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Télévision. 30 ans après, vivre avec Tchernobyl : une soirée spéciale sur Arte

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Ce soir, des habitants des territoires contaminés par Tchernobyl et Fukushima témoignent dans un documentaire diffusé sur Arte, comme cette femme biélorusse. Photo Arte

Après Tchernobyl et Fukushima, que nous révèlent du risque nucléaire ces régions dont les habitants sont restés sur place ?

Trente ans jour pour jour après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (26 avril 1986) et cinq ans après celle de Fukushima (11 mars 2011), les habitants des territoires contaminés témoignent dans un documentaire exceptionnel, réalisé pour la télévision par Olivier Julien et diffusé ce soir sur Arte à 20h55, de leur cohabitation incertaine avec la radioactivité. Cette menace invisible et impalpable, avec laquelle il faut apprendre à vivre pour pouvoir survivre et qui dessine une réalité humaine poignante et méconnue.

Tchernobyl, Fukushima: deux désastres qui plongent l'humanité dans l'inconnu

catastrophe nucléaire,tchernobyl,fukushiam,arte,documentaire,anniversaireDans la nuit du 26 avril 1986, à 1h23, suite à une erreur humaine lors d'un test d'alimentation électrique, une série d'explosions détruit le réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine), rejetant dans l'atmosphère 50 millions de radionucléides, une quantité massive phénoménale de particules radioactives. En 15 jours, 15 milliards de milliards de becquerels (soit 30.000 fois les rejets des installations nucléaires dans le monde en un an) vont contaminer principalement la Biélorussie (70%), l'Ukraine et la Russie, mais aussi la Norvège et de nombreuses autres régions d'Europe et du monde, de façon plus ou moins importante. Tchernobyl reste la plus grande catastrophe technologique mondiale du XXème siècle et, pour la petite Biélorussie voisine et ses 10 millions d'habitants, un désastre à l'échelle nationale. En 1997, un Biélorusse sur cinq vivait dans une région contaminée, soit 2,1 millions de personnes, dont 700.000 enfants. Dans les régions de Gomel et de Moguilev, particulièrement affectées par la radioactivité, la mortalité était supérieure de 20% à la natalité...

Plongés dans l'inconnu

catastrophe nucléaire,tchernobyl,fukushiam,arte,documentaire,anniversaireVingt-cinq ans plus tard, le 11 mars 2011, la deuxième plus grande catastrophe nucléaire de l'histoire de l'humanité frappait Fukushima.  Au Japon, les rejets radioactifs ont été dix fois moins importants qu'à Tchernobyl, et les habitants ont été rapidement évacués et équipés de dosimètres pour faire des relevés de la radiation. Mais dans les deux cas, des centaines de milliers de personnes ont été déracinées, évacuées en urgence (250.000 dans un rayon de 30 km autour de la centrale en Ukraine, 170.000 au Japon), pour ne jamais revenir chez elles. Des millions d'êtres humains ont plongé dans l'inconnu, condamnés à vivre dans des territoires dits "faiblement contaminés".

Les cobayes européens de Tchernobyl

En Europe, dans ces "zones grises" décrétées vivables parce qu’en deçà de 40 curies au km2, près de 7 millions de personnes réparties sur 120.000 km2 entre la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Norvège, sont devenues avec leurs enfants les cobayes d’une cohabitation permanente avec la radioactivité, inédite à ce niveau. La catastrophe ukrainienne a provoqué dans les mois suivants une épidémie avérée de cancers infantiles de la thyroïde dans les territoires les plus proches de la centrale dévastée. Mais ensuite ? Que sait-on des conséquences à court, moyen et long terme d’une contamination qui continue, trente ans après, d’affecter l’environnement et la chaîne alimentaire ? À quelles conditions, en courant quels risques, les populations concernées ont-elles continué à vivre sur place, sans informations officielles et aussi, souvent, par manque de choix véritable ? En 2016, la science elle-même montre toujours ses limites face à ces incertitudes majeures....

Mesurer au quotidien les taux de radiation pour éloigner les "fantômes redoutables"

catastrophe nucléaire,tchernobyl,fukushiam,arte,documentaire,anniversaireC'est la raison pour laquelle Olivier Julien a voulu enquêter au plus près des habitants de trois des zones contaminées, en Biélorussie, auprès des Samis de Norvège (photo ci-contre) et au Japon. Avec l’aide de chercheurs du programme scientifique Ethos (1996-2001), dont certains témoignent dans le film, comme le Français Jacques Lochard, après des années de profonde détresse et de sentiment d'abandon, les Biélorusses ont appris à mesurer au quotidien, dans leur corps et leur environnement, des taux de contamination partout très variables, même à l’intérieur d’un étroit périmètre. Telle parcelle d'un jardin est contaminée, celle d'à côté non. A tel endroit dans la forêt, on peut se promener et même cueillir des champignons, mais un peu plus loin, la radioactivité affole les compteurs. Une  certitude : autour de Tchernobyl comme de Fukushima, tous témoignent de l'immense soulagement que leur a apporté le fait d’avoir pu reprendre en main leur destin par le "savoir". Comme le résume un Japonais, en établissant pour son village une carte détaillée "des fantômes redoutables" – la radioactivité –, il est enfin parvenu à tenir sa peur en respect.

