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Rénovation des centrales nucléaires : l'alerte de la Cour des comptes

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La centrale nucléaire de Civaux (Vienne). Photo archives AFP

Dans son traditionnel rapport annuel rendu public ce mercredi, la Cour des comptes s’inquiète des besoins liés au programme d’investissement d’EDF, notamment pour "le grand carénage" du parc nucléaire, à savoir sa rénovation, ainsi que du manque d'évaluation des conséquences de la loi sur la transition énergétique. Dans le grand Sud-Ouest, trois centrales nucléaires sont concernées : Braud-Saint-Louis dans le Blayais (Gironde), Civaux (Vienne), Golfech (Tarn-et-Garonne).

Si l'énorme pavé publié par les sages de la rue Cambon ne contient pas vraiment de révélations en la matière, il enfonce le clou en fournissant une bonne synthèse d'éléments connus, voire dénoncés, par de nombreux observateurs, notamment depuis la catastrophe de Fukushima qui a durci les exigences de sécurité depuis 2011. Tout récemment encore, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans son propre rapport annuel du mois de janvier dernier, tirait la sonnette d'alarme sur les capacités d'EDF et de la filière a assurer ses chantiers de maintenance à venir.

Maintenance des centrales nucléaires: de 4,4 milliards à 100 milliards d'euros

Les 58 réacteurs du parc électro-nucléaire français vieillissent et demandent de plus en plus d'investissements pour maintenir leur productivité, voire prolonger leur durée de vie, en toute sécurité. La loi française ne fixe en effet aucune durée à leur fonctionnement. Cette année, l'ASN qui, tous les 10 ans, décide ou non d’une poursuite d’activité au vu du bilan de sa "visite décennale", doit justement donner (ou pas) son feu vert pour de telles prolongations.

Exigences post-Fukushima

Or, les dépenses d'investissement  "ont évolué lentement jusqu'en 2007 (...) en raison de la priorité donnée par EDF à ses investissements internationaux" , note la Cour des comptes, qui juge ce niveau "insuffisant pour répondre aux besoins du parc" . De 1 milliard d'euros en2007, elles ont bondi à 4,4 milliards en2014. Dans le cadre du "grand carénage" prévu par EDF, La Cour estime à 100 milliards d'euros, d'ici à 2030, le besoin de financement "pour maintenir le parc actuel en état de répondre à la consommation électrique et aux normes de sûreté nucléaire, durcies après la catastrophe de Fukushima". Soit 1,7 milliard, en moyenne, par réacteur.

Incohérence avec l'objectif des énergies renouvelables

"A hypothèses constantes de consommation et d'exportation d'électricité à cet horizon, [cet objectif] aurait pour conséquence de réduire d'environ un tiers la production nucléaire, soit l'équivalent de 17 à 20 réacteurs". Rapport de la Cour des comptes 2016

énergies renouvelables,loi transition énergétique,centrale nucléaire,cour des comptes,rapportD'un autre côté,  la loi de transition énergétique votée en 2015, fixe l'objectif de réduire la part du nucléaire de 50% de la production électrique à l'horizon 2025. Développer les énergies renouvelables, afin de lutter contre le réchauffement climatique en accroissant l'indépendance énergétique du pays, implique nécessairement de diminuer en parallèle la part de l'atome et donc, de fermer et démanteler un certain nombre de sites en exploitation.

Or, une seule fermeture a été annoncée à ce jour par l'Etat, celle de Fessenheim, la doyenne des centrales âgée de 38 ans, promise par François Hollande pour 2017, et dont la date est toujours incertaine.

Dans ces conditions, on peut se demander s'il est stratégiquement cohérent et financièrement rentable d'engager d'énormes travaux de rénovation pour prolonger la durée de vie des vieilles dames du nucléaire français.

110.000 emplois d'ici 2020

"L’ensemble des projets industriels d’EDF et leurs répercussions sur la filière nucléaire devraient nécessiter 110.000 recrutements d’ici 2020".

Autre incohérence de taille pointée par la Cour, alors que l'électricien vient d'annoncer la suppression de près de 4.000 emplois en France au cours des trois prochaines années : ce sont quelque 110.000 salariés qui devraient être recrutés d'ici 2020 et formés pour mener à bien les chantiers liés au "grand carénage".

Pas d'évaluation de l'impact économique de la transition énergétique

Enfin, les Sages regrettent qu'aucune évaluation n'ait encore été réalisée sur l'impact économique de la transition énergétique pour EDF. La Cour estime la perte de revenus annuels de l'électricien tricolore à 5,7 milliards d'euros, mais aussi la baisse des charges d'exploitation à 3,9 milliards et celle de investissements de maintenance à 1,5 milliards.

EDF et la valse des milliards

Par ailleurs, EDF a devant lui d'autres obligations, au coût pharamineux.

  • L’achèvement de l’EPR de Flamanville, dont le coût ne cesse de s'accroître au rythme des incidents et des retards de fabrication : 11 milliards d'euros à ce jour, soit plus du triple du prix de vente initial.
  • La construction de deux EPR, sur le site de sa centrale anglaise de Hinkley Point : 20 milliards d'euros. 
  • Le rachat de la division réacteur d'Areva (en quasi-faillite, avec une perte historique de 4,83 milliards d'euros pour 2014 et l'annonce de 6.000 suppressions de postes, dont 4.000 en France) : plus de 2,5 milliards d'euros.
  • Sans compter l'inconnue de la facture sous-évaluée de la gestion des déchets nucléaires  : 32 milliards d'euros aujourd'hui pour Cigeo, le futur centre de stockage souterrain de déchets radioactifs de Bure (Meuuse), très contesté.
  • Et la facture cachée et pharamamineuse du démantèlement des réacteurs après leur fermeture... A Brennilis, en Bretagne, la centrale à eau lourde mise en service en 1967 et stoppée en 1985, est en cours de démantèlement depuis 30 ans, et le budget du chantier a déjà doublé.

Au final, la Cour insiste sur la nécessité d'établir l'évaluation de l'impact économique de la transition énergétique sur la filière nucléaire, dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui doit fixer la part des différentes énergies dans le bouquet de la production électrique tricolore.

Une chose est sûre, si l'on sort la calculette, nous n'avons pas fini de payer la facture du bateau devenu ivre du nucléaire  français.

Cathy Lafon

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