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Attentats à Paris : le chagrin, le deuil et la résistance

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Paris, dimanche 15 novembre après-midi, vers le Bataclan et la place de la République. Photo Philippe, un internaute lecteur de Ma Planète

Bordeaux, vendredi 13 novembre, 22 h. Ouf, fin de la semaine de boulot. Demain : week-end ! Le marché des Capus, déjeuner sur le pouce avec les copains avant un petit tour en ville à vélo pour acheter un bouquin à la "Machine à lire" et faire les courses au Grand Marché bio, et le soir, le cinoche en famille, pour aller voir "Spectre", le dernier James Bond, avec Daniel Craig (pas une grande réussite, au demeurant). Et puis, dimanche, le match de rugby à Chaban, pour soutenir l'Union Bordeaux Bègles, face à Clermont ! C'est chouette, en plus, on annonce du beau temps.

Le retour de l'horreur

Et puis voilà que le ciel vous tombe dessus. Votre fille déboule, son smartphone à la main : "Maman, ma copine à Paris me dit qu'une prise d'otages est en cours au Bataclan, il paraît qu'il y a eu une fusillade !" Très mauvais pressentiment. On allume illico la télé, pour voir les infos : onze mois après l'incroyable attentat de "Charlie Hebdo", c'est reparti. En pire. On appelle les copains et la famille à Paris, pour savoir s'ils sont en sécurité. Et puis les nouvelles défilent, les alertes sur les téléphones se succèdent, l'horreur monte de minute en minute, avec le nombre de victimes recensées, la découverte de six attaques simultanées contre des restaurants, des bars, un concert de rock dans une salle parisienne mythique, un match amical de foot France-Allemagne... Est-ce déjà l'habitude ? On conçoit l'inconcevable plus rapidement qu'en janvier dernier. Juste, en allant se coucher, le coeur serré et l'estomac en vrac, on sait qu'on n'en restera pas à la quarantaine de morts décomptés vers une heure du matin.

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A Bordeaux aussi, la nuit est courte. Au petit matin, la radio et le journal parlent désormais de 129 morts, dont plus de 80 au Bataclan et de plus de 350 blessés... Le petit-déjeuner ne passe pas. On gamberge. Après la liberté d'expression et celle de la presse, visées au travers des assassinats perpétrés à "Charlie Hebdo", après les juifs et les policiers tués en janvier dernier par les frères Kouachi et Coulibaly, cette fois-ci, les terroristes ont assassiné des gens au hasard, "froidement", selon les témoignages. Mais, une fois de plus, Daesh a soigneusement choisi son jour et ses cibles. Les Xème et XIème arrondissement sont deux des quartiers les plus populaires et les plus mélangés de Paris, les plus animés aussi, avec leurs restos, leurs salles de spectacles, leurs bars...

Symbole du plaisir de vivre ensemble

Bien plus qu'un mode de vie "à la française", c'est une sorte de symbole de la liberté, de la culture et du plaisir de vivre ensemble qui, quelque part entre les places de la République, de la Bastille et de la Nation, a été pris pour cible. Un vendredi soir de début de week-end, jour rituel de prière dans les mosquées et aussi de la mise en place de mesures de sécurité renforcées aux frontières, en vue de la  COP21. Ces actes terroristes d'une violence sans précédent sur le sol français, seraient la punition du pays pour avoir frappé, en Syrie, leurs "frères", proclament les terroristes, avant de se faire exploser. Et selon eux, ce serait aussi au nom de Dieu, que la barbarie, une fois de plus, aurait eu lieu.

"Timbuktu"

On continue à gamberger. "Tu te rappelles le film "Timbuktu", d'Abderrahmane Sissako ? On voyait ces soldats de Daesh, traquer, arrêter, puis enterrer vivants jusqu'à la tête deux musiciens et une chanteuse qui continuaient à faire de la musique ensemble, chez eux, malgré leurs interdictions, avant de les lapider..." C'est bien aussi ce qui est infligé à Paris, cette haine de toute forme d'art, cette haine de la culture, de l'humanité, des femmes, des homosexuels, cette haine de tout ce qui fait la magnifique diversité de la vie... Cette inhumanité ou cette "déshumanisation", incarnée les armes au poing, au quotidien. Un peu comme la barbarie nazie au XXème siècle, mais, bien sûr, sous des formes différentes.