Soldarité et ostracisation

catastrophe nucléaire,tchernobyl,fukushiam,arte,documentaire,anniversaireEmouvantes, les images montrent aussi comment les Biélorusses et les Samis norvégiens,  "vétérans" de la radioactivité, sont allés à la rencontre des riverains de Fukushima, afin de leur transmettre le savoir et les pratiques qu’ils se sont peu à peu appropriés, pour ne plus seulement subir l’angoisse de la pollution radioactive, mais combattre de leur mieux ses effets au jour le jour. La solidarité qu'ont voulu tisser les victimes de Tchernobyl avec celles de Fukushima, dans le cadre des "Dialogues de Fukushima", constitue certainement le plus beau message d'espoir du documentaire. D'autant qu'en contrepoint, ce dont souffrent toujours les habitants des "zones grises", c’est d’être ostracisés dans leur propre pays. Une double peine d'une injustice totale, suscitée par la terreur de la radioactivité qui ne les empêche pas de faire preuve d'une exceptionnelle humanité.

Aller à leur rencontre, souligne en écho le réalisateur, c’est mesurer aussi un paradoxe immense : pourquoi, en dépit de cet effroi, continuons-nous à construire des centrales nucléaires ? Et jusqu'où pourra-t-on supporter la menace de vivre avec telles contraintes, pour un confort énergétique que peuvent procurer d'autres technologies moins polluantes ? Car la seule question qui se pose, comme le relève un Sami à la fin du documentaire, ce n'est pas s'il y aura une autre catastrophe nucléaire, mais quand.

Cathy Lafon

►A VOIR

  • "Tchernobyl, Fukushima, vivre avec". Un documentaire d'Olivier Julien, Arte, 26 avril 2016, 20h55.

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  • LE SARCOPHAGE. Le 6 mai 1986, le coeur du réacteur, le corium, a fondu, et s'est écoulé 20 mètres plus bas. En 1986, un premier sarcophage a été construit pour isoler le réacteur de la centrale. Insuffisant. Depuis 2006, un second sarcophage, baptisé l'Arche, est construit par Vinci et Bouygues. Sa livraison est prévue pour 2017, il aura coûté 1,5 milliards d'euros. Les travaux pour sécuriser et démanteler la centrale sont loin d’être achevés.
  • LE BILAN HUMAIN. 65.000  "liquidateurs" sont morts et 165.000 sont restés malades et handicapés sur les 600.000 ouvriers qui sont intervenus sur le site de la centrale, déversant de l'eau, du sable puis collectant les déchets radioactifs, souvent sans protection aucune, puis construisant un premier sarcophage au dessus de la centrale. La catastrophe aurait provoqué 93.000 cancers mortels, sur les 270.000 enregistrés sur une période de 70 ans, selon Greenpeace (chiffres 2007). Au total, plus de 7 millions de personnes se sont retrouvées dans des "zones grises" contaminées,  suite à l’accident de la centrale de Tchernobyl.
  • LA BIÉLORUSSIE. L’actuelle Biélorussie a hérité de plus de 70% des retombées radioactives de l’accident. De la zone d’exclusion, qui concerne la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, 250.000 personnes ont été évacuées de leurs maisons dans l’urgence pour ne jamais y revenir. Deux villes et des centaines de villages ont été définitivement abandonnés. Mais à l’extérieur de cette zone interdite, se trouvent des territoires où des dépôts de particules moins denses ont engendré des niveaux de contamination supérieurs à la limite d’une situation "normale". Cela fait 30 ans que la population vit avec la radioactivité.
  • LA NORVÈGE. Alors qu'elle ne possède aucune centrale nucléaire, la Norvège a été le pays d’Europe occidentale le plus touché par les retombées de Tchernobyl, entrainées par les vents sur des milliers de kilomètres. En particulier les zones montagneuses et peu peuplées du centre du pays, où paissent depuis des siècles les troupeaux de rennes des Samis du sud, la population autochtone d’éleveurs traditionnels.
  • LE PROGRAMME SCIENTIFIQUE ETHOS. Après Tchernobyl, un programme scientifique, nommé Ethos, initié par des chercheurs français et soutenu par la communauté européenne, s’est implanté en Biélorussie pour identifier sur le terrain les problèmes et les besoins quotidiens des populations des territoires contaminés et tenter de les aider à adapte leurs comportements à limiter les risques encourus. Par la suite, des scientifiques norvégiens sont également intervenus auprès des Samis.

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