Pesticides: une Girondine lance une pétition nationale pour exiger le passage au bio des zones agricoles à proximité des écoles
Marie-Lys Bibeyran, photo DR
Marie-Lys Bibeyran est infatigable. Depuis la mort de son frère Denis, salarié viticole, décédé à 47 ans, le 12 octobre 2009, d'un cancer rare des voies biliaires – un cholangiocarcinome - après avoir travaillé 32 ans durant dans les vignes de Listrac-Médoc (Gironde), la jeune femme se bat en justice pour que sa maladie soit reconnue "post-mortem en maladie professionnelle", impliquant des pesticides.
Une audience s'est tenue le 5 mars 2015 devant la Chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux. C'était une première du genre en Gironde. Le 16 avril, la Cour d'appel a ordonné une expertise médicale et une nouvelle audience devant la chambre sociale devait se tenir ce jeudi. Elle a été repoussée et ne devrait pas avoir lieu avant le printemps 2016, le premier expert désigné s'étant déclaré incompétent tardivement, et le second n'ayant reçu sa désignation qu'au cours du mois de septembre.
Aujourd'hui militante anti-pesticides et membre de Générations Futures, Marie-Lys Bibeyran a lancé une pétition nationale sur Internet, le 26 septembre dernier, afin d'obtenir que toutes les zones agricoles et viticoles situées le long des écoles soient cultivées en bio, ce qui, selon elle, "constituerait une application élémentaire du principe de précaution" pour protéger la santé des enfants.
Le cas de l'école de Preignac...
L'initiative de Marie-Lys Bibeyran, 37 ans, elle-même salariée viticole à Listrac, fait notamment écho à l'étude commandée en juillet 2013 et publiée le 5 août dernier par l’Agence Régionale de santé (ARS) et l’Institut National de Veille Sanitaire (InVS), concernant les cas suspects de cancers pédiatriques chez quatre élèves de l'école primaire de Preignac, commune viticole en appellation Sauternes proche de Langon, séparée par quelques mètres seulement de la parcelle de vigne voisine, traitée avec des produits phytosanitaires. Le rapport observe à Preignac un taux de cancers pédiatriques six fois supérieur à la moyenne nationale. Dans les communes alentours, il est supérieur de 66%. L'étude se refuse toutefois de conclure à "un lien avec un facteur environnemental commun" (autrement dit, l'usage des pesticides dans les vignes), n'écartant pas la possibilité d'"un excès lié à une fluctuation aléatoire des maladies". Et ne parle donc que de "suspicion" à propos d'un éventuel lien entre cancers et pesticides.
... et celui de l'école de Villeneuve
Auparavant, le 5 mai 2014, une vingtaine d'élèves de l’école primaire de Villeneuve, près de Bourg-en-Gironde, avaient été victimes avec leur professeur, de maux (migraines, nausées, malaises) fortement suspectés d’être en lien avec des pulvérisations de pesticides effectuées le matin même, sur les parcelles de vigne distantes d’à peine quelques mètres de la cour de récréation où ils se trouvaient alors. L'affaire avait fait grand bruit. La plainte contre X déposée par la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso), afin de déterminer les causes et les responsabilités de l'incident, a été classée sans suite par le parquet de Libourne en juin dernier, après une enquête de la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) aux conclusions pourtant contradictoires. Selon le journal "Sud Ouest" du 9 octobre dernier, la Draaf avait émis une "forte présomption d'infractions à la réglementation des deux exploitants" des parcelles voisines de l'école, et évoqué "des traitements qui n'auraient pas dû être pratiqués".
"Principe de précaution pour la santé des enfants"
Pourquoi une pétition nationale : "Pour nos enfants, exigeons le bio ! Toutes zones agricoles proches écoles cultivées en Bio." ? "Il y va de l'intérêt de tous les enfants scolarisés dans des écoles proches de zones agricoles sur lesquelles sont utilisés des produits phytosanitaires", explique la lanceuse d’alerte sur les pesticides. "Ce que je demande, via cette pétition, est simplement une application du principe de précaution, inscrit dans la Constitution française. Principe très cher au monde viticole, qui traite ses vignes avec des pesticides en l'absence de maladies ou de parasites, au cas où... Ce même principe doit être appliqué à l'Homme, qui plus est lorsqu'il s'agit d'enfants ! Si une menace d'une gravité similaire, à celle d'un cancer avait pesé sur le vignoble, il y a longtemps que des mesures drastiques auraient été prises. C'est d'ailleurs ce qui se passe avec la flavescence dorée....", remarque-t-elle, en concluant : "Il y a urgence à prendre des mesures de précaution, à Preignac et dans toutes ces communes enclavées dans la viticulture."
Législation insuffisante
Pour la Girondine, qui salue au passage la réactivité de l'Association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP), qui a demandé début octobre à l'ARS et à l'InVS d'approfondir les investigations sanitaires et scientifiques sur les cancers pédiatriques de Preignac en les élargissent à l'ensemble des communes viticoles, leurs requêtes sont complémentaires."Il faut conduire de nouvelles études, mais cela ne pourra se faire que sur la durée. Voilà pourquoi il faut en parallèle prendre rapidement des mesures de précaution et de protection", explique-t-elle. Pour Marie-Lys Bibeyran, la législation actuelle concernant l'usage des pesticides est, en effet, insuffisante.
Des mesures de protection qui réduisent l'exposition aux pesticides mais la suppriment pas
"Que ce soit l'arrêté préfectoral de la Gironde du 23 juin 2014 ou la loi sur l'avenir de l'agriculture portée par Stéphane Le Foll, votée à l'automne 2014, la législation française conditionne l’application de pesticides à proximité des établissements accueillant des enfants à la mise en place de mesures (adaptation des horaires, plantation de haies, pose de filets anti pesticides, utilisation de buses anti dérive) dites de "protection" mais qui se limitent à une réduction de l’exposition sans la supprimer", déplore Marie-Lys Bibeyran. D'où la pétition...
Concrètement, la militante antipesticides qui rappelle que les études mettant en cause la responsabilité des pesticides sur certains types de maladies, cancers et troubles neurologiques, se multiplient, demande que "les zones agricoles et viticoles situées le long des écoles et des infrastructures sportives et culturelles, soient traitées partout en France uniquement avec des produits homologués pour l'agriculture biologique et ce, en dehors de la présence des enfants".
Adressée à Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, au préfet de la Gironde, Pierre Dartout et au sous-préfet de Langon, Frédéric Carre, la pétition a recueilli, à ce jour, 45.700 signatures. Pour y accéder : cliquer ICI
PLUS D'INFO
- La page facebook de Marie-Lys Bibeyran : cliquer ICI
- Son site internet : cliquer ICI
- Pesticides : Effets sur la santé - Une expertise collective de l’Inserm : cliquer ICI
- Exposition de la population française aux substances chimiques de l'environnement INVS : cliquer ICI
- Le site de l'AMLP : cliquer ICI
►LIRE AUSSI
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Pesticides en Gironde : l’inquiétude d’une mère, "Sud Ouest", 26 septembre 2015
- Pour retrouver tous les articles de Ma Planète sur les pesticides : cliquer ICI