#COP21. Changement climatique : ça chauffe dans les vignes
Avec le réchauffement climatique, la vigne risque disparaitre de certaines régions du monde. Photo archives "Sud Ouest"
A la veille de l'ouverture du sommet international sur le climat (30 novembre au 11 décembre 2015), les livres consacrés au réchauffement climatique déboulent en nombre sur les tables des librairies. Ma Planète a fait son marché et vous propose sa sélection, pour mieux comprendre les enjeux de la crise climatique.
Le climat change, le vin aussi. Aujourd'hui, "Menace sur le vin, les défis du changement climatique", un essai revigorant sorti en octobre, permet de prendre la mesure des enjeux écologiques et économiques de l'avenir climatique de la planète pour la vigne et le vin. Les deux auteurs de ce livre aussi dense que court, les journalistes Valéry Laramée de Tannenberg et Yves Leers, explorent ces défis complexes et enquêtent sur les solutions possibles.
"In vino veritas"
Pour le climat aussi, la vérité est dans le vin. Depuis sa mise en culture par les Grecs, "Vitis vinifera", la liane-vigne sauvage préhistorique tout terrain, subit son quatrième changement climatique, anthropique et d’une vitesse inédite. Avancée des dates de floraison et vendanges de plus en plus précoces, modification de la pluviométrie, de la qualité et de la longueur des hivers, augmentation du sucre et du degré d’alcool… Sur la planète, le cycle végétatif de la vigne ne tourne plus rond et le vin change. « Allons-nous mettre fin à une histoire vieille de plusieurs millions d’années ? En réchauffant le climat, l’homme est peut-être en train d’écrire l’ultime épisode d’une très ancienne série : la conquête de la vigne », s’inquiètent les auteurs, spécialistes de l’environnement et du changement climatique.
Le Bordelais en première ligne
En France, le mercure a grimpé de 1,3°C depuis 1880, une hausse supérieure à la moyenne planétaire, de 0,85°C. En Aquitaine, l’une des régions où, selon le climatologue Hervé Le Treut, "le réchauffement risque d’être le plus fort en raison de sa situation géographique et de son positionnement par rapport à l’anticyclone des Açores", la température estivale a augmenté de 3°C durant la seconde moitié du XXème siècle. Le plus grand vignoble de France, le Bordelais, pourrait subir à l’avenir des hausses de température estivale de 5° à 10°C.
"Un bon problème"
Pour l’heure, en Gironde, le soleil qui bonifie le vin réjouit les vignerons - l’un d’entre eux confie que le réchauffement est "un bon problème" - et les vendanges exceptionnelles se multiplient. Mais depuis 30 ans, le vin a gagné 1° d’alcool par décennie. Pour les chercheurs américains, "une température moyenne de 18,8°C lors de la croissance de la vigne, placerait Bordeaux à la limite de la température optimale pour de nombreux vins rouges". Son cépage phare, le merlot, supporte mal le réchauffement et à terme, c’est tout l’équilibre des vins qui pourrait être rompu.
Les premiers réfugiés climatiques de la vigne
En France, où le vin emploie 250 000 personnes et génère 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, dont 8 milliards à l’exportation, les enjeux socio-économiques sont énormes. Il faut s’adapter, et vite. Première solution préconisée par les auteurs : passer à des méthodes agricoles bio et à la biodynamie pour adapter naturellement la vigne au changement climatique. Mais, pour le reste, selon les régions, les contraintes et les réponses ne sont pas les mêmes. Faut-il diversifier les cépages et en introduire de nouveaux, comme l’expérimente l’INRA sur la parcelle 52, dans le Bordelais où le Centre interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), a demandé officiellement une modification de la réglementation des cépages autorisés dans ses AOC ? Faut-il les ombrager, les tailler et les exposer différemment ? Ailleurs dans le monde, la vigne qui émigre de la Californie vers l’Oregon, a déjà ses premiers réfugiés climatiques. Mais de tels déménagements sous de nouvelles latitudes plus fraîches ne peuvent pas s’envisager partout.
Au grand chamboule-tout climatique, il y aura des perdants et des gagnants : les vignerons allemands et polonais se frottent les mains et demain, on dégustera des vins d’Angleterre, de Belgique, de Suède et de Norvège… Si la hausse du réchauffement des températures est limitée à +2°C avant la fin du siècle, nos tables accueilleront encore longtemps du vin, et du bon, même s'il sera vraisemblablement différent de celui que nous connaissons. Quant à la vigne et au vin français, ils ont encore de belles décennies devant eux, pour peu qu'ils sachent s'adapter. Mais au-delà de 4°C, c'est toute la carte mondiale du vin qui volera vraisemblablement en éclats et la question de l'adaptabilité de la vigne qui risquera de se poser, avertissent les auteurs.
►A LIRE
- « Menace sur le vin, les défis du changement climatique », Valéry Laramée de Tannenberg, Yves Leers, coll. Dans le Vif, Ed. Buchet-Chastel, 122 p., 12 €.
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