"Rock the casbah"

Plus que jamais, l'art, la culture et la contre-culture sont nécessaires. Plus que jamais, le rock, musique "jeune", musique de combat, de fête et de rébellion, est nécessaire. Comme toutes les musiques, les films, les pièces de théâtre, les livres, la poésie, la peinture, la sculpture, les journaux, la presse, la télé, la radio, Internet, les réseaux sociaux... Alors, plus que jamais, une fois le nécessaire temps de recueillement passé, on continuera à sortir, à aller dans les musées et les expos, aux concerts et aux matchs, à discuter dans les cafés, à boire ensemble, à fumer, à s'habiller comme on le souhaite, en minijupe, ou pas, à porter la barbe, ou pas, à embrasser, à tenir par la main et à aimer qui l'on veut, en public, ou pas. On continuera à lutter, chacun à son niveau, dans l'unité et la solidarité, pour préserver les libertés du quotidien sans succomber à à la tentation de l'exclusion, de la haine et du repli sur soi. Et on résistera. Avec longtemps au coeur, le respect et la mémoire des victimes, et la peine et la douleur pour leurs proches, familles, amis, voisins... Presque un an après "Charlie Hebdo", Montrouge et l'Hyper Cacher, on a encore du mal à compter jusqu'à dix-sept. Alors, compter jusqu'à 129... Tiens, puisque c'est ça, on va se consoler un peu, en écoutant "Rock the Casbah", le tube des Clash.

Et aussi, "I Want You So Hard", du groupe de rock californien Eagles of Death Metal qui jouait vendredi soir au Bataclan.

Lutter encore et toujours pour le climat

Et puis, qu'on se le dise, plus que jamais, parce qu'on aime la vie, on continuera à lutter aussi pour préserver le climat et la planète. D'abord, parce que cela n'a rien d'accessoire : c'est la survie de l'humanité toute entière qui est en jeu. Ensuite, justement parce que, comme l'explique le livre de Pascal Canfin et Peter Staime, "Climat, 30 raisons pour comprendre la conférence de Paris", justement parce qu'une partie des tensions qui ont conduit à la guerre civile en Syrie et permis à Daesh d'imposer la terreur, trouve son origine dans le dérèglement climatique, la sécheresse et l'insécurité alimentaire. De même que la déstabilisation au nord du Nigéria par la secte islamiste Boko Haram. Le changement climatique, au-delà de la multiplications des catastrophes naturelles, est bel et bien un multiplicateur de menaces qui vient s'ajouter aux raisons politiques, religieuses et démographiques des conflits... Il est aussi la première cause qui met aujourd'hui sur les routes du monde des millions de réfugiés, loin devant les guerres. Et si l'on ne fait rien, cela ne va pas s'arranger : selon l'ONU, d'ici à 2050, on devrait compter 150 millions de personnes déplacées dans le monde, en raison du réchauffement climatique.

La COP21 doit avoir lieu

"Paris sera la capitale du monde" à l'occasion de la COP21. Manuel Valls, Premier ministre

Pour toutes ces raisons, il faut que la COP21 se tienne à Paris, comme prévu. Daesh qui se repait des divisions, de la misère et du désordre, ne saurait occulter l'enjeu majeur que la conférence internationale représente pour l'humanité toute entière. Et surtout, justement, pour les pays les plus pauvres, les plus fragiles et les plus exposés aux conséquences du changement climatique par leur situation économique et géographique. Le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé, ce lundi, qu'elle aurait bel et bien lieu, mais qu'elle serait "réduite à la négociation" et que les "concerts et manifestations festives" annexes "seraient sans aucun doute annulés". "Tous les chefs d'Etat et de gouvernement de la planète seront ici et apporteront un message au monde entier de soutien et de solidarité à la France" a expliqué le premier ministre. "Je crois que ce serait au contraire abdiquer face au terrorisme", a-t-il affirmé, en répondant aux interrogations sur l'opportunité de maintenir la COP21 qui ont surgi après les attentats de vendredi.

Ne jamais rien lâcher

Certes, au pays des droits de l'homme, on peut regretter que les manifestations annexes soient interdites et on ne renoncera jamais à exercer la plus extrême vigilance pour préserver les libertés publiques et individuelles. Mais on peut aussi comprendre, que pour que le grand rendez-vous sur le climat puisse avoir lieu, les forces de sécurité doivent aussi se concentrer sur l'essentiel. Près de 120 chefs d'Etat et les représentants de 195 pays sont, en effet, attendus au Bourget, du 30 novembre au 11 décembre, pour ce sommet international sur le climat, la plus grande conférence diplomatique jamais réunie en France depuis la signature de la déclaration universelle des droits de l'Homme à Paris en 1948... Quinze jour après les attaques effroyables de Daesh  à Paris, ce n'est pas rien.

Ma Planète, quant à elle, reprend ce mardi, sa part du nécessaire travail d'information qu'il faut continuer collectivement à mener pour l'environnement, pour l'écologie, pour la planète et donc, pour le bien-être futur de l'humanité. Avec une grande modestie et le coeur bien lourd. Mais sans rien lâcher.

Cathy Lafon

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