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20 % de bio dans les cantines en 2020 ? Au Sénat, c'est pas gagné...

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20% de bio dans les cantines ? Le Sénat est contre. Photo archives AFP

En France, l'introduction du bio dans les cantines, c'est d'abord une histoire politique.

3% de bio dans les cantines

Alors que toutes les études confirment que les aliments produits en bio sont meilleurs pour la santé que ceux issus de l'agriculture conventionnelle qui fait usage de produits chimiques (pesticides, engrais, fongicides...), faire passer en bio les restaurants scolaires où se nourrissent nos enfants, fait actuellement l'objet d'un débat politique, alimenté notamment par deux élus de la région. Pourtant, aujourd'hui, seul 3% du contenu des assiettes des cantines serait issu de l'agriculture biologique, selon l'association Un Plus Bio.

"Pourquoi pas 100% de bio ?"

Si l'objectif de 20 % de bio dans les cantines d'ici à 2020, porté par la proposition de loi sur l'"ancrage territorial de l'alimentation" de Brigitte Allain, députée écologiste de la Dordogne, examiné par le Sénat le 9 mars dernier, doit faire l'objet d'une discussion au Parlement, la logique voudrait donc qu'elle portât sur l'augmentation de ce chiffre. "Puisque le bio, c'est meilleur pour la santé, pourquoi ne pas prévoir 100% de bio dans les cantines en 2020, si on ne peut pas y parvenir avant ?", se demande n'importe quel citoyen lambda. Raté. En politique, la logique a ses détours et ses mystères que ne partage pas le commun des mortels.

20% de bio, c'est trop

Au cas où cela vous aurait échappé, sachez en effet que la commission des affaires économiques du Sénat a adopté, le 2 mars dernier, un amendement amoindrissant la portée du texte de l'élue écolo périgourdine, déposé par Henri Tandonnet, sénateur Nouveau Centre de... Lot-et-Garonne. Autre étrangeté, mais nos élus, quel que soit leur bord, ne sont, semble-t-il, pas à une étrangeté près, ce département se distingue pourtant par sa première place en termes de surface de culture bio dans la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.

"Une proportion correspondant aux capacités de production locale issue de l'agriculture bio"

cantine scolaire bio,sénat,assemblée nationale,projet de loi,fnab,polémique,pétitionMi-janvier, l'Assemblée nationale avait adopté à l'unanimité le projet de loi plutôt raisonnable de Brigitte Allain, qui propose qu'au 1er janvier 2020 au plus tard, 40% des aliments préparés et servis en restauration collective publique soient issus de produits locaux de saison, dont 20% de biologique produits bio. Or, l'amendement porté par Henri Tandonnet, lui, trouve que c'est trop. Exit ces deux objectifs. A la place, l'élu demande "une proportion correspondant aux capacités de production locale issue de l'agriculture bio". En clair, plus une région a d'agriculteurs bios, plus la cantine pourra proposer de menus bio, mais sans objectif chiffré.

Le Sénat rejette l'objectif de 20%

Pour éviter un rejet de la proposition de loi, l'écologiste Joël Labbé, qui défendait le texte le 9 mars au Sénat, s'y est collé, et a fait deux "concessions". La première : que dans le bio soient inclus les produits de territoires agricoles en conversion. La seconde : qu'à partir du 1er janvier 2020, tous les contrats signés par les collectivités intègrent ces mesures.  Mais cela n'a pas suffit pour obtenir un vote favorable. Les sénateurs se sont exprimés majoritairement contre le maintien de cet objectif de 20% et, faute de temps, l'examen de la proposition de loi a été reporté.

Les agriculteurs en bio, vent debout

L'objectif de 20% est "soutenu par de très nombreuses collectivités et en phase avec les attentes des citoyens". La FNAB

La Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB), dont on comprend le très grand agacement, monte au créneau et fait savoir qu'elle "souhaite que le gouvernement soutienne jusqu'au bout cette proposition de loi et ses objectifs d'intérêt général". La FNAB rappelle qu'ils sont "soutenus par de très nombreuses collectivités et en phase avec les attentes des citoyens". De fait, une pétition lancée par Agir pour l'environnement pour que les sénateurs maintiennent les 20% a recueilli 60.000 signatures. 

Moins de 400.000 hectares de terres nécessaires pour 20% de bio en restauration collective

Deuxième point, contrairement à l'argument selon lequel les filières bio seraient incapables de fournir les volumes suffisants et que cela conduirait à des importations, la FNAB a fait son calcul avec l'aide du "convertisseur alimentaire" de Terres de Liens.  Résultat : moins de 400.000 hectares sont nécessaires pour fournir les 20% de bio en restauration collective, soit 3 milliards de repas par an.

Banane et ananas bios ?

L'organisme rappelle ainsi que l'agriculture bio,  en plein boom, contrairement au reste du secteur, c'est 1,3 millions d'hectares en France. Quelque 220.000 hectares ont été convertis en bio durant la seule année 2015. 76% des produits bios consommés en France proviennent de l'Hexagone, et la moitié des importations concerne des produits exotiques et des spécialités gastronomiques qu'on ne produit pas dans le pays. L'ananas et la banane du Lot-et-Garonne, cela viendra peut-être un jour, réchauffement climatique oblige, mais on n'y est pas encore.

Les producteurs bios attendent les commandes

Enfin, dernier point, la FNAB fait valoir que "les producteurs bios, déjà organisés, ont créé des structures spécialisées pour la restauration collective dans de nombreux territoires". Bref, soyons triviaux, à défaut d'être de fins politiques : ils attendent les commandes. 

Car il n'échappe à personne que l'enjeu du bio, s'il est sanitaire, est aussi économique. Mais bon, en politique, la logique... Vous connaissez la suite.

Cathy Lafon

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