrarésistants. L'agroalimentaire utilise des nanoparticules dans certains additifs au goût. Les produits de santé et de bien-être, cosmétiques en tête, sont de véritables gloutons de nanos. Certaines crèmes solaires utilisent le nano-zinc pour plus d'efficacité et de nombreux rouges à lèvre, le nano-silice... Pour lutter contre le réchauffement climatique, la maison à énergie positive de demain pourrait elle aussi intégrer les nanos, pour améliorer les panneaux photovoltaïques et l'isolation des bâtiments.

Quels risques pour l'environnement et la santé ?

Mais si les bénéfices de ces substances sont clairs, de plus en plus de voix s'élèvent aujourd'hui pour interroger les risques qu'elles font courir au consommateur comme à l'environnement, alors qu'on a commencé à développer leur usage sans vraiment prendre en compte les risques potentiels pour la santé.  A juste titre, explique Francelyne Marano, car l'innocuité de la forme nano de certaines substances n'est pas démontrée sous prétexte que les produits chimiques, dont elles sont des composés, sont déjà autorisés. A titre d'exemple, on sait bien que les nanoparticules des nitrates agricoles se retrouvent ensuite dans la pollution de l'air ou de l'eau. Il est donc légitime de se poser la question : nanoparticules et nanomatériaux sont-ils toxiques ?

Les nanos peuvent franchir les barrières biologiques humaines

Pour l'être humain, l'exposition aux nanoparticules se faisait jusqu'à ces dernières années surtout par la voie respiratoire, notamment pour certaines catégories d'ouvriers et de professionnels. Désormais, avec l'application sur la peau de cosmétiques et produits d'hygiène corporelle et par l'appareil digestif via l'alimentation, il devient nécessaire de mesurer aussi l'exposition des consommateurs aux nanoparticules. Une fois libérées dans notre organisme, elles pourraient en effet avoir des effets toxiques sur notre santé. "Les nanoparticules, explique la scientifique, peuvent en effet franchir les barrières biologiques du cerveau, des poumons, du système digestif, du placenta pour les femmes enceintes et, en tout premier lieu, de la peau". Avec des conséquences certaines pour la santé, même si elles sont encore mal évaluées, alors qu'elles ne sont pas toutes vraiment utiles, y compris dans le champ des médicaments, écrit Francine Marano.

La question des nanodéchets

nanoparticules,nanos,livre,critiqueAutre problème, une fois qu’ils ont été utilisés, les nanomatériaux finissent dans des décharges, des incinérateurs (photo ci-contre) ou des stations d’épuration des eaux usées. Selon le rapport de l'OCDE publié le 22 février 2016, leur dissémination constitue une menace sérieuse pour l'environnement et, à terme, la santé humaine.  "Si les installations de traitement des déchets les plus modernes sont capables de retenir une grande partie des nanomatériaux, les procédés moins efficients, largement utilisés dans le monde, font que de grandes quantités sont probablement rejetées dans l’environnement, via les effluents gazeux issus des incinérateurs, les cendres appliquées sur la voirie, les eaux épurées ou les lixiviats (liquides résiduels) pénétrant dans le sol et les sédiments aqueux", écrivent ses auteurs.

Nanos ou pas nanos ?

Alors, faut-il se méfier des nanos et les rejeter en bloc ? Où au contraire, les laisser se multiplier sans encadrer leurs applications et évaluer leur toxicité potentielle ? Rien n'étant jamais tout noir ou tout blanc, Francelyne Marano veut privilégier les réponses du bon sens et du principe de précaution, qui recommandent d'arrêter de mettre sur le marché des produits non testés et, a minima, de les limiter aux produits vraiment indispensables. Si l'on peut se passer pour se maquiller d'un rouge à lèvres contenant du nano-silice, faut-il pour autant renoncer aux nanos qui permettent d'élaborer des médicaments ciblés ou de fabriquer des panneaux photovoltaïques plus efficaces ? 

C'est la société dans son ensemble qui doit pouvoir répondre à ces questions qui font aussi appel à l'éthique, et pas seulement les scientifiques, aussi pointus soient-ils, ou les industriels. 

Cathy Lafon

►A LIRE

nanoparticules,nanos,livre,critique"Faut-il avoir peur des nanos ?", Francelyne Maranao, édition Buchet-Chastel, collection Dans le vif. 12 €.

"Nanomatériaux et risques pour la santé et l'environnement - Soyons vigilants !", association AVICENN (Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies), éditions Yves Michel, février 2016. 7 €.

 

 ►PLUS D'INFO SUR LE WEB

nanoparticules,nanos,livre,critiqueLe rapport de l'OCDE : Nanomaterials in waste streams : current knowledge on risks and impacts.

Le site internet de l'association de veille sur les nanos, AVICENN  : cliquer ici et

Le site internet de veille et d'information citoyenne VeilleNanos de l'Avicenn : cliquer ICI

►REPERES

La France est le premier pays européen à avoir mis en place, depuis le 1er janvier 2013, un registre des nanomatériaux produits, importés ou distribués sur le territoire national. Le dernier inventaire, publié par le ministère de l’environnement, révèle que, de janvier à mai 2015, "plus de 14.000 déclarations ont été effectuées par des entreprises françaises (fabricants, importateurs ou distributeurs), ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à 2014 et de 500 % par rapport à 2013"

